vendredi 30 décembre 2011

Top 45 des Films 2011 (oui je sais ça fait un peu programme TF1 du 31 décembre)

Et hop. Ouais. On est comme ça, ici. A cause du bagne du suicide prévu des révisions, je ne pourrai compléter ce classement que dans quelques semaines, d'une part avec les films sortis en cette fin d'année (en vrac, "Shame", "A Dangerous Method", "La Délicatesse", "Oh my God!", etc.), d'autre part avec ceux que j'ai manqués pendant l'année et qui seront rediffusés en janvier dans les cinémas (surtout "Tomboy" et "Incendies"). Cela fera un Top 50 qui ravira les plus névrosés des nombres d'entre nous. Mais, en attendant, allons-y gaiment, n'est-il pas ?

Première catégorie : Les "Non mais là faut arrêter, mon coco."

45. "Tous les Soleils", Philippe Claudel
Au-delà des mots. L'histoire est ridicule. Les clichés abondent. La mise en scène ressemble à une blague. Une blague pas drôle. Rien à sauver. Juste à fuir.

44. "The Company Men", John Wells
Sans intérêt aucun.

43. "Harry Potter & the Deathly Hallows, Part 2", David Yates
J'ai déjà tout dit, mais en résumé : cette "fin d'une ère" sonne faux de tous les côtés.

42. "Un Heureux Evénement", Rémi Bezançon
Consensuel, démagogique, pétri de bons sentiments. Une réalisation digne du téléfilm. Un bon moment sur le coup, une indigestion juste après.

41. "The Woman in the Fifth", Pawel Pawlikowski
Faussement intelligent.

40. "X Men : First Class", Matthew Vaughn
Une très bonne idée de départ sclérosée par les incohérences et ce besoin viscéral de toujours faire des combats inutiles entre des nouveaux personnages stupides. Ah et très mal réalisé qui plus est.

39. "Love and Bruises", Lou Ye
Une histoire sans trop d'intérêt qui fait la leçon sur des choses que tout le monde sait déjà.

38. "My Little Princess", Eva Ionesco
Ou comment condamner ce qu'on nous a fait dans le passé en faisant exactement la même chose.

37. "Midnight in Paris", Woody Allen
Bâillement.

36. "Les Adoptés", Mélanie Laurent
De jolies idées mais parfaitement consensuel et prétentieux.

35. "La guerre est déclarée", Valérie Donzelli
Bien essayé, de l'ambition mais raté dans la forme et dans le jeu.

34. "Habemus Papam", Nanni Moretti
Une bonne idée de départ mais jamais rien de plus.





Deuxième catégorie : Les "oui bon ok si tu veux ça passe".

33. "Carnage", Roman Polanski
Aucun intérêt à adapter aussi fidèlement une pièce de théâtre. Bien joué et réalisé cela dit.

32. "L'Art d'Aimer", Emmanuel Mouret
Une comédie rafraîchissante et théâtrale mais qui n'apporte rien de bien nouveau.

31. "Le Gamin au Vélo", Jean-Pierre et Luc Dardenne
Frais et joyeux, mais un peu trop attendu.


30. "La Brindille", Emmanuelle Millet
Un sujet intéressant et original, une approche peu trop simpliste.

29. "Le Skylab", Julie Delpy
Drôle et authentique. Sans enjeu.

28. "Beginners", Mike Mills
Joli et original, mais un peu ennuyeux.

27. "17 Filles", Delphine et Muriel Coulin
Intéressant, joli et sans surprise.

26. "Les Bien-Aimés", Christophe Honoré
Honoré a fait mieux mais c'est un bon long-métrage, un peu plus ambitieux.

25. "The Artist", Michel Hazanavicius
Très méritoire, réfléchi, intéressant, ambitieux, réussi, mais une histoire bien trop simple et redondante.





Troisième catégorie : Les "Ah bah voilà ! C'est de ça que je parle."



24.
"Attenberg", Athina Rachel Tsangari
Esthétique, joli, indépendant.

23. "Et maintenant, on va où ?", Nadine Labaki
Joyeux.

22. "Toutes nos envies", Philippe Lioret
Honnête et authentique.


21.
"Sleeping Beauty", Julia Leigh
Très esthétique et légèrement subversif, parfois un peu trop léger.

20. "Les yeux de sa mère", Thierry Klifa
Un peu pompeux mais beau et clair.

19. "Last Night", Massy Tadjedin
Beau et cruel.



18. "Une Séparation", Asghar Farhadi
Extrêmement bien écrit.

17. "Drive", Nicolas Winding Refn
Un des meilleurs films de son genre.

16. "Polisse", Maïwenn
Un peu trop provoc mais extrêmement efficace.





Dernière catégorie : Les "Voilà, on touche au but, oui, c'est ça."



15. "Winter's Bone", Debra Granik
Dur et fort.

14. "La Piel que Habito", Pedro Almodóvar
Délicieusement kitsch, fou et actuel.

13. "Blue Valentine", Derek Cianfrance
Doucement violent, magnifique.



12.
"The Tree Of Life", Terrence Malick
Philosophie et beauté.

11. "Animal Kingdom", David Michôd
Glacial et hypnotique.

10. "Bonsái", Cristián Jimenez
Vrai, doux, juste.




09.
"L'Apollonide, Souvenirs de la Maison Close", Bertrand Bonello
Esthétique et puissant.

08. "Black Swan", Darren Aronofsky
Intelligent et complexe.

07. "The King's Speech", Tom Hooper
Bien mené de bout en bout.



06.
"Hors Satan", Bruno Dumont
Beau et philosophique.

05. "Medianeras", Gustavo Taretto
D'une incroyable douceur.

04. "Never Let Me Go", Mark Romanek
Purement émouvant.



03.
"We Need To Talk About Kevin", Lynne Ramsay
Complexe et violent.

02. "Restless", Gus Van Sant
Juste et touchant.

01. "Melancholia", Lars Von Trier
Art.





Donc ça, c'est fait.
Un classement super subjectif mais parole d'évangile puisqu'il s'agit du mien. Je vous invite donc à le prendre comme référence absolue pour les films 2011. N'écoutez pas ce qu'ils vous diront, "La guerre est déclarée", c'est naze.

Pour ceux qui n'auraient pas compris, je viens de prendre vingt minutes pour mettre des liens vers les articles correspondants sur les numéros du classement. Vingt minutes pendant lesquelles j'aurais pu dû étudier les prothèses cardiaques, par exemple.

Mis à part ça, je voudrais vous remercier d'être toujours plus nombreux, indépendamment du nombre d'articles que je peux poster, ma courbe de statistiques va toujours plus haut telle Tina Arena. Et ça, ça me fait tout plaisir à mon petit cœur. Ce qui nous mène à :

Suite des opérations pour 2012 :
Vous devez venir encore plus. Être plus nombreux. Ou actualiser dix fois la page quand vous venez, ça me fera le même effet du compteur qui tourne. Et ne pas hésiter à commenter davantage. Je sais que mes arguments sont toujours indéniables, mais n'hésitez donc pas à communiquer votre admiration et votre passion envers moi, ma verve et mon corps.
Le but à court terme est ma jouissance.
Le but à long terme est de devenir si mondialement connu que Les Inrocks et Télérama (oui, bobo un jour...) s'arrachent ma charmante personne comme critique cinéma dans leurs colonnes. Ainsi, je pourrai arrêter mes stupides études et ne plus jamais, ô grand jamais, entendre parler de prothèse cardiaque. Sauf si je mange trop de chocolat, ce qui, entre nous, est probable.

Alors, merci bien et à vos clics. Mon avenir professionnel et émotionnel ne dépend que de vous. Allez, on s'active, les copains. Et puis bonne année.

mercredi 28 décembre 2011

"Carnage", Roman Polanski

"Carnage" est l'adaptation par le cinéaste Roman Polanski de la pièce de théâtre "Le Dieu du Carnage" de Yasmina Reza. En découlent deux faits.

Premier fait. Adapter une pièce de théâtre au cinéma, une entreprise des plus glissantes... Polanski choisit le parti-pris de la transposer selon les codes originaux : unité de temps, unité d'espace. A l'exception des la scènes d'ouverture et du générique final, l'histoire se déroule dans un appartement (principalement dans la même pièce, d'ailleurs) et en temps réel. Nous allons donc témoigner d'une heure trente de la vie des quatre personnages. La question sous-tendue immédiatement est : quel est l'intérêt ? Si c'est pour une adaptation aussi peu aventureuse, à quoi bon prendre la peine de la produire ? Pourquoi regarder une sorte de pièce de théâtre dans un décor de cinéma ? Je ne sais pas pour vous, M. Polanski, mais moi, quand je vais au théâtre, je m'attends à voir du théâtre... et quand je vais au cinéma, je vous le donne en mille, je m'attends à voir du cinéma. J'adore les deux arts, mais ils ont des codes bien distincts. Ce n'est pas parce que des acteurs s'expriment dans les deux, que l'on peut les fusionner aussi facilement.

Ainsi, les situations qui auraient fonctionné avec brio au théâtre prennent ici un air faux, absurde, illogique, irrégulier, inintéressant. Aucune ambition n'est prise : on en arrive au point où on préférerait que l'adaptation soit infidèle, pourvu que cela amène de la surprise et surtout pour que cela place le film en premier lieu dans le domaine du cinéma. Ici, les réactions des personnages sont épuisantes. L'exaltation des émotions propre au théâtre prend ici un goût amer. Les disputes s'enchaînent : à chaque instant du film, deux personnages sont en train de se prendre le bec, jusqu'à ce que toutes les combinaisons d'alliance et de déchirure possibles aient été exploitées. On en arrive à regarder une interminable et insupportable dispute en huis-clos. Débat d'autant plus frustrant qu'il se déroule au cinéma. Et comme dans toute dispute, les débats stériles pleuvent, se répètent sans cesse, les réactions varient, et bien sûr, dans une bien pâle critique de la comédie humaine, les sourires finissent par révéler les crocs. Sans surprise et sans message, un déroulement aussi schématique que l'évolution des mimiques dans l'affiche du film. Le spectateur se retrouve à la place des personnages : enfermé dans une situation dont il voudrait se sortir.

Que reste-t-il alors de ce film qui peine à trouver une âme ? De la comédie ? Oui mais deuxième fait : "Carnage" fait partie de ces productions qui préfèrent, au nom du nombre d'entrées, vendre leur âme directement en révélant l'intégralité de leur substance dans la bande-annonce. Faire venir des spectateurs à tout prix, en montrant tout, pour que le public s'attende à encore mieux, à encore plus grand, alors qu'en fait, c'est bien le meilleur qui a été monté dans la bande-annonce... Et face au film, ce meilleur est déjà connu. On ne découvre que le reste, moins drôle, moins intéressant, moins surprenant. Et comme il s'agit d'un film de réalisateur connu, la bande-annonce tourne dans toutes les salles depuis quelques mois déjà : autant d'occasions de la connaître par coeur et de finir, une fois devant le film, par attendre les situations marquantes du trailer. Une énorme déception : on ne rira que si on n'a jamais entendu parler de ce film et qu'on y va les yeux fermés. Et si on se dit alors que l'ensemble du film sera forcément transcendé par une fin cataclysmique qui dépassera toutes les situations du récit exhibées par la bande-annonce, on est sur le point de vivre une frustration encore plus vive.

Évidemment, tout n'est pas non plus à jeter dans "Carnage". Les acteurs sont généralement très bons : Christopher Waltz est très bon en personnage exaspérant bien que caricatural (sûrement encore l'effet théâtre transposé sans nuance au cinéma). Jodie Foster livre la performance la plus réfléchie du casting, glissant lentement et prudemment son personnage dans ses réactions les plus violentes et primaires. Kate Winslet, quant à elle, assume la bourgeoise qui se vulgarise au long du film : léger repos sur les lauriers mais effet comique garanti. Enfin, John C. Reilly est un bon choix pour le rôle mais peine à trouver de la nuance dans son jeu, sans doute là encore freiné par la théâtralité excessive des réactions des personnages. Ces personnages sont pris dans une situation tout à fait anxiogène pour du cinéma, mais heureusement et évidemment joliment filmés, dans une réalisation Polanskienne à la fois précise, claire, réfléchie et efficace et dans une photographie aux couleurs chaudes et agréables.

Ainsi, "Carnage" est un film bien tourné et bien joué, mais il ne parviendra dans le meilleur des cas qu'à être un agréable divertissement, à la condition de n'avoir jamais vu sa bande-annonce marketting et de savoir fermer les yeux sur la question de son intérêt premier, tant l'adaptation aussi fidèle et peu ambitieuse d'une pièce de théâtre ne présente pas le moindre enjeu.

mardi 27 décembre 2011

"L'Art d'Aimer", Emmanuel Mouret

"Au moment où l’on devient amoureux, à cet instant précis, il se produit en nous une musique particulière. Elle est pour chacun différente et peut survenir à des moments inattendus..." Le film pose le décor dès la première seconde : ce sera coloré, joyeux, niais... Une comédie française assumée jusqu'au bout.


La narration alterne de courtes séquences : certaines histoires se suffiront, d'autres seront feuilletonnantes au cours du film. Cela amène un certain rythme, surtout au début du film ; à la fin, en effet, la dernière histoire est plus longue et assez lente, terminant le film sur un certain ennui face à la trame répétitive. C'est avant tout le thème de l'amour et, au-delà, de la fidélité qui est traité ici, sous toutes ces coutures : malheureusement, la conclusion toujours identique finit par lasser. Le film devient une sorte d'éloge de la fidélité, un présentoir des manières d'exorciser ses pulsions d'infidélité tout en restant juste et droit envers l'être qu'on aime réellement. Si cette morale est méritoire, sa répétition ad nauseam finit par interroger sa raison d'être.

Ce qui marque avant tout dans "L'Art d'Aimer", c'est la théâtralité assumée du film. Les décors colorés sont évidemment factices, la mise en scène est volontairement précieuse, la voix-off dicte les émotions des personnages avec une précision exagérée. Et surtout, la direction du casting n'a qu'un seul mot d'ordre : maniérée. Ainsi, le cortège d'acteurs articule, exagère, surjoue presque en levant les sourcils et en arrondissant la bouche. Conséquemment, selon les comédiens, le résultat diffère : il y a ceux qui sont faits pour ça au point qu'ils ne sauraient faire autrement de toute façon, je pense à Frédérique Bel. Ceux qui s'adaptent bien, tels la protéiforme Ariane Ascaride ou le touchant et juste Laurent Stocker.



Et il y a aussi ceux qui se demandent un peu pourquoi ils sont là, comme François Cluzet et Gaspard Ulliel, hommes perdus dans des codes inconnus mais qui jouent le jeu. Ceux qui ne savent jouer que comme ça mais qui restent exaspérants tout de même, bonjour Emmanuel Mouret, Louis-Do de Lencquesaing et surtout Judith Godrèche, insupportable. Ceux qui se plantent un petit peu, désolé Élodie Navarre. Et ceux qui arrivent à respecter cette direction mais à la dépasser pour y ajouter leur touche personnelle, avec Julie Depardieu, vraie star du film comme un poisson dans l'eau. Ce casting choral rassemblé sous le même mot d'ordre montrera donc une hétérogénéité flagrante mais relativement peu gênante sous cette égide de niaiserie assumée.


Emmanuel Mouret présente donc un film français théâtral, maniéré, assumé, niais, agaçant, répétitif, rythmé, drôle, ennuyeux, divertissant. Sur un thème déjà vu, rabâché, et ici décliné à l'infini sur une unique facette. Mais une comédie fraîche, en fait. Et si ce n'est pas un excellent film, ce n'est déjà pas si mal, aujourd'hui, de parvenir, quand on se présente avec une telle théâtralité, à rester frais.

dimanche 18 décembre 2011

"Kaboom", Gregg Araki

"Kaboom" est totalement barré. Voilà, le principal est dit : vous pouvez arrêter de lire maintenant et quand même réussir à me faire croire que vous avez suivi tout l'article si vous m'en parlez un jour. Bon.


Plus en détails, donc, "Kaboom" est totalement barré. Il s'agit tout de même, tenez vous bien, de l'histoire d'un jeune homme bisexuel, amoureux de son colocataire hétérosexuel et beauf, et qui découvre les joies du libertinage à l'université dans le même temps que sa meilleure amie, lesbienne. Vous allez vous dire, ok, c'est juste un film post-teenage à tendance scènes de cul (fort plaisantes par ailleurs). Oui, mais bon : notre garçon commence à avoir des rêves étranges et à vivre des expériences fantasmagoriques qui le font enquêter sur des faits surnaturels étranges... qui vont aller jusqu'à lui faire découvrir un grand complot mondial dont il est au centre. Vous allez vous dire, ok, c'est un film de science-fiction. Oui, bon. Sauf que c'est totalement barré. Et donc indéfinissable, tant le tout est plongé à chaque seconde dans le second degré le plus profond.


Commençons par le commencement, si vous le voulez bien. Thomas Dekker est un très bon choix. Parce qu'il est trop un beau gosse, vous dites ? Mais certainement. Et aussi parce que sa grâce androgyne rend son personnage éminemment attachant. Quant au reste du cast - Haley Bennett, Juno Temple, Roxane Mesquida, Chris Zylka... - sa performance est difficile à juger tant Gregg Araki prend un malin plaisir à diriger leur jeu façon émission de KD2A le samedi matin sur France 2. Mais les acteurs relèvent le défi avec tout autant d'amusement, et délivrent avec humour leurs répliques délicieuses et improbables. Mais le cinéaste ne s'arrête pas là : la réalisation est rose bonbon, part dans tous les sens, joue avec les codes du kitsch à chaque seconde.


Un film facile à détester ? Sans le moindre doute. On pourra me soutenir que c'est une daube internationale que je ne répondrais pas vraiment. Je pense néanmoins qu'à condition d'accepter le film comme un divertissement (et un gros film de pédé) qui ne prend au sérieux que le fait de ne pas se prendre au sérieux, on peut adorer l'expérience. Le n'importe quoi poussé jusqu'à son paroxysme. Au total, de ce joyeux bordel, ressortiront des questions posées sur l'amour, le destin, l'amitié, l'orientation sexuelle, la sexualité en général, les sectes apocalyptiques... ou pas, d'ailleurs : où est le besoin de poser des questions ? Araki s'amuse ; heureusement, nous avec, autrement le film aurait été un parfait échec. On préfère maintenant utiliser tous les codes des séries B et des navets des vingt dernières années, en les appuyant pour mieux s'en moquer. Finalement, est délivrée une explication finale, volontairement capillotractée à l'extrême, qui justifie (ou non!) toutes les excentricités du film, avant d'à nouveau tout envoyer en éclats, juste pour le fun.


Personnellement, j'ai beaucoup ri.

samedi 17 décembre 2011

"Americano", Mathieu Demy

Je suis allé voir "Americano" sans rien savoir de Mathieu Demy. Je n'ai fait que découvrir ce film, qui traite d'un homme dont la mère, américaine, décède. Il laisse sa vie française de côté quelque temps pour, initialement, s'occuper des problèmes relatifs à la succession et se retrouve à la chasse après la vie de sa mère.



L'histoire est assez simple et traite de thèmes universels. Sur ces terres connues, si elle ne parviendra jamais à vraiment émouvoir, elle ne tombera pas trop dans l'ennui ou le manque d'intérêt. Malgré le fait que le protagoniste ne soit absolument (et malheureusement) pas du tout attachant tant il est détestable, la quête de l'homme, en réalité à la recherche d'une preuve d'amour de sa mère, attache quant à elle suffisamment le spectateur. D'autant plus dans cette situation où, bien évidemment, Martin se retrouve peu à peu démuni de tout : voiture, argent, contacts, papiers d'identité... Comme une exaltation du destin à aller le confronter. Oui, bon. Disons que cela fonctionne tout de même.


Et cela tient surtout à une sorte de suspense : on finit par vouloir également savoir comment vivait, comment pensait la mère de Martin et on voudrait faire ses choix avec lui, voire à sa place. Le piège se resserre autour de lui, et parfois autour de nous également, alors que l'on contemple Salma Hayek, magnifique, puissante, vraie dans un rôle difficile. La seule actrice vraiment inoubliable du film, à la fois bien dirigée (contrairement à Chiara Mastroianni, qui a l'air de s'ennuyer) et toujours juste (contrairement à Mathieu Demy, qui campe son personnage principal et ne parvient pas toujours à convaincre, jouant de façon trop attendue). Mais, dans le même temps, le déroulement se fait sans surprise et avec un symbolisme trop appuyé : la situation asphyxiante du personnage devient irrespirable pour le spectateur également, d'autant plus que la réalisation laisse souvent à désirer... Des transitions qui s'obstinent à être ratées, aux maladroits plans caméra sur l'épaule, le film ressemble parfois à un échec d'imitation par dessus la jambe de la Nouvelle Vague.



Si le film semble hésiter autant que son fatigant protagoniste quant à la direction à prendre, aussi bien au niveau de la réalisation qu'au niveau de l'histoire, il est sauvé par sa fin. Sur le fil, à un cheveu d'enfoncer l'ensemble du long-métrage dans le mauvais, elle le rattrape en réalité, grâce à une volonté enfin claire, enfin honnête, enfin juste. Ainsi, comme pour Martin, l'expérience aura été parfois longue, parfois anxiogène, souvent sans surprise, parfois déroutante, mais, à l'image du touchant personnage plein d'espoir de Pedro (Pablo Garcia, très bon choix), finira par laisser un souvenir joli et assez fort.

vendredi 16 décembre 2011

Vieilleries : "Metropolis", "Deep End", "Blow-Up", "The Rocky Horror Picture Show", "Young Frankenstein"

"Metropolis", Fritz Lang, 1927
Le film muet culte... S'il est difficile de juger un si vieux film tant les codes novateurs d'hier sont les écueils clichés d'aujourd'hui, il apparaît évident que ce film a révolutionné le cinéma. Empreinte d'une poésie délicate et résonnant avec toutes les époques qu'il a pu traverser, l'expérience qu'il propose est tout à fait unique. Sa durée (très) longue passe alors en un clin d’œil, et on le regarde comme on témoigne d'une habitude surannée : avec amusement face au kitsch mais toujours avec respect face à l'importance d'une telle œuvre.

"Deep End", Jerzy Skolimowski, 1971
Ah, le bonheur des films des années 70 ! Une ambiance rétro absolument délicieuse pour une histoire subversive et surprenante. Jane Asher est magnifique tandis que John Moulder-Brown avance son personnage avec délicatesse, toujours entre la naïveté et la perversité, créant un spectacle glauque et fascinant. On se tient constamment sur le fil entre la découverte sexuelle de l'adolescent et le trouble pathologique de la personnalité, le tout dans une nonchalance troublante, jusqu'à une fin spectaculaire et dérangeante, qui emporte le récit jusqu'en ses confins.

"Blow-Up", Michelangelo Antonioni, 1967
Le récit introspectif dresse un portrait incroyablement profond d'un personnage à la fois détestable, attachant et fascinant. A l'image de son protagoniste photographe, la réalisation apporte un soin particulier aux couleurs, et délivre des plans d'une qualité surprenante. Mais c'est surtout le symbolisme omniprésent qui marque le long-métrage, rendant cette lente journée tout aussi perturbante, exaltante et passionnante qu'elle le sera pour son personnage, campé avec soin par David Hemmings.

"The Rocky Horror Picture Show", Jim Sharman, 1975
Le grand film culte Outre-Atlantique. Par où commencer ? Les chansons qui n'ont pas pris une ride ? Les personnages totalement fous ? Les situations loufoques à souhait ? La puissance iconoclaste du récit ? Le jeu d'acteur à la hauteur d'un tel degré d'excentricité ? Non, disons simplement que l'humour, l'humour, l'humour et encore l'humour règnent dans une comédie musicale qui a révolutionné les mœurs à un point à peine concevable, tant et si bien qu'elle fascine toujours et influence encore toute œuvre provocante ou un temps soit peu folle.

"Young Frankenstein", Mel Brooks, 1974
Un joyau de comédie. Ce radieux pastiche en noir et blanc enchaîne avec dynamisme des scènes hilarantes portées par des acteurs excellents dans des personnages incroyables. Si certaines blagues ont pris quelques rides, et malgré quelques discrètes redondances ou rapidités, le récit défile à grande vitesse, sans jamais ennuyer. Au contraire, le spectateur est tout le temps intéressé par cette célèbre histoire détournée ici avec malice au gré de répliques cultes et de situations étonnantes, le tout dans un esthétisme sûrement déjà rétro à l'époque, qui ne fait que rajouter à son charme désuet.

"Les Neiges du Kilimandjaro", Robert Guédiguian

"Les Neiges du Kilimandjaro" repose sur une promesse, une attente, presque un mensonge. Il nous mène à lui par un prémisse d'histoire qui ne sera pas suivi, à cause d'un événement inattendu qui vient tout bouleverser. En fait, c'est là sa force première : nous mettre progressivement le nez face au fait que l'on s'est attendus à ce que le récit prenne une direction qu'il ne suivra jamais. Quand on se retrouve alors, un peu bête, à comprendre que le titre du film n'en décrivait en réalité pas si explicitement la substance, on est obligé de s'arrêter un instant pour reculer de quelques pas, afin de discerner le réel propos de la production. C'est ainsi que son message passera avec plus de force qu'il n'aurait pu en faire preuve. Sous couvert de passer pour une comédie sur un voyage en famille, le film s'inscrit sans prévenir et profondément dans la fresque sociale, avec comme seule prétention une réflexion sur les limites et les décalages de la société actuelle, sa paralysie face au problème, comparable aux personnages qui ne décolleront pas, contrairement à ce qui était prévu. Une jolie intention.


Notre intérêt ainsi affuté par la surprise de la tournure des choses ne sera donc que plus attentif à chaque aspect de l'histoire. Mais, même si elle veut bien faire, elle tombe régulièrement dans l'excès, l'excès de bons sentiments, l'excès d'utopisme, l'excès d'héroïsme du quotidien. En conséquence, l'excès de clichés et de caricature. Cela sera parfaitement représenté par la fin du film, qui en fait trop, présentant une solution et une résolution trop parfaites, trop belles, trop faciles. Il nous laisse, en plus de la surprise initiale, dans un état hésitant quant à la qualité du message du film : il est beau, mais il est mal formulé. Si cet excès, qui plus est parfois un peu trop politisé, entache assez le message du scénario, il laisse intact le charme septentrional de l'ambiance du film, tourné dans un esthétisme proche du Super 8, qui surprend au départ mais auquel on s'accommode presque immédiatement tant il est touchant et adapté au sujet.


Et c'est donc dans une atmosphère ensoleillée que les personnages évoluent dans des situations souvent émouvantes et drôles, et s'interrogent, à mi-chemin entre l'impression pleine d'incompréhension d'avoir trahi leurs idéaux et la certitude de les avoir respectés. Cette remise en question, parfois pas assez poussée, reste intéressante, même si certains personnages, comme celui de Raoul (Gérard Meylan), bénéficient d'un peu moins de nuance, ou voient leur développement moins traité (Marilyne Canto), jusqu'à cette fin qui tombe comme un cheveu sur la soupe. Mais Jean-Pierre Daroussin, de son côté, traduit avec grande crédibilité les conflits internes de son personnage, tandis qu'Ariane Ascaride, parfois un peu moins juste, demeure cela dit spontanée, agréable et sincère. En tout cas, le plus surprenant s'impose : il s'agit de Grégoire Leprince-Ringuet, méconnaissable, en pleine mise en danger et en réussite indéniable.



Au total, le film est sincère sans doute. Mais passé l'effet de surprise sur son thème réel, il veut beaucoup, beaucoup trop bien faire, et tombe exactement dans ce qu'il souhaitait éviter. Ainsi, s'il reste une oeuvre agréable, emplie de réflexion, de bonté et de soleil, et malgré une bonne interprétation générale, il laisse un souvenir mitigé en raison de son flottement permanent entre le débat et le cliché.

mardi 6 décembre 2011

"La Femme du Vème", Pawel Pawlikowski

Encore une adaptation (apparemment assez libre) d'un roman... que je n'ai bien entendu pas lu. "La Femme du Vème" / "The Woman in the Fifth" raconte l'histoire de Tom Ricks, écrivain américain qui arrive à Paris pour reconquérir sa famille, retrouver le goût d'écrire et reprendre sa vie en mains après un mystérieux scandale qui lui a fait tout perdre. Mais le vol de ses affaires et le refus de son ex-femme le forcent à vivre dans un motel miteux et à prendre un travail louche pour le propriétaire de l'hôtel, jusqu'à ce qu'il rencontre une femme étrange.


Ethan Hawke campe le rôle de Tom Ricks avec beaucoup de conviction, donnant vie sans problème à ce personnage qui réunit, de manière un peu trop parfaite et scolaire, toutes les caractéristiques du protagoniste du film fantastique : attachant, complexe, instable. C'est sur cette ambiguïté que le cinéaste va vouloir jouer pendant tout le film, espérant ainsi créer un décalage idéal, une histoire posée constamment sur une frontière, un doute. Avant tout, cette recette un peu trop bien appliquée laisse avant tout montrer ses ficelles et gâche souvent la volonté du réalisateur : on voit qu'il fait tout pour créer un film purement fantastique (dans le sens premier du terme, à savoir dans une hésitation complète entre la solution de la réalité et la solution du surnaturel) avant de croire à ce dit fantastique. Cet attachement excessif au genre phagocyte les autres : malgré des scènes intéressantes, le film ne parviendra pas vraiment à faire dans le thriller ni dans la romance, et encore moins dans la réflexion philosophique, par exemple sur l'écriture comme on pouvait l'attendre.


Kristin Scott Thomas présente un jeu impeccable, elle aussi, tout comme Joanna Kulig dont le personnage est sans doute le plus attachant. Le casting relève donc le niveau du film, tout comme la réalisation qui, bien qu'un peu convenue pour le thème, est intelligente et relativement efficace, permettant de créer de réels moments de tension et à éviter suffisamment l'ennui par un rythme soutenu. C'est ainsi que la vacuité du scénario n'apparaît pas directement. La narration a été trop prétentieuse, trop sûre d'elle, se voulant sombre et complexe là où, une fois la révélation principale passée, l'explication la plus simple semble la plus vraie. La réponse aux maigres mystères du film apparaît un peu trop évidente et, malheureusement, les quelques éléments qui ne collent pas vraiment nous laissent de marbre, car ces zones d'ombre semblent avoir été laissées plus dans une tentative d'enrichir artificiellement le récit et surtout parce qu'ainsi, l'intérêt pour l'histoire n'est plus vraiment là.

dimanche 4 décembre 2011

"Les Adoptés", Mélanie Laurent

Mes rapports avec Mélanie Laurent sont pour le moins conflictuels. Je fus parmi ceux qui crièrent au génie en premier lors du génial "Je vais bien, ne t'en fais pas". Et puis tout s'est détérioré... Mélanie Laurent a touché le fond en faisant tache sur le paysage de "Inglorious Basterds", où la direction de Tarantino ne lui a pas réussi (et c'est le moins qu'on puisse dire). Puis, non contente de s'être ridiculisée en tant que maîtresse de cérémonie à Cannes, elle s'est mise en tête de chanter, ayant au moins la bonne idée de s'entourer convenablement mais signant des chansons qui pourraient être certifiées "garanties 100% variété française banale". Et voilà qu'elle s'aventure dans la réalisation ; il y avait des raisons d'être terrorisé.


Difficile de parler du film "Les Adoptés" sans vous spoiler puissamment, parce que le film tourne autour d'un élément qui arrive au terme d'une bonne demi-heure et en transforme la dynamique. Disons juste ceci, donc : "Les Adoptés" suit la vie de deux sœurs et du nouveau copain de l'une d'entre elles, en découpant le récit, de façon peu judicieuse parfois, en trois parties leur étant consacrées. Et il arrive donc quelque chose qui va révolutionner leurs vies. Maintenant que ça, c'est fait, nous pouvons en venir au fait principal : il y a des films qui semblent se résumer à un mot, le crier à chaque seconde comme pour nous en faciliter la critique une fois sorti de la salle sombre. Pour "Les Adoptés", ce mot est "consensuel".


Attention, je vous arrête tout de suite, au cas où vous deviendriez tous des grands fans des "Adoptés" et que je passe à nouveau pour un gros méchant sans cœur auprès de vous tous, alors que mon bonheur semble proportionnellement dépendant de mon nombre de visites. A mon sens, "consensuel" n'est pas un gros mot. Ce n'est pas une insulte, ce n'est pas un reproche, ce n'est pas un fléau. Ceci dit, le film de Mélanie Laurent est consensuel. Dans le sens où il donne l'impression d'avoir été fait par ce genre de fille sympa qu'on a tous connue et qui se considère comme une vraie artiste parce qu'elle porte parfois des habits indiens et parce qu'elle fait ses tasses elle-même. A ce titre, le long-métrage regorge de moments se voulant bien pensés, poétiques, mignons et artistiques. Parfois, cela fonctionne ; parfois, non. Dans tous les cas, chaque passage semble ressortir d'un consensus : outre un relatif manque de surprise, s'enchaînent des idées se voulant piquantes mais qui n'atteignent jamais le potentiel voulu. Mélanie Laurent, cette folle, nous montre ainsi une mère faisant une bataille de bouffe avec son fils, un mec rejoignant tout habillé sa femme dans son bain, une fille qui regarde tous les jours le même vieux film... Heureusement, ça ne tombe que rarement dans l'ennui, parce que la réalisatrice semble y croire sincèrement.


Consensuel, donc, le thème. Oh la terrible situation familiale dans laquelle les personnages se trouvent plongés ! Comment ne pas faire pleurer dans les chaumières avec une histoire pareille ? Et je l'avoue, ça fonctionne. Moi-même, avec mon cœur de pierre et mon regard hautain, j'ai été ému à plusieurs reprises. Parfois, j'ai même ri. A partir de là, peu de choses sont surprenantes dans les relations entre les personnages, leurs réactions, leurs évolutions. Il n'y a donc rien à en dire de plus, si ce n'est que la fin évite heureusement un écueil niais pour signer son enfoncement dans le consensuel.


Le film fonctionne en tant que tel, mais il est à la fois prétentieux et peu ambitieux. Le stigmate principal en est la réalisation : elle est comme je m'y attendais de la part de Laurent, c'est-à-dire léchée, réfléchie, se voulant originale. Ainsi, les images se suivent souvent dans une alternance de plans un peu en-dehors de l'histoire, tandis qu'en voix-off leurs conversations se poursuivent. Une volonté d'introspection par des métaphores visuelles. Certes, c'est très joli, c'est bien mieux que ce qu'on voit habituellement (quoi que, au vu de la dernière scène), mais ça reste à la fois consensuel et souvent prétentieux, encore une fois.


En parlant de prétention, Mélanie Laurent ne parvient pas à se détacher de la tentation de faire un film sur elle. Son personnage, même si elle s'en défend, est le personnage principal du film. Et en plus, c'est une chanteuse. Dieu merci, elle apprend de ses erreurs et ne chante jamais, elle gratte sur sa guitare avec classe et conviction (ou pas, hein). La caméra tourne autour d'elle ou alors c'est elle qui tourne. Le film pue donc Mélanie Laurent par tous les pores. D'un côté, cela vaut peut-être mieux : Marie Denarnaud, quant à elle, offre une performance parfois juste, mais souvent maniérée et fausse. Ce qui n'est certes rien comparée à Audrey Lamy qui, certes n'a pas beaucoup de chance avec un rôle caricatural et exaspérant, ne parvient qu'à le rendre d'autant plus caricatural et exaspérant. Denis Ménochet, quoi que mal dirigé par moments, s'en tirera bien mieux. Théodore Maquet-Foucher se débrouille bien pour un gamin, même s'il est honteusement instrumentalisé. Voilà. Tout le monde est tombé, d'une manière ou d'une autre, et au centre, il ne reste que Mélanie Laurent. Quel heureux hasard.


D'un autre côté, en ne récupérant que Mélanie partout, partout, on écope donc de ses défauts déjà cités. Le film se veut "arty", et y parvient certes, quoi que par des procédés bien simples. Il parvient sans peine à s'élever au-dessus de la moyenne des films français, en offrant des plans jolis et pensés. S'il est parfaitement consensuel, présentant des anecdotes, des histoires, des blagues et des larmes sans surprises et sur mesure pour plaire au public, il présente néanmoins une histoire touchante et parvient à éviter certains pièges. Ainsi, "Les Adoptés" est efficace sur le moment. Malheureusement, il ne laisse le souvenir que d'une froide prétention : on a l'impression que Mélanie Laurent veut crier au monde qu'elle est une artiste, qu'elle a fait quelque chose de beau, de léché, d'intelligent, d'hors-du-commun. Elle y croit, c'est attachant. Mais on a juste envie de lui dire d'arrêter de déconner : son film est sympa, mignon, joli, okay, mais à vouloir s'acharner comme ça à nous prouver que c'est la nouvelle œuvre de Dieu, alors qu'elle fait juste un peu mieux que Rémi Bezançon, elle ne fait que renforcer son côté "fille qui a fait du macramé à seize ans et qui se prend pour la plus grande artiste de Paris". Un peu d'humilité, par pitié.