lundi 24 octobre 2011

"Drive", Nicolas Winding Refn

De toute évidence, "Drive" apparaît à l’œil non averti comme la dernière grande production américaine en date. Observez l'affiche et osez me dire le contraire : à première vue, on se trouve quand même face à un film qui s'appelle "Drive", ce qui rappelle La-Plus-Grande-Daube-Que-J'Aie-Vue-Au-Cinéma-Mais-Ne-Vous-En-Faites-Pas-J'Y-Allais-Pour-Déconner, "Unstoppable" (l'histoire incroyable d'un train qui ne s'arrête plus.), ou tout autre grand film qui a l'avantage d'avoir une intrigue si complexe qu'elle peut se résumer aisément en un mot qui donnera envie à son public-cible de le voir. Ensuite, l'affiche confirme une impression de héros solitaire au volant de sa voiture prêt à faire les quatre cents coups pour multiplier les cascades super impressionnantes privant les petits Africains et les bébés phoques de millions de dollars mais en mettant plein les mirettes aux beaufs lors de leur sortie mensuelle au Kinépolis.


Mais vous êtes des lecteurs aguerris à l'oeil de lynx, je le sais. Vous remarquerez donc aisément les deux indices qui montrent que cette analyse est injuste. D'abord, le joli dessin de la palme de la mise en scène au Festival de Cannes ; ensuite, la présence de Ryan Gosling, qui, après avoir tant brillé dans "Blue Valentine", ne se serait quand même pas perdu en chemin aussi rapidement. C'est ainsi qu'il n'a fallu que trois avis positifs pour me décider : le premier a été donné par la commentatrice qui ne met pas son prénom ; le deuxième par quelqu'un qui avait été un peu déçu de l'absence des cascades sus-citées ; le dernier ici. Alors j'ai tenté l'expérience. Je ne regrette pas ! (merci les copains)

Hahahahahahaha


"Drive" est un bon film. "Drive" est en fait un des meilleurs films de son genre. Rapport à l'absence de scènes d'action du gabarit sus-cité ? Peut-être. En tout cas, niveau film d'action/thriller/que-sais-je, c'est l'archétype du long-métrage qui peut décevoir le public venu pour les cascades et ravir le public de ma sale espèce de snobinard. En effet, Nicolas Winding Refn préfère aux voitures retournées de longues scènes de son protagoniste dans sa voiture, avec une mise en scène dénotant de la relation fusionnelle, presque sensuelle qui s'établit entre les deux. Conduire est sa raison d'être et aucun doute n'est permis. La violence ne ressurgira qu'à quelques moments bien choisis, avec un réalisme déconcertant mais bienvenu; malgré quelques rares maladresses.


Cela dit, le propos est surtout de suivre le parcours d'un personnage, bien sûr très bien interprété par Ryan Gosling. Son jeu est une fois de plus impeccable, mais on reste loin de l'intensité émotionnelle de "Blue Valentine" : Winding Refn aurait sans doute pu le pousser plus loin. Le même constat opère pour Carey Mulligan, qui étonne cependant par sa crédibilité dans un rôle de femme forte et responsable, contrastant avec la douce vulnérabilité inhérente à ses traits. Le mélange mène à une interprétation riche ; c'est en fait son personnage en lui-même qui aurait pu être davantage creusé. Enfin, en terme d'interprétation, il faut saluer la performance de Bryan Cranston, dont la transition au grand écran se fait avec une facilité déconcertante, sans doute liée au fait que "Breaking Bad" possède déjà une réalisation, une photographie et en fait un concept très cinématographiques, mais qui risque de faire verdir de jalousie des acteurs moins chanceux comme Kiefer Sutherland (non je ne fais pas une fixette, c'était juste totalement infondé de le caster comme mari de Charlotte!).


Comme un tour en voiture, le film enchaîne avec sagesse les accélérations et les ralentissements, tout en maintenant un bon rythme de croisière. On est donc emmené pendant 1h40 dans un savant enchaînement de scènes où aucune place n'est laissée à l'ennui. Au contraire, les scènes "d'action" ne sont que plus choquantes par leur apparition brutale, et les scènes posées arrivent comme de jolies parenthèses qui sont en fait bien plus que ça, grâce à une mise en scène ingénieuse. On l'a dit, le film a emporté le Prix de la Mise en Scène au Festival de Cannes (beaucoup de majuscules). Je ne l'aurais sans doute pas attribuée à ce film, à mon sens, "Hors Satan" ou "Melancholia" ont fait cent fois mieux. Mais il est vrai qu'il faut saluer l'effort de réalisation qui a été fait : encore une fois, on fait rarement aussi bien dans ce genre cinématographique. Une bonne utilisation des plans, des couleurs, des durées. Alors je ne râle pas trop.


Là où le bât blesse, c'est plutôt au niveau de l'intrigue. Il semblerait que celle-ci est réduite au minimum pour ne pas trop dérouter le spectateur déjà décrit qui ne s'attend pas à un tel film. La densité narrative n'est jamais atteinte ; on attend que l'intrigue se précise, jusqu'à ce moment où, déjà emporté au milieu du film, on comprend que l'histoire se résumera à ça... Fait regrettable, tant elle est en fait assez banale. Un enjeu à peine dessiné, un semblant d'engrenage qui se resserre habituellement sur le personnage, quelques maigres révélations de fin de parcours, des résolutions similaires pour tous les problèmes et une fin sans trop de surprise. L'idée de base est bonne mais n'est pas poussée assez loin. A la place, on patauge sur un potentiel et on se contente de ce qu'on a trouvé.


Difficile de se tenir sur la lame du rasoir, entre les attentes des spectateurs et les aspirations supérieures ! Pourtant, dans ce genre de situation, il est souvent salvateur de tirer le maximum du concept, que les choses soient claires, définies, extrêmes. De là aurait sans doute percé totalement le génie, et tous y auraient trouvé leur compte. En attendant, même si la mise en scène, le rythme et l'interprétation élèvent le film bien au-dessus de ses camarades, on reste un peu sur notre fin, on ne parvient que partiellement à accéder à un récit qui hésite constamment entre deux publics, deux genres, deux envies.

1 commentaire:

Hé les copains, vous pouvez choisir l'option "Nom/URL" pour qu'on sache qui vous êtes. Comme ça si vous me faites des compliments je saurais à qui faire des bisous. Et si c'est des critiques je saurais qui rayer de ma vie. Paix amour bonheur!