jeudi 29 septembre 2011

"Whip It", Drew Barrymore


Il est de ces films que l'on manque sans regret, que l'on ne cherche pas vraiment à voir après leur sortie et que l'on se résout à regarder seulement quand il n'y a rien de mieux à faire. C'est une attitude souvent avisée; mais on peut aussi passer à côté de vraies pépites déguisées. C'est le cas de ce film, "Bliss" en France, "Whip It" chez Drew Barrymore. En effet, que les choses soient claires : niveau scénario, c'est un peu la lose, comme on dit. La lecture du synopsis mène inévitablement à passer son chemin ; il s'agit quand même d'une lycéenne que sa mère force plus ou moins à faire des concours de beauté pour revivre sa propre gloire d'antan, mais qui découvre des compétitions de roller et préfère largement ça, alors elle le fait en cachette en mentant sur son âge et en tombant amoureuse, jusqu'au jour où tout le monde découvre le pot-aux-roses. Bon. Je vous avais prévenus. Et pourtant, rassurez-vous, je n'ai pas perdu mon bon goût légendaire quand je vous dis que ce film est génial.



Déjà, le scénario est corrigé par le fait qu'il ne tombe pas dans tous les pièges du genre, avec notamment quelques surprises sur la fin qui relèvent le niveau du récit. Mais surtout, il est absolument transcendé par une narration incroyable de vivacité, d'originalité, d'insolence et de sincérité. Le film est constitué de scènes explorant des relations complexes et belles, saupoudré de dialogues ciselés de répliques piquantes à se tordre de rire et fourré d'une multitude de clins d’œil que l'on découvre et redécouvre au fil des visionnages. Est dressée une galerie de personnages pittoresques, mais qui ne tombent jamais (ou rarement) dans le cliché et bénéficient tous d'une évolution et d'une exploration crédibles et intéressantes. Est représentée une ambiance joueuse, sans compromis et résolument naturelle, qui s'oppose joyeusement à l'atmosphère guindée des concours de beauté, comme pour mieux représenter le gouffre au-dessus duquel Bliss se tient, un roller sur chaque rive.




Le tout est aidé d'une réalisation efficace et dynamique, relevée d'une photographie colorée. On ne tombe pas non plus dans les facilités de la réalisation indie, mais on en garde la fraîcheur. Drew Barrymore, aussi insupportable soit-elle dans les entretiens, nous y apprend qu'elle a travaillé sur ce film avec un soin maniaque, et cela se ressent, tant rien n'est laissé au hasard pour faire de ce long-métrage quelque chose d'étonnamment nouveau sur un terrain usé des milliers de fois. Elle délivre d'ailleurs une prestation légère et amusante, dans un rôle aux antipodes de la talentueuse Marcia Gay Harden, encore une fois aussi charismatique que juste. Le casting dans son intégralité a été sélectionné avec goût pour représenter au mieux tous ces personnages hauts en couleur, et à ce titre, Ellen Page faisait un choix évident. Peut-être un peu trop évident, après "Juno", les deux rôles étant quand même similaires, mais son naturel et sa sincérité nous font plutôt penser qu'on ne change pas une équipe qui gagne.


Ainsi, "Whip it"/"Bliss" est un film comme on en voit peu : dynamique, frais et novateur, il parvient à rouler sur les limites du cliché pour revisiter un genre comme jamais auparavant, le tout avec humour, soin et grâce.

mercredi 28 septembre 2011

"Et maintenant on va où ?", Nadine Labaki



"Et maintenant on va où ?" traite habilement des différends entre les catholiques et les musulmans habitant un même village libanais : si la cohabitation pacifique a toujours perduré dans ce hameau isolé du reste du monde, les conflits extérieurs commencent désormais à opposer deux clans. Mais c'est sans compter l'intervention des villageoises, lasses de passer leur vie à pleurer les hommes de leur famille, qui décident de prendre les choses en main par tous les moyens, des danseuses européennes employées pour passer une semaine au village jusqu'aux gâteaux au haschich, en passant par l'enterrement des armes et autres péripéties amusantes.


Nadine Labaki offre donc un film frais sur un sujet épineux, en faisant la part belle à la comédie, sans pour autant oublier la romance courtoise et le drame profond inhérent au thème. C'est ainsi que les scènes s'enchaînent, avec certes quelques longueurs, mais dans un plaisir certain. Les situations cocasses vécues et orchestrées par des personnages hauts en couleur pimentent le fond incertain des questions posées à propos de la guerre et de ses limites : doit-on combattre les batailles des autres ou œuvrer pour la paix ?


Assaisonné de quelques passages chantés bien insérés et agréables, le film est porté par Nadine Labaki, dans une sorte de nombrilisme assumé, à la fois en tant que réalisatrice entre Bollywood, le film de guerre et le film indépendant, et en tant qu'actrice magnifique qui perce l'écran et semble gouverner tout ce petit monde à la vie comme à la scène. Les péripéties semblent cependant s'enchaîner massivement sans vraie conséquence, le film en devient parfois brouillon. La fin apparaît alors rapide et facile, et brouille le questionnement sur la religion qui s'était esquissé. Cela dit, la dernière réplique relance le débat... finalement, sans y apporter de réponse.


Ainsi, le successeur de "Caramel" constitue un agréable divertissement honnête et réflexif, sans grande prétention mais avec suffisamment de sincérité.

mardi 27 septembre 2011

"Restless", Gus Van Sant

J'aime bien Gus Van Sant. Voilà. J'ai vu que "Elephant" était grandiose, j'ai trouvé que "Paranoid Park" était magnifique, j'ai toujours entendu mon frère et ma sœur dresser des louanges de "Good Will Hunting". Ainsi, même si je ne sais jamais vraiment trop comment prononcer son nom, et qu'il ne m'est ainsi d'aucune aide lors des soirées mondaines, j'aime bien Gus Van Sant. "Restless" est son nouveau film. Mais ça, je ne l'ai su qu'en rentrant chez moi après la séance de cinéma.


En conséquence, évidemment, j'ai tout de suite mieux compris pourquoi j'avais tant aimé la réalisation. C'était une expérience amusante et intéressante, en fait, de partir sans a priori et d'avoir la confirmation que j'aimais les films de Gus Van Sant. Pendant tout le film, je me suis dit que cette réalisatrice (oui, dans ma tête, c'était une femme) (sûrement son côté pédé qui ressort) avait une façon de voir les choses qui me plaisait et qui me touchait. Et moi qui suis allé voir ce film le lendemain du visionnage de sa bande-annonce, sans aucune autre information, j'ai pu retomber amoureux, cette fois objectivement.

Cela avait peut-être à voir avec le fait que j'ai vu ce film le jour suivant la séance de "La guerre est déclarée". Comme vous l'aviez compris puisque vous êtes des lecteurs fidèles et attentifs, je n'ai pas adoré le film de Valérie Donzelli, trop personnel et sûrement réalisé trop tôt, à s'embrouiller les pinceaux dans un accouchement forcé et prématuré. "Restless" parle en quelque sorte du même thème : la maladie chez quelqu'un qui est supposément trop jeune pour partir. C'est d'ailleurs la même affection qui touche les malades des deux films, mais la comparaison s'arrête là.


En effet, si "La guerre est déclarée" dressait un portrait intéressant et réussi de la vie hospitalière par le point de vue des patients et des parents de patients, dans "Restless", l'aspect médical est totalement évacué. Le passage d'annonce des derniers résultats est réduit à un enchaînement de séquences de quelques secondes, et ensuite, les rares scènes à l'hôpital servent uniquement la relation intime qui se crée entre Enoch et Annabel. (En plus, entre nous, c'est des noms qui tuent, ça.) La maladie pointe dans des moments inattendus, apportant un réalisme troublant, mais elle est acceptée, il n'y a plus rien à faire, la médecine a trouvé ses limites, mais ce n'est pas trop grave, semble nous dire le film, alors, n'en parlons pas, regardons la vie plutôt que la mort. D'accord, formulé comme ça, ça paraît un peu niais et réchauffé.

Pourtant, en fait, le film dessine sans tomber dans les clichés des personnages profonds et originaux, qui se lient d'une façon indescriptible mais brillamment décrite. Ainsi, s'ils évoluent dans un univers presque fantastique, avec Enoch vivant dans un manoir hitchockien, leurs jeux de rôles d'adolescents, et l'intriguant personnage d'Hiroshi entre la réalité et l'imaginaire, ça ne semble pas importer, parce que tout gravite surtout autour de cette relation amoureuse à la fois banale et particulière. Mia Wasikowska, éthérée et profonde, brille en beauté androgyne, rappelant souvent Dakota Blue Richards, et éclaire Henry Hopper, dans un duo justement choisi apportant un naturel dans l'interprétation parfaitement adapté au sujet.


Ainsi l'émotion perce sans difficulté et sans faux-semblant à travers les images travaillées à la photographie tiède de Gus Van Sant, un scénario enchaînant sans la moindre longueur les questions, les développements et les réponses, et des dialogues magnifiques exploitant toute relation avec soin et intelligence. "Restless" a des airs d'automne, des odeurs de printemps, des mots d'hiver et un sourire d'été, amenant un ensemble parfaitement pur.

lundi 26 septembre 2011

Séries de l'été : votre grand feuilleton de la rentrée, épisode 1.

Eh bah ouais. On est comme ça, ici, nous, on va vous faire ça en grand. Enfin, moi, quoi. Parce qu'il fut un temps où l'été était synonyme de sécheresse de séries, la saison sans saison, en quelque sorte. Mais ces fameux Américains ont compris qu'en fait, c'était pas le bon plan, de nous laisser poireauter quatre mois comme ça, en plus il fait beau dehors, et si on n'a rien pour rester dedans, on risque de découvrir qu'il y a une vie loin de l'écran et de ne plus y revenir quand le soleil sera reparti. Si tant est qu'il soit venu mais ceci est une autre histoire ; remarquons au passage que je ne fais pas encore d'article avec comme sujet principal la pluie et le beau temps, et ça, c'est plutôt rassurant.

Qui plus est, j'ai pris une grande décision en mai dernier : diminuer ma consommation de séries. J'ai décidé d'en arrêter plus de la moitié. Il faut comprendre que j'étais en examens et que j'apprenais à longueur de journée des noms de médicaments consistant à un assemblage aléatoire de syllabes étranges. Et puis bon, j'ai décidé ça quand les saisons étaient terminées. Or elles recommencent dans une semaine. Si je vous parle dans un mois de "Desperate Housewives", "House MD", ou pire "Glee" et "Private Practice", je vous fais confiance pour vous introduire tous chez moi en attendant que je rentre, les yeux cernés de nuits devant l'écran et de journées en blouse, pour faire une intervention. Comme dans "How I Met Your Mother", mais celle-là, ça va, je l'arrête pas.

Quoi qu'il en soit, je me suis accordé quelques plaisirs cet été, profitant des séries estivales avec grand joie. Et même que je vais vous en parler. Parce que ça vous concerne, ça vous intéresse, ça vous passionne. Mais si. Puisque je vous le dis. Et hop, c'est parti.

True Blood, Season The Fourth
Cette série part d'un concept extrêmement novateur : une jeune fille d'une petite ville américaine fait la rencontre d'un vieux mais sexy vampire qui lui fait découvrir l'amour et/de la bite. Je vous laisse souffler un instant face à cette originalité ostentatoire quand on n'a jamais entendu parler de Twilight/Vampire Diaries/etc. Non pas qu'il y ait question de plagiat ou quoi que ce soit, on n'est ni chez Marianne, ni chez Le Magazine Littéraire. C'est juste que tristement, les mêmes métaphores sont nourries des mêmes créatures mythologiques, et vice-versa. Mais là où ça devient intéressant, c'est que "True Blood", contrairement aux sus-citées, réussissait à en faire quelque chose de bien, de très, très bien, même. En mixant du sexe, du gore, du sang, des fesses, etc. avec des histoires cohérentes, bien construites, des personnages subtils, un univers sombre et inquiétant mais réaliste à la fois, gorgé de métaphores du monde réel et avec Eric tout nu, on se retrouvait avec une série presque digne de sa prédécesseur "Six Feet Under", du même génial Alan Ball.


Mais toute cette fabuleuse ère, c'était bien avant la venue de cette saison quatre.
Qui s'ouvre sur des fées.
Et continue avec des sorcières.
Pour finir sur des fantômes.

L'inévitable se produit : on se retrouve à avoir l'impression de regarder "Charmed", la série qui aura entaché, par sa dévorante nullité digne du meilleur cas d'école, l'intégralité du paysage télévisuel. Les parallèles sont probants : la représentation de la religion Wicca et sa transposition dans un monde ouvertement surnaturel est similaire ; mais surtout la mauvaiseté scénaristique, la bassesse du jeu des petits nouveaux (kikoo Fiona Shaw, je sais que t'es habituée à jouer des moldus, mais là, tu m'as fait mal aux yeux), l'utilisation erratique de ses personnages figés dans une incapacité violente et la résolution infondée de ses intrigues. Pour se distraire de ces défauts, on ne peut même pas se tourner vers d'éventuels retournements de situation de qualité : tout ce qu'on trouve, c'est l'histoire d'une sorcière qui a toujours été trop gentille mais qui en fait aime être méchante et qui se fait posséder par un méchant esprit qui est en réalité gentil. Quelle créativité !


Au-delà de ça, on assiste surtout à la plus grande déchéance télévisuelle qu'il m'ait été donné de voir. Les premiers épisodes de la saison font encore illusion, forts de cette ambiance toujours un peu glauque, des personnages désormais bien dessinés, et de ce salvateur saut dans le temps d'une année, permettant à tous de reprendre leur souffle après le rythme effréné et anxiogène qu'ont suivi les trois premières saisons.

Mais arrivé à mi-saison, le charme ne prend plus... Les intrigues sont ridicules ou inintéressantes et se traînent en longueur. Un merveilleux exemple en est celui de l'histoire du bébé d'Arlene, d'abord intrigante, très vite décevante et ennuyeuse. Il semble en effet que les scénaristes ont commis une grave erreur concernant les personnages secondaires. Attachants jusqu'alors justement grâce à leur position un peu éloignée, ils sont désormais mis en avant dans des histoires grotesques et perdent alors toute leur superbe ; tout personnage ne mérite pas d'être développé juste parce qu'il est apprécié, mais au contraire, peut être à son apogée par un point de vue un peu extérieur sur le récit principal, plutôt que s'évertuer à l'y intégrer. Qui se soucie de la V-addiction très réchauffée d'Andy ? Du frère de Sam dont je n'ai jamais réussi à me souvenir du nom tant il était inintéressant ? Des origines scabreuses de Jesus ? De ce fantôme inutile qui chante vingt-cinq fois par épisode la même chanson française déformée approximativement ?


Le souci est aussi que dans les intrigues principales, ça ne brille pas beaucoup plus. Ne mentionnons même pas les épisodes où Sookie ne fait que sauter joyeusement son blondinet amnésique, les cliff-hangers véritablement cheap et forcés, réglés en trois secondes l'épisode suivant, ou encore des histoires qui sortent de nulle part et partent comme elles sont venues... "Décousu" est le mot qui vient à l'esprit ; d'autant plus quand on observe le fait que des intrigues présentées comme principales disparaissent sans laisser de traces, pour la première fois dans "True Blood", dont le format et la modalité de diffusion avaient toujours garanti des saisons parfaitement construites dans l'écriture. Ici, non contents de régler les histoires redondantes par les mêmes solutions ("passe de l'autre côté petit fantôme, ça ne sert à rien autant de rage!"), on nous assomme avec les potes panthères de Jason pour que cela finisse en une course-poursuite dans la forêt et aucun rappel depuis ; ou encore avec les copines fées/gobelins de Sookeh qu'elle fuit sans trop de problème et sans trop de conséquence. Et on ne s'attarde pas trop sur les pratiques pouvoirs de celle-ci, aussi connus sous le nom du Don de la Facilité Scénaristique.


Du "True Blood" d'antan ne subsiste que le générique, comme une maussade photographie jaunie qui nous rappellerait sans qu'on le veuille vraiment à quel point c'était bien en fait. La seule lueur d'espoir brille faiblement à travers le final qui renoue avec le bain de sang que "True Blood" mérite. Si c'est un peu la solution de facilité qui est choisie là, cela permettra peut-être le renouveau grandement nécessaire. Alors, espérons. Et si nous sommes déçus, abandonnons sans regret cette triste carcasse exsangue.

dimanche 25 septembre 2011

"La Piel Que Habito", Pedro Almodóvar

Les premières secondes d'un nouveau film d'Almodóvar ont toujours quelque chose de très reconnaissable, par les couleurs chaudes de l'Espagne, le grain saturé et le kitsch assumé des plans et des mouvements de caméra. Une réalisation portant à la fois la patte des origines et l'innovation technique pour servir parfaitement le sujet. La suite habituelle nous emmène inéluctablement vers un savoureux mélange de secrets de famille, d'identité sexuelle et de mort glauque. Eros & Thanatos version madrilène. Et cela fonctionne avec enthousiasme, encore une fois, et mieux encore que pour le précédent long-métrage "Los abrazos rotos".


Le thème nous traîne sans prévenir dans les peurs profondes de la société actuelle, avec les dérives de la médecine et de la chirurgie, tout en faisant un clin d’œil malicieux et terrifiant au mythe de Frankenstein. Le spectateur sera troublé, dégoûté, apeuré, décontenancé et attristé. Pourtant, les événements sont décrits comme s'ils étaient inévitables et leur gravité se trouve toujours relativisée. C'est ainsi que l'on se retrouve avec un film survolant les genres : vient-on de témoigner d'un atroce film d'horreur ou d'une ode à la vie ?


Quoi qu'il en soit, le souvenir en est qu'Antonio Banderas est comme instrumenté, donnant le meilleur de lui-même pour dresser un portrait assez adapté au personnage complexe qu'il interprète, tout en étant parfois transformé selon le bon vouloir du cinéaste, le rendant méconnaissable dans certains plans tant il apparaît effrayant et monstrueux, avec par exemple la scène de la capture. Elena Anaya, quant à elle, parvient presque, par une sincérité exposée, à faire oublier qu'elle est une remplaçante de Penelope Cruz. Aidés par une inquiétante Marisa Paredes, ils vont permettre à cette histoire somme toute farfelue de trouver des racines crédibles pour pouvoir s'épanouir pleinement.


Ainsi se déploie un scénario parfaitement travaillé : le métrage s'enchaîne sans longueurs, jouant avec nos attentes, répondant au compte-goutte à toutes nos questions, nous surprenant tout à coup, selon un rythme savamment calculé qui ne laisse rien échapper. La diversité des questions posées par ce cheminement particulier est massive, et les réflexions sont laissées ouvertes à l'interprétation du public, mais elles sont suffisamment mises en exergue pour ne pas être omises par le spectateur, tout en le laissant immergé dans l'ambiance sinistre et perturbante de ce récit étrange.


Almodóvar signe un film novateur, perturbant et interrogateur, qui traite d'un thème moderne dans un emballage délicieusement kitsch, et qui parvient à raconter une histoire à la fois fascinante et terrifiante tant elle touche aux craintes les plus fondamentales du public, tout en l'amenant subtilement à réfléchir sur des questions ô combien actuelles, avec notamment l'identité de genre... Un travail audacieux mais réussi.

jeudi 22 septembre 2011

"La guerre est déclarée", Valérie Donzelli

Ou la joyeuse raison pour laquelle il ne faut jamais aller voir un film avec beaucoup d'attentes, même si tout ce qu'on en a entendu était fortement positif.


Le film raconte une histoire d'amour entre un Roméo et une Juliette, qui ont un enfant, lequel tombe gravement malade. Le scénario n'est donc pas très complexe, sans doute pour laisser une part plus importante à l'émotion inhérente à un sujet aussi chargé en potentiel dramatique ; ainsi, ce n'est pas un problème en soi, bien que certains choix soient parfois discutables. En effet, on s'éternise parfois dans de longues scènes et des situations interminables, sûrement pour suggérer la propre attente agonisante des parents dans la salle d'attente, mais le rythme en pâtit gravement, générant des longueurs d'autant plus visibles quand la fin accélère tout à coup le mouvement sans prévenir, omettant par un concis sommaire des événements qui auraient pu être plus intéressants à regarder, notamment les problèmes du couple. Ce couple, c'est d'ailleurs le couple d'acteurs (Valérie Donzelli est aussi la réalisatrice), dans une œuvre d'autofiction sans doute un peu trop personnelle. Les limites entre réalité et fiction sont ainsi parfois douloureuses, voire hésitantes, et laissent le spectateur dans cet habituel mélange de voyeurisme et d'innocence.


Pourtant, le film est assez honnête. Il dresse notamment un portrait extrêmement réaliste de la vie hospitalière, des médecins, du personnel infirmier, et c'est on ne peut plus rare en matière de cinéma. En ça, le film excelle. Et évidemment, la tragédie du sujet fait forcément mouche. L'émotion est là, la boule dans le ventre arrive, le spectateur se trouve tout bonnement obligé de s'imaginer à la place des parents, d'imaginer son gosse sur le billard. Tout le rapport à la maladie et à la médecine est donc plaisant et intelligent, mais le tout est dilué par ce schéma narratif erratique, et par des procédés cinématographiques absolument désolants, tels qu'une voix-off parfaitement superflue, qui commente par-dessus les dialogues ce qui est en train de se passer tout à fait clairement devant nos yeux, sans apporter de recul non plus puisqu'elle n'intervient qu'à des moments peu importants. On peut mettre dans le même sac une vilaine scène chantée : ratée, inutile, désagréable, mal amenée, elle défigure le couple plus qu'elle ne le glorifie. Ces ratés s'opposent aux autres essais, ceux-ci réussis, qui donnent plus d'intérêt au film : l'emploi idéal d'une musique magnifique, la créativité dans la réalisation de certaines scènes (course dans l'hôpital, rencontre à la fête...). Si toutes les expérimentations ne peuvent pas être aussi victorieuses, au moins, la production aura tenté quelque chose.


Cela dit, le plus gros échec du film réside dans le jeu - si l'on peut parler de jeu. Jérémie Elkaïm surtout impressionne par sa diction digne d'un comédien de théâtre débutant, essayant de bien faire lors de la première lecture de son texte à l'italienne. Un maniérisme et un manque de naturel simplement impardonnables dans sa façon de délivrer son texte ; ainsi ne sera-t-il juste que lors des passages muets. Valérie Donzelli s'en sort un peu mieux, grâce à un rôle plus propice. Les autres, mis à part Michèle Moretti toujours convaincante, sont gentiment oubliables.


Alors oui, d'accord, le film fonctionne. On a parfois envie de pleurer, on s'identifie, le réalisme et l'autofiction aident, et blablabla. Mais c'est surtout parce que le film se repose sur son thème comme d'autres sur des lauriers. Il ne fait qu'exposer une histoire, avec sincérité certes, et la laisse vivre sa propre vie, conscient de la capacité de celle-ci à émouvoir et à faire le travail. Les quelques expérimentations relèvent un peu le niveau avant d'être définitivement plombés par le jeu infâme et des choix délétères de mise en scène.

dimanche 18 septembre 2011

"Ratatouille", Brad Bird

Trop lolz le jeu de mots
Ecoutez oui il m'arrive parfois de m'essayer à d'autres genres cinématographiques que le film petit public à tendance art et essai ciblé pour les PI(F)BP. Alors parfois, eh ben, je regarde des films d'animation en version québecoise. Ce qui est gênant, en soi, parce que j'aurais bien aimé écouter Camille doubler Colette, ou bien juste regarder comme toujours en VO. Mais ce qui est fait est fait. Et puis la voix québecoise de Colette est celle de Phoebe dans Friends, même si cette série est de loin celle qui souffre le plus de cette horrible tradition du doublage (là encore, j'y reviendrai sûrement un jour. Ne trouvez-vous pas rassurant, vous, toutes ces perspectives d'articles à venir ? Quel beau trait de caractère que de (tenir absolument à) avoir un avis sur tout.).

Oui je sais, moi aussi je trouve ce blog outrageusement choquant.
"Ratatouille", donc. Bon. J'ai trouvé ça pas mal. J'ai apprécié le bouleversement du schéma narratif habituel, on n'a pas un grand problème qui ne se règle qu'à la fin, mais bien une multitude de relations cause à effet, le tout est bien orchestré bien qu'un peu déconcertant parfois. Au niveau de la technique, j'ai surtout été impressionné par le travail sur le mouvement que ce film représente : sur tous les plans, chaque geste est travaillé avec une précision d'orfèvre, c'est à la fois beau et méritoire, même si parfois, certaines scènes superflues semblent n'être là que pour cette même application d'exercice de style. Heureusement, c'est compensé par l'ambiance qui est brillamment dépeinte, malgré les habituels recours aux clichés français. Et si l'on retrouve l'habituelle morale, elle est plutôt bien pensée, les personnages ne sont plus des modèles de vertu ou de vice mais sont nuancés, et on évite l'immonde fin magiquement parfaite. Un vrai divertissement, sans grande prétention mais d'une qualité assez supérieure à ce qu'on fait habituellement en matière de films pour enfants.

En plus ils ont réussi à rendre les rats mignons.
Ça a sûrement à voir avec le fait qu'ils les aient rendus bleus.
Forcément un rat bleu c'est tout de suite plus mignon.



Ouais je sais je m'éclate grave avec les légendes.

samedi 17 septembre 2011

"Habemus Papam", Nanni Moretti


"Habemus Papam" a l'avantage de partir d'une idée de base forte : et si le nouveau Pape ne se trouvait pas la force d'assumer sa fonction ? Le concept est alléchant et novateur, son originalité séduit les critiques et conduit à remplir les salles. D'autant plus que, tout le monde en conviendra : c'est bien joué, Michel Piccoli livrant une performance subtile et intrigante et contribuant ainsi largement à ce questionnement sur le statut de Pontife, entre l'homme et le symbole mondial.


Le problème, parce qu'il y en a un, et de taille, c'est que le film ne "part" pas en fait de cette idée de base : il y reste. Ainsi, l'effet de surprise passé, ne subsiste aucune créativité. Une très longue mise en place de la situation laisse place à une très longue stagnation de la situation. C'est bien simple, le sort du spectateur est le même que celui des cardinaux emprisonnés jusqu'à ce que l'élection puisse être rendue publique : on attend. On attend. On nous distrait quelque peu pour nous faire patienter, et il est vrai que cela fonctionne parfois, mais cela tire toujours sur les mêmes ficelles : les circonstances laissent toujours un effet incongru puisqu'il s'agit de respectables vieillards en robe. Le film semble porter le même sourire contrit que le porte-parole du Vatican : faisons semblant, personne ne se rendra compte que nous n'avons plus de fond. Alors, les gens dans la salle continuent à rire lors des moments se voulant plus émouvants, et tout le monde est un peu confus par ce film qui se cherche et se détourne.


Alors, à force de patienter, l'on s'ennuie un peu. On essaie de se raccrocher aux multiples sujets qui sont abordés, avec plus ou moins de finesse, mais ils ne sont jamais suffisamment approfondis : une blague sur la psychanalyse par-ci, une ébauche de critique de l'institution religieuse par-là, une parodie de tournoi sportif, et au final, on n'aura pas dit grand-chose, trop occupé à aller et à venir sans enjeu réel et sans tension, comme si cette lointaine menace de la réaction du grand public suffisait. Le film se veut-il comédie grand public ou essai introspectif ? Comme la réalisation, légèrement italienne, est souvent agréable, malgré un emploi de la musique parfois abusif, on passe tout de même un bon moment, mais le film peine à raconter une histoire qui ne se résume pas à son plus dénudé synopsis, à délivrer un message clair, avec notamment une fin peu surprenante ; aurait-on attendu tout ce temps pour ça ?


Il semblerait ; mais bon, les gens ont ri... On dira que c'est le principal.

lundi 12 septembre 2011

Bref, je suis un PIFBP.

J'ai regardé "Bref". Tous les épisodes pendant mon goûter. Je pense avoir plus de choses à dire sur les tartines au Nutella incriminées, mais je vais faire confiance à mon invincible tendance à la logorrhée et plutôt me diriger vers le sujet qui apparemment est le plus hype de la rentrée. D'ailleurs, est-ce qu'on dit "hype" cette année ? Excusez-moi, je travaille beaucoup en ce moment, j'ai peu de temps pour me mettre au courant sur ce genre de sujets.

Cela ne m'a pas empêché d'entendre parler partout du PHÉNOMÈNE "BREF". Celui qui est décrit comme étant LA SÉRIE FRANÇAISE IMMANQUABLE DE LA RENTRÉE. (Je pense que les majuscules ont servi leur propos, je vais arrêter là parce que je ne veux pas vous faire fuir, mais imaginez l'emphase sur les termes qui suivent). Celle qu'il ne fallait surtout pas rater, que t'étais trop un raté d'ailleurs si tu la ratais, parce que c'était trop bien, genre l'an dernier c'était le Petit Journal, maintenant le Petit Journal depuis qu'il a pris son indépendance c'est devenu chiant, et maintenant ce dont on parle c'est "Bref". (Maintenant arrêtez d'imaginer l'emphase. Étrangement, ça a été très difficile pour moi de ne pas user desdites majuscules. Je pense que je suis emphatique par définition.)

"Bref", qu'est-ce que c'est ? C'est une nouvelle série de Canal Plus, qui dure moins de deux minutes, qui a lieu tous les jours, qui raconte la vie d'un gars "comme tout le monde" (enfin j'imagine que c'est ça le but), dans des situations quotidiennes mais amusantes (enfin j'imagine que c'est ça le but), et qui a déjà plus de 300 000 fans sur Facebook qui exaltent la toute-puissance de cette série trop lol (enfin j'imagine que c'est ça le but).


Je suis curieux et je n'avais rien à regarder pendant mon goûter. (Retour à la situation initiale : mon article est super construit.) Je me suis enfilé tous les courts épisodes de "Bref". (Oui, car il y a là une mise en abyme : la série s'appelle "Bref" et elle est brève. Premier lol.). Rassurez-vous, il n'y en a pas beaucoup. Mais moi aussi je voulais être super hype et pouvoir en parler lors des dîners mondains à grand renfort d'éclat de rire et de "Et t'as vu celui où..." (bien que ce type de phrase devrait être réservé aux épisodes de Friends qui auraient dû déposer un copyright, mais bref. ("Bref" est aussi un mot que les jeunes utilisent constamment : deuxième lol.)) Je partais donc plein de bonne volonté, vous en conviendrez.

Et pourtant, je n'ai pas réussi. Même avec tous les efforts du monde (parce que, croyez-le ou non, globalement, je préfère réussir à aimer les choses que réussir à les détester, c'est quand même plus kikoo et plus positif et plus bisounours. Et moi j'aime bien les kikoo bisounours positifs.), je n'ai vu qu'un ramassis touillé des produits marketing suivants :
- "Reprenons "Norman fait des vidéos", ça marche super bien ! Le concept, un mec, genre le anti-héros de base, tu vois, comme ça les gens peuvent s'identifier super facilement, qui parle de choses de la vie de tous les jours avec humour, dans le but que le spectateur se dise "haha lol ouais c'est trop vrai tmtc"."
- "Il faut aussi une réalisation super dynamique, avec des effets à la Gondry ou à la Webb, de petites séquences comiques super rapides relatant des situations loufoques souvent imaginées par le personnage. Ca marche super bien."
- "Forcément il faut la blinde de références geek, à la The Big Bang Theory, genre là on n'a qu'à lui mettre un T-shirt avec les noms des bédébloggueurs les plus influents !"
- "Tellement de bonnes idées, ma tête est en feu, je propose qu'on arrête là la réunion, la première partie "donnons au peuple ce qu'il connaît déjà dans un paquet nouveau et il n'y verra que du feu" était efficace, zappons la deuxième partie "originalité", ça risquerait de faire contre-effet."

Je passe rapidement sur l'humour. C'est subjectif me dira-t-on. N'empêche que je me considère comme une personne super drôle et enthousiaste, vous en conviendrez sûrement - et pourtant, là, j'ai dû esquisser deux sourires en plusieurs épisodes.

La question qui se pose alors, face à mon incapacité à suivre mes congénères vers la route du nouveau hype comique, est la suivante : SUIS-JE MORT A L’INTÉRIEUR ?



Suis-je vraiment devenu un PIFBP ? Rappel pour les vilains qui ne lisent pas ce super blog en entier : c'est un acronyme signifiant "Pseudo-Intellectuel Futur-Bobo Pédé", me désignant donc dans ma snob intégralité. J'aurais pu rajouter "de Gauche", mais ça aurait fait long (déjà que c'est pas trop prononçable comme acronyme), et puis, un bobo de droite, ça existe pas trop, si ? Dans tous les cas, je suis sûr que les débordements compétitifs du PS, les déclarations de Marine Le Pen (kikoo les fachos) et l'exposition médiatique de l'accouchement oh-si-pratiquement-synchronisé de Carla Bruni me donneront moult matière pour vous parler tout en sous-entendant mes valeurs de sale socialo. Là n'est pas la question.

La question est la suivante : à force de se focaliser presque exclusivement sur les mécanismes d'écriture, de réalisation, de jeu et compagnie, dans le but d'émettre une critique correcte, devient-on incapable d'apprécier les choses pour ce qu'elles sont, comme diraient beaucoup de personnes de ma connaissance, "sans se prendre la tête" ? Suis-je devenu un critique au cœur sec, qui réclame la perfection à tous les niveaux et rien d'autre, qui sur-analyse tout avant de laisser passer les sentiments, et qui, à terme, n'aimera rien (à part moi, faut pas déconner) ?

Je ne pense pas.

A vrai dire, je suis plutôt content d’aiguiser mon œil et de me consacrer aux ficelles. Et tant que je n'arrive pas à me résoudre à effacer les quelques chansons de Tatu de mon ordinateur, que je suis capable de regarder les premières saisons de "Torchwood", et que je continue à défendre un peu "7" de Zazie, je me dis que j'ai encore de la marge.

Alors voilà : je trouve que "Bref" est un produit marketing qui n'invente rien.

Par ailleurs, PIFBP est un terme de mon invention, créé pour établir une sorte d' "Univers Assurément" qui puisse s'auto-référencer, que vous chers dix lecteurs vous sentiez partie intégrante d'une communauté vibrante, et qu'au final je puisse accéder au pouvoir, à la célébrité et au jet privé. Donc, en soi, suis-je vraiment différent des producteurs de la série que je critique ?

... Bref.