Julie Delpy revient après le très bon "Two Days in Paris". Cette fois, le focus est déplacé depuis le couple à la famille : on passe de deux personnages à une multitude chorale. En découle une évolution mitigée.
"Le Skylab" a, en réalité, peu à voir avec son titre. Ce nom ne fait que recentrer le récit, comme cela sera régulièrement fait le long du film, sur le point de vue d'Albertine, la fillette de onze ans qui entre péniblement dans l'adolescence, et qui vit cette journée en famille de la fin des années 70 encore avec des yeux d'enfants effrayé et subjugué devant une lointaine menace stellaire. En effet, le récit se concentre sur le souvenir de vingt-quatre heures pendant lesquelles une famille élargie se retrouve à l'occasion de l'anniversaire de la matriarche. Pendant cette journée, alterneront les éclats de rire, les disputes, les révélations, les discussions, les anecdotes, les pleurs et les chants. Une réunion de famille somme toute normale.
Et on touche là au cœur du film : Julie Delpy semble vouloir à tout prix enclencher le processus d'identification du spectateur au personnage. Et effectivement, il est difficile de ne pas reconnaître sa propre famille dans cette galerie de personnages hauts en couleur et amusants. Leur grand nombre étouffe parfois et surtout limite le développement de la psychologie de chacun, mais le propos semble plutôt de les identifier chacun, et il est vrai qu'ils laissent tous un souvenir assez définissable. Cela est aidé par une interprétation souvent très correcte : Noémie Lvovsky amuse dans un rôle bien différent de la Madame de "L'Apollonide" mais tout à fait maîtrisé. Le temps de parole de Julie Delpy est considérablement réduit par cette foule d'acteurs ; ainsi que les nombreux d'entre vous qui ne supportez pas son jeu soient rassurés. Pour ma part, j'ai trouvé sa performance agréable, bien qu'un peu toujours trop frontale, avec un bon rapport avec Eric Elmosnino.
Quant à elles, Bernadette Lafont et Aure Atika proposent des interprétations un peu lisses et maniérées comme souvent, et Valérie Bonneton aurait gagné à creuser davantage son jeu. Cela dit, globalement, l'interprétation d'ensemble reste correcte et aide à porter ce film chargé. En réalité, le véritable exploit appartient à la jeune Lou Alvarez, qui livre une performance très talentueuse, et surtout jamais agaçante (ce qui est quand même très rare pour un enfant acteur ! Ah, les souvenirs de l'insupportable M.J. dans "Desperate Housewives"...).
Est alors dépeinte une succession de scènes souvent cocasses, et sincèrement drôles (on le pendouillera, on le pendouillera...), avec un essai à quelques touches presque politiques et un très rare éclairage sur des sujets plus sérieux. Le long-métrage est donc indéniablement comique, en touchant par sa fraîcheur et sa forme de réalisme, aidées par une réalisation joyeuse, colorée et une mise en scène délicieusement kitsch. Un véritable travail de "vulgarisation", au sens noble du terme, a sûrement été effectué dans l'écriture du scénario par Julie Delpy, dans ce sens où il est quasiment impossible de ne pas retrouver des aspects propres à sa famille, par l'universalité des conflits, des réactions, des caractères et des situations. Cela dit, tout cela vient au détriment d'une réelle histoire : le film ne restera d'un bout à l'autre qu'une suite d'anecdotes ; on renonce très rapidement à y voir une intrigue.
Cela ne serait en soi pas gênant si le tout était relevé par un message, à la manière de "Two Days in Paris", où les deux heures de dialogues sans fin étaient non seulement agrémentées d'un réel approfondissement de la psychologie des personnages et d'une dissection précise du sujet des relations amoureuses, mais se terminaient surtout sur une conclusion puissante, résonnant de justesse et de beauté. Ici, ce moment, on aura beau l'attendre, l'espérer même dans la rapide avancée dans le temps (où Karin Viard représente le personnage d'Albertine plus âgé), il ne viendra jamais. Le long-métrage aura donc, comme les tabloïds le désigneront, été "1h30 de bonheur pur", "un vrai moment de divertissement", "une comédie délicieuse", certes, mais rien de plus. Peut-on vraiment nous reprocher d'en attendre davantage de Julie Delpy ?
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