"Les Neiges du Kilimandjaro" repose sur une promesse, une attente, presque un mensonge. Il nous mène à lui par un prémisse d'histoire qui ne sera pas suivi, à cause d'un événement inattendu qui vient tout bouleverser. En fait, c'est là sa force première : nous mettre progressivement le nez face au fait que l'on s'est attendus à ce que le récit prenne une direction qu'il ne suivra jamais. Quand on se retrouve alors, un peu bête, à comprendre que le titre du film n'en décrivait en réalité pas si explicitement la substance, on est obligé de s'arrêter un instant pour reculer de quelques pas, afin de discerner le réel propos de la production. C'est ainsi que son message passera avec plus de force qu'il n'aurait pu en faire preuve. Sous couvert de passer pour une comédie sur un voyage en famille, le film s'inscrit sans prévenir et profondément dans la fresque sociale, avec comme seule prétention une réflexion sur les limites et les décalages de la société actuelle, sa paralysie face au problème, comparable aux personnages qui ne décolleront pas, contrairement à ce qui était prévu. Une jolie intention.
Notre intérêt ainsi affuté par la surprise de la tournure des choses ne sera donc que plus attentif à chaque aspect de l'histoire. Mais, même si elle veut bien faire, elle tombe régulièrement dans l'excès, l'excès de bons sentiments, l'excès d'utopisme, l'excès d'héroïsme du quotidien. En conséquence, l'excès de clichés et de caricature. Cela sera parfaitement représenté par la fin du film, qui en fait trop, présentant une solution et une résolution trop parfaites, trop belles, trop faciles. Il nous laisse, en plus de la surprise initiale, dans un état hésitant quant à la qualité du message du film : il est beau, mais il est mal formulé. Si cet excès, qui plus est parfois un peu trop politisé, entache assez le message du scénario, il laisse intact le charme septentrional de l'ambiance du film, tourné dans un esthétisme proche du Super 8, qui surprend au départ mais auquel on s'accommode presque immédiatement tant il est touchant et adapté au sujet.
Et c'est donc dans une atmosphère ensoleillée que les personnages évoluent dans des situations souvent émouvantes et drôles, et s'interrogent, à mi-chemin entre l'impression pleine d'incompréhension d'avoir trahi leurs idéaux et la certitude de les avoir respectés. Cette remise en question, parfois pas assez poussée, reste intéressante, même si certains personnages, comme celui de Raoul (Gérard Meylan), bénéficient d'un peu moins de nuance, ou voient leur développement moins traité (Marilyne Canto), jusqu'à cette fin qui tombe comme un cheveu sur la soupe. Mais Jean-Pierre Daroussin, de son côté, traduit avec grande crédibilité les conflits internes de son personnage, tandis qu'Ariane Ascaride, parfois un peu moins juste, demeure cela dit spontanée, agréable et sincère. En tout cas, le plus surprenant s'impose : il s'agit de Grégoire Leprince-Ringuet, méconnaissable, en pleine mise en danger et en réussite indéniable.
Au total, le film est sincère sans doute. Mais passé l'effet de surprise sur son thème réel, il veut beaucoup, beaucoup trop bien faire, et tombe exactement dans ce qu'il souhaitait éviter. Ainsi, s'il reste une oeuvre agréable, emplie de réflexion, de bonté et de soleil, et malgré une bonne interprétation générale, il laisse un souvenir mitigé en raison de son flottement permanent entre le débat et le cliché.
Un de plus beaux films du 2011. C'est un peu niais, mais pour une fois que les héros gagnent moins de 1500 euros par mois, cela à le mérite d'être souligné. Comme quoi il y a une vie, dans les films français, en dehors des plans "Arrière Plan - Tour Eiffel"
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