dimanche 30 septembre 2012

"Wrong", Quentin Dupieux

"Wrong" est ce genre de film qu'on ne peut pas résumer. Ainsi suis-je allé le voir, toujours en bonne compagnie, les yeux fermés, sous les bons conseils de Fifi Brindacier. Et je n'arriverai pas à vous raconter mieux qu'elle de quoi ce film parle : "C'est l'histoire d'un mec qui perd son chien... et après, c'est le bordel.". Ne restait donc à savoir que s'il s'agirait d'un bordel apocalyptique, épileptique ou magnifique.


Et, à vrai dire, c'est un peu de tout ça, bien évidemment. Prenons donc Dolph, interprété par Jack Plotnick, et qui semble un Américain tout à fait normal dans une maison américaine d'une rue américaine d'une ville américaine. Vous l'aurez compris, le film se fait quelque peu américanophile, mais en tire une esthétique qui n'est pas pour déplaire. Dolph perd son très cher chien - jusque là, je me répète et vous suivez. Ensuite, attention, ça se complique : cette disparition canine serait une grande conspiration qui aurait mal tourné ; le jardinier, l'inattendu Eric Judor (d'Eric & Ramzy), travaillera jusqu'à sa mort, ou peut-être pas, ou peut-être que si ; la livreuse de pizza tombe un peu trop amoureuse de Dolph quand il passe commande ; et les collègues de Dolph ont du mal à comprendre pourquoi il revient dans le bureau pluvieux trois mois après son licenciement. Pour résumer, parce que l'on est téméraire chez Assurément, c'est un florilège d'humour absurde que Dupieux nous présente pour ce long-métrage sans queue ni tête. Pari difficile...


Et pourtant plutôt tenu. Les dialogues sont ciselés à la perfection, rendant délicieuse chaque interaction entre les personnages farfelus : les mots qu'il prononce semblent aussi hallucinants qu'hallucinés, d'une drôlerie  bizarre, d'une bizarrerie drôle. Les petites pépites d'idées surréalistes sont innombrables et émaillent cette histoire résolument "WTF" (comme disent les jeunes). On suit donc en souriant ces événements aléatoires qui s'enchaînent, régis par le hasard et le manque d'explication, dans un environnement lumineux, clairs et précis. L'absurde à la Ionesco s'immisce aussi bien sûr dans les accessoires, les décors, ce qui n'empêche pas les plans d'être d'un esthétisme soigné où, pour l'heure, rien n'est laissé au hasard. C'est d'ailleurs ce décalage étonnant qui fait toute la saveur du film : une réalisation léchée, emplie de plans réfléchis, maîtrisés et savamment dessinés, contraste avec un scénario volontairement chaotique.


Ah, ce qu'on aurait aimé que derrière ce scénario se cache un travail de recherche aussi poussé que pour la forme ! Car si "Wrong" ne s'était pas reposé (caché ?) derrière un absurde assumé, si Dupieux ne répétait pas à qui veut l'entendre qu'il aime que l'art surgisse de nulle part, au milieu du hasard, si on touchait là à un absurde à la Lewis Carroll, mystérieux, épais mais porteur de sens, alors ce film serait un chef d’œuvre. Au lieu de cela, on finit par s'ennuyer un peu face à tous ces moments, certes drôles et inattendus, mais qui prennent surtout un tournant de facilité ; à force de mettre un point d'honneur à ne rien vouloir dire, on finit par n'avoir pas grand-chose à dire. Ne reste que le mérite d'avoir créé quelque chose, quelque chose qui ne ressemble à rien d'autre.


vendredi 28 septembre 2012

"Robot & Frank", Jake Schreier

J'ai souvent dit apprécier les films qui se passaient dans un autre temps mais ne racontaient pas l'Histoire, préférant s'attarder sur ce qu'on n'apprend pas dans les livres : la vie des gens autour de ces grands événements politiques et économiques. Pour "Robot & Frank", c'est un peu le même principe, à l'exception du fait que cela se déroule dans le futur : "dans un avenir proche", les robots sont suffisamment perfectionnés pour servir d'auxiliaire de vie. Et Frank, ancien cambrioleur maintenant acariâtre et râleur, voit son fils lui en offrir un, pour palier aux pertes de mémoire récurrentes dont il souffre. S'il est plus que réticent au début face à ce compagnon non désiré, il apprend vite que l'androïde peut être très utile... suffisamment pour le convaincre de reprendre ses activités passées.


Et c'est en fait là la mauvaise idée du film : très vite, on s'enlise dans des histoires peu passionnantes de cambriolage, sans intérêt, sans suspense et sans souffle. Le moyen pour y arriver est bancal et illogique, et le film prend le parti de refuser de commenter réellement l'aspect moral du projet de Frank, dessinant mal le personnage, et laissant le récit dans une sorte d'entre-deux inconfortable. Si cela permet de réaliser quelques scènes haletantes, et même si le long-métrage en reste plus ou moins divertissant, on sent surtout le potentiel gâché, d'abord de cette affaire de vol qui fascinera bien peu et dont le but narratif semble bien simpliste, mais aussi du concept même du robot auxiliaire de vie. Il y avait pourtant de quoi développer : et si le personnage de la jolie mais un peu transparente Liv Tyler se rebelle d'abord quant à l'utilisation de machines pour des tâches humaines, cette problématique sera vite éludée et la belle changera d'avis sans plus d'explication.


Par ailleurs, on finit par se dire qu'on aurait même préféré une histoire, simple mais jolie, d'un vieil homme grincheux qui est tellement seul qu'il s'attache à une machine. A la place, la relation n'est pas claire : Frank semble davantage abuser du robot que l'aimer, et s'ils développent une complicité certaine, on peine à croire à son entêtement à ne pas l'abandonner. Ajoutons à cela que le 'personnage' du robot n'est pas bien cerné par ailleurs : durant presque tout le film, il semblerait que le scénariste n'a jamais su décider entre lui donner une personnalité humaine, une absence de personnalité due à son état de machine, ou quelque chose entre les deux, une intelligence artificielle s'approchant de l'émotion. Les questions étaient là, mais le film n'ose pas les poser pour préférer faire l'autruche dans une histoire superflue et souvent ennuyeuse ; les occasions étaient en or, mais ne seront quasiment pas saisies.


Mais contre toute attente, le film sera rattrapé de justesse par sa conclusion. Elle commence par une révélation totalement inattendue mais en fait assez subtilement amenée, redressant d'un coup la qualité du récit, et portée par la très bonne Susan Sarandon. Et elle se termine par quelques scènes intimes, pudiques, poétiques, réalisées avec douceur et sensibilité. Le film touche alors, enfin, quand il pense enfin à se focaliser sur ce qui compte ; dommage qu'il n'y parvienne qu'aux dernières minutes.


jeudi 27 septembre 2012

"Camille Redouble", Noémie Lvovsky

J'aime bien Noémie Lvovsky. J'aime sa façon de jouer de façon crédible des rôles durs, accessibles ou dévorants, tout en conservant cet air d'humilité indélébile; de déverser ses répliques avec une justesse toujours au rendez-vous et une jolie tristesse. (Souvenez-vous, on avait déjà eu le plaisir de l'apercevoir ici, ici, ici et ici.) Quant aux films dont elle est la réalisatrice, "Camille Redouble" est le premier que j'aie vu (encore une fois en très bonne compagnie). Et, pourrait-on dire, heureusement que j'aime cette artiste, car il est non seulement réalisé, mais aussi écrit et joué par elle. Une telle centralisation des tâches pourrait faire peur, on craindrait un récit trop personnel qui se mélange les pinceaux dans sa propre intimité, comme Valérie Donzelli dans "La guerre est déclarée" ; il n'en est rien. Au contraire, l’œuvre en est d'autant plus  maîtrisée.


Le synopsis en lui-même n'était pourtant pas si alléchant : une femme, actrice de série B, alcoolique notoire, se fait quitter par son mari. Et alors que sa vie est au plus bas, elle se réveille soudain dans la peau de ses quinze ans. A l'époque où entre les soirées entre copines, la rébellion contre les professeurs débonnaires, la rencontre avec son futur ex et la mort prochaine de sa mère, tout était à la fois plus beau et plus terrible. Ce concept, en soi peu original, parle bien entendu à tous, tout le monde s'étant déjà demandé ce qu'il referait s'il en avait l'occasion. Mais ici, ces questions assaillent Camille avec d'autant plus de cruauté : elle qui souffre tant de la rupture avec l'homme de sa vie, qui désormais la déteste, devrait-elle éviter cette relation maintenant qu'elle en connaît la fin tragique, quitte à passer à côté de tout le bonheur adolescent et surtout de la naissance de sa fille ? Est-ce là une seconde chance ou une malédiction la condamnant à surtout ne rien changer ? Noémie Lvovsky souligne avec soin ces considérations temporelles passionnant, en tirant leur essence philosophique sans jamais étouffer.


Mais ce qui frappe plutôt dans le film, c'est que l'on ne se focalise pas sur le récit en lui-même. Son idée de base est certes presque banale, et jamais cela ne sera renié. En réalité, il ne sert que de prétexte à la recherche des sentiments. Ainsi notera-t-on de nombreuses ellipses sur des moments pourtant clés dans le développement de l'histoire en elle-même : on ne verra pas Camille convaincre définitivement son premier allié, on ne s'appesantira pas sur le pourquoi du comment de ce retour dans le temps ou de son inversion finale. Ce qui intéresse, ce que l'on regarde, c'est tous les moments de vie que cela occasionne. Tous ces passages qui sont à peine effleurés dans les autres films, Noémie Lvovsky les porte sur un piédestal pour en exposer la poésie. Et on est bercé par ces moments de grâce, entre la redécouverte des émois adolescents et les inexorables adieux à la mère, l'excellente Yolande Moreau, à qui on confie enfin un rôle différent et intéressant. Ce sont tous ces instants, d'une douceur incroyable, et choisis au détriment d'un récit sinon simple, qui rendent le film magnifique.


Ils contribuent par ailleurs au rythme du film, où l'ennui n'a guère le temps de s'installer. Le scénario vogue avec tranquillité entre l'humour, l'émotion, l'introspection et l'avancée narrative. Tous ces aspects sont desservis par une galerie de personnages si finement ciselés qu'on aimerait parfois les voir plus, notamment ceux de Judith Chemla, Julia Faure et India Hair, toutes délicieuses dans leurs rôles d'adolescentes à fleur de peau, à l'image des dialogues, précis et urgents, qui aident à passer de la folie à l'émoi. Et à l'heure délicate de la conclusion, le récit saura se terminer en beauté, sans céder à aucune facilité, pour signer une dernière fois l'indicible sensibilité de cet excellent film de, par et avec Noémie Lvovsky, solaire.


mardi 18 septembre 2012

"Mobile Home", François Pirot

Ou l'échappée bromantique. Deux amis de toujours, désormais presque trentenaires, décident de quitter leur vie ardennaise monocorde pour réaliser leur rêve adolescent et partir à l'aventure sur les routes, là où bon les mènera; mais un imprévu les immobilise après seulement quelques kilomètres de voyage. Ils se retrouvent coincés là, à attendre d'amasser assez d'argent pour les réparations, juste à côté de la maison et pourtant déjà en voyage.



C'est sur ce mouvement, ou cette absence de mouvement, que tout le dynamisme du film, de ses personnages et de son scénario se construit. Les questions qu'il pose sont intéressantes et traitées avec goût : quand est-on parti ? Qu'est-ce qu'être parti ? Est-on parti quand on le décide ou doit-on être loin ? Les parents de Julien et Simon, interprétés notamment par les plus vrais que nature Claudine Pelletier et Jean-Luc Bonnaire, ont peine à prendre ce voyage au sérieux quand la première escale de leurs enfants, à durée indéterminée qui plus est, se fait tout près du domicile parental à peine quitté. De leur côté, pour Julien et Simon, il n'y a pas de doute à avoir : ils sont déjà sur la route... juste retardés. Et c'est ainsi que l'aspect quasi-universel que comporte leur projet, qui a effleuré l'esprit de la plupart des spectateurs, n'en devient pas agaçant comme dans son aîné "Into the Wild", dont presque chaque membre du public se pâmait d'avoir lui-même failli entreprendre un tel voyage : dans "Mobile Home", c'est la vie qui rattrape les deux amis avant qu'ils n'aient pu l'effectuer réellement, eux aussi. Et pendant tout le film, on attendra avec eux que le trajet reprenne, que le rêve se réalise.


Mais évidemment, le voyage ne sera  pas géographique mais avant tout mental et sentimental. Les obligations de cette pause involontaire résonneront avec les conflits que les protagonistes tentaient de fuir, ses occasions rendront plus clairs les objectifs qu'ils prévoyaient de se laisser se définir eux-mêmes. Alors, le film semble dire : le voyage est avant tout dans l'état d'esprit. Si cette sorte de morale n'est pas surprenante, ni révolutionnaire, elle est illustrée ici avec une sincérité et une authenticité bouleversantes. On ne peut pas en dire autant de la conclusion du film, aussi prévisible que décevante. Celle-ci, par son hésitation balbutiante, semble presque résumer le road-trip en une rien de plus qu'une fugue adulescente, en faisant presque une preuve d'immaturité là où on le rêvait quête spirituelle, par opposition à un sédentarisme adulte et salvateur. Le tout tient dans la caractérisation assez fine des personnages : d'un côté, le fougueux Simon, artiste, irresponsable et agité, interprété par avec honnêteté par Arthur Dupont ; de l'autre, Julien, rêveur, plus sensible mais aussi plus serein, joué par une autre étoile montante du cinéma francophone, le touchant Guillaume Gouix. Les deux acteurs forment un duo entraînant grâce à un jeu, si ce n'est parfait, très naturel.




C'est d'ailleurs le maître-mot du long-métrage, dans tous les sens du terme. Un profond réalisme secoue le film, dans les contradictions de ses personnages, dans la praticité des situations, dans la jovialité de son humour, dans la vérité des relations. Et le tout se déroule dans l'environnement champêtre des Ardennes Belges, qui semble centrer toute le processus de réalisation de François Pirot, à la fois humble et réfléchie, faisant de son ouvrage un bel objet, sans jamais courir après un esthétisme, mais en mettant en valeur la beauté des décors pour desservir l'histoire, et la servir sur un plateau, avec toute la spontanéité simple qui représente le film. Peut-être est-ce en l'honneur de ce cadre bucolique que le récit se conclue de façon plus casanière que l'on aurait aimé.

mercredi 12 septembre 2012

"Cherchez Hortense", Pascal Bonitzer

On continue dans le petit film français. Celui-ci est nettement plus sympathique, là où son synopsis était pourtant peu attirant (heureusement donc que ma chère collaboratrice m'a convaincu de m'y emmener) : un homme est obligé par son épouse, artiste détachée, à demander à son père, Conseiller d'Etat, d'aider une inconnue depuis peu dépourvue de ses papiers. Quand il ne parvient pas à formuler cette requête, c'est tout son monde familial, professionnel et personnel qui s'écroule progressivement.


Le film se construit donc comme une course contre-la-montre vers un but indéfini : Damien tente de faire ce qu'on attend de lui et se retrouve vite piégé quand les circonstances jouent perpétuellement en sa défaveur. Il essaie, de façon itérative, de prodiguer l'aide qu'il a promis d'apporter, mais à chaque échec, il s'enlise un peu plus dans cette situation où tout le monde croit qu'il l'a déjà fait. Ces multiples tours de piste, de plus en plus angoissants pour le personnage, permettent au spectateur de s'attacher à cet homme, somme toute banal, qui regarde d'abord sa vie se détériorer. Jean-Pierre Bacri propose ici une interprétation pleine de nonchalance qui, si elle ne colle pas toujours à toutes les facettes du protagoniste, correspond très bien à l'enjeu du film et permet ainsi de contribuer à le porter. Et lorsque le récit brisera ce mouvement circulaire pour une soudaine trajectoire verticale, la reprise en mains de sa vie par cet homme sera on ne peut plus revigorante, lorsque dans ce grand mouvement vers l'avant, il arrête enfin d'être spectateur de sa vie pour en devenir acteur. Cependant, la résolution finale prendra une forme un brin décevante, avec notamment cette confrontation simpliste contre le personnage mal assumé de Claude Rich.


En attendant cela, le film saura toutefois maintenir l'intérêt avec malice, en jonglant habilement avec des instants de comédie humble et efficace, et d'autres plus mélo qui aident à construire des personnages, si ce n'est complexes, ni même parfois crédibles, au moins très attendrissants. Le scénario est surtout mieux construit que ce qu'il en a l'air : quelques petites révélations, caustiques et inattendues, pourront se pâmer du nombre d'indices qui parsemaient pourtant les scènes. De la même manière, une jolie poésie se cache  derrière l'ensemble, à travers une réalisation qui, bien que largement perfectible, apporte des moments bien pensés, et aussi portée par le personnage d'Isabelle Carré qui, si elle aussi peine à convaincre entièrement, apporte une fraîcheur plus que suffisante qui contraste avec le personnage faussement torturé et un peu cliché de l'excellente Kristin Scott Thomas. 


"Cherchez Hortense" fait donc partie de ses films sans trop de genre, sans trop de prétentions, résolument français, mais qui parviennent, malgré quelques manquements, à raconter quelque chose, tout en permettant de faire passer un bon moment, d'une part, et de faire en sorte que le spectateur s'en contente amplement, d'autre part.

mercredi 5 septembre 2012

"Superstar", Xavier Giannoli

Vous n'y croyiez plus et pourtant je suis revenu. C'est la rentrée pour tout le monde, dites donc. Enfin, si ce n'est que je suis en vacances pour un mois et que je vais pouvoir aller au cinéma et vous faire rêver comme au temps jadis. Et on commence tout de suite avec "Superstar", film franco-franchouillard de Xavier Giannoli, avec Kad Merad et Cécile de France dans l'histoire un peu absurde d'un parfait quidam qui devient célèbre du jour au lendemain sans la moindre raison apparente.



Le scénario du film tient donc sur une prémisse kafkaïenne : cet inconnu qui, du jour au lendemain, devient extrêmement célèbre, reconnu par tous et aimé du public alors qu'il n'a absolument rien fait pour. On pourrait croire que l'un des enjeux du long-métrage serait de comprendre la raison de ce succès aussi immédiat qu'immérité, et ce d'autant plus que le protagoniste répètera ad nauseam la question "Pourquoi ?", teaser épuisant qui ne trouvera en fait jamais de vraie réponse. Sans doute Giannoli se pâme-t-il de cet absurde assumé, mais cela affaiblit surtout le propos du film. Effectivement, le scénario, une fois posée son idée principale par une trame narrative un peu simpliste et peu subtile, se sert évidemment d'elle pour exprimer des critiques.


Des critiques du public qui aime sans savoir pourquoi, qui "aime et déteste" en même temps et regarde des émissions qu'il méprise, des médias qui se servent de ces engouements inopinés et éphémères, à la fois esclaves et marionnettistes des envies de ces "gens banals", qui sauront récupérer et marketiser le moindre écart des sentiers battus pour en faire un produit commercial. Si ces analyses sont bien entendu fondées (et tout le monde en était déjà convaincu, que les choses soient claires), elles s'épuisent vite, semblant à la fois hypocrites de la part d'un film grand public, et, finalement, plutôt vides, comme celles d'un râleur reclus qui ne fait rien pour changer les choses. Au total, elles paraissent surtout bien pâles à côté des brillantes démonstrations de l'excellente "Black Mirror", série de téléfilms britannique qui savait pour le même propos allier subtilité, violence et profondeur.



Au-delà de cela, l'histoire reste cela dit agréable à suivre, surtout grâce aux interactions des personnages qui se révèlent plutôt intéressantes : Cécile de France plaît, malgré une caractérisation souvent erratique et des costumes improbables et injustifiés, en journaliste a priori humaniste, tandis que Louis-Do de Lencquesaing repose une fois de plus sur la facilité en trouvant là encore un rôle sur mesure de fier salaud. Cédric Ben Abdallah, malgré un jeu souvent encore léger, correspond bien à ce rôle de journaliste télé. Enfin, Kad Merad, qui revient à un rôle sérieux, confirme qu'il devrait se contenter de comédies familiales sans prétention, car s'il a la tête de l'emploi, il n'en a guère les capacités. Finalement, on retiendra surtout Alberto Sorbelli, dont le personnage est sans doute le plus intéressant du lot, à la fois acteur du système voyeuriste et cruellement lucide quant à sa propre horreur.


Là où il aurait pu virer vers le thriller ou la polémique, la lente et attendue transformation du long-métrage en mélo un peu long et pleurnichard n'est pas sauvée par la morne et mauvaise mise en scène ni par les aspects techniques du film, affolants d'amateurisme par moments (et ce n'est pas ma fière accompagnatrice qui dira le contraire quant à l'ingé son). Ainsi, si le film part d'une idée directrice intéressante, il se contente d'un déroulement sans surprise, souffre d'une réalisation insignifiante, et crachouille quelques critiques peu constructives, laissant avant toute chose une puissante impression de gâchis.