lundi 19 mars 2012

Pourquoi je n'ai pas aimé "Intouchables".

Voilà, voilà. On a gentiment évité le sujet pendant quelque temps, tant et si bien qu'aujourd'hui, j'arrive un peu après la bataille. Mais mon côté PIFBP m'a empêché de m'y pencher plus tôt parce qu'au quotidien, on me parlait de ce successeur de "Bienvenue chez les Ch'tis" et "Avatar", en me répétant "Hé mais toi qui aimes le ciné, t'as dû voir le film que j'ai vu hier, il était trop bien !". Mon attachant (si, si) snobisme a réagi face à ce plébiscite de façon très méfiante, trop échaudé que j'étais par le succès peu mérité des prédécesseurs sus-cités. Par la suite, comme il y a toujours mieux à voir au cinéma... Quoi qu'il en soit, j'ai préféré attendre que cette méfiance mesquine s'évapore naturellement avant de tenter l'expérience.



Croyez-moi donc quand je vous dis que lorsque j'ai regardé le film, c'était avec espoir et objectivité. J'étais dans le bon état d'esprit, prêt à regarder un divertissement, à rire devant une bonne comédie, sans prise de tête ni aucun souci philosophie. Je me suis même entêté pendant la première moitié du long-métrage à répéter que la suite serait certainement meilleure. Mais, comme vous vous en doutez, je n'ai pas accroché. Pourquoi, donc.

1. L'histoire (ou manque de)

Un tétraplégique milliardaire emploie comme aide à domicile un gars des cités que sa mère a jeté dehors après son séjour en prison. N'y a-t-il pas là un certain nombre de clichés nauséabonds ? L'homme très riche mais qui n'a pas la liberté de la validité, et qui a tant souffert par le passé que son cœur est devenu dur comme du verre. Et surtout le banlieusard qui a fait de la prison, qui connaît mille combines, qui gueule, qui s'occupe de sa famille, qui fume des joints, qui gueule, qui se moque de l'opéra, qui gueule, mais qui au fond, a un cœur grand comme ça et surtout un versant artistique. Je pense que j'aurais pu encaisser le tout, au nom de la comédie grand public, si ce n'est pour ce dernier côté peintre sorti de nulle part. Tentative infondée et inexpliquée de rapprocher les deux personnages. Il n'y a pas plus stéréotypé...
Ensuite, l'histoire d'une rencontre entre deux profils différents de laquelle naîtra une grande histoire d'amitié de laquelle tous deux sortiront grandis n'a rien d'original ! En effet, à partir de là, tout est téléphoné. La fin est sans surprise, tout comme le déroulement qui y amène. Le schéma narratif est on ne peut plus traditionnel : rencontre avec clash, essai et apprentissage, rapprochement progressif, puis événement extérieur qui interrompt le tout, déprime, reprise comme avant et tout va mieux pour toute la vie. Je pensais que le film préféré des Français ferait preuve de plus d'originalité.



2. L'humour (ou manque de)

Alors, d'accord, c'est subjectif. Mais je pensais vraiment que j'allais me bidonner, ou au moins rire de bon cœur une paire de fois. Et en fait, rien du tout. Je confesse que je n'ai pas vu le film dans une salle pleine comme à sa sortie, ce qui explique sûrement que, en dehors de la liesse générale, j'ai eu plus de mal à accrocher. Mais les répliques ne m'ont pas paru drôles. Pas du tout. J'ai bien sûr esquissé quelques sourires devant certaines situations, mais tout m'a paru très déjà-vu. En comparaison, j'ai trouvé "Le Nom des Gens" mille fois plus novateur et mille fois plus hilarant. Là, Omar Sy qui balance ses vannes en rigolant déjà de leur effet, on l'a en regardant le SAV, ce que j'ai arrêté de faire il y a très longtemps. Et les tentatives à l'iconoclasme sont bien maigres et sont donc couronnées d'un échec à cause de leur manque d'ambition ; je serais tenté de dire que si on veut se moquer des handicapés ou des noirs, on y va franchement, on ne le fait pas du bout des lèvres avant de sourire, tout fier d'avoir osé aborder le sujet en public. A ce titre, je me suis senti comme quand on attend la chute d'une blague alors qu'elle est  déjà terminée : on reste immobile, le sourire figé prêt à se transformer en rire, et puis, devant la prévisibilité des gags et la médiocrité des blagues, on se retrouve un peu bête et aigri de s'être attendu à davantage.



3. L'interprétation (ou manque de)

Un César pour Omar Sy ? Le bonhomme fait certes son travail, délivre ses répliques, vogue sur le succès de ce pour quoi il est déjà connu et en applique la même recette. Il est jovial et cela colle bien au personnage, mais il n'y a rien de réellement riche dans son interprétation. Omar Sy est peut-être un bon comique mais pas encore un acteur digne d'un César, car il est visible que son jeu ne repose pas sur un vrai travail de comédien. S'il avait fallu récompenser l'un des deux, j'aurais plutôt félicité François Cluzet, dont le jeu devait tenir sur une vraie contrainte physique. Et en comparaison, il parvient largement plus à transmettre des émotions. Alors qu'Omar, quand il ne s'agit pas de dire une blague, c'est plus vite limité.
Les personnages secondaires sont peut-être plus intéressants : Anne Le Ny notamment, dans le rôle d'Yvette, est drôle et touchante, et son jeu amène une réelle évolution au personnage. Audrey Fleurot, très jolie, se débrouille comme elle peut dans un personnage qui tient sur une révélation finale qui n'a malheureusement rien de très étonnant dès les premières scènes.




4. Le fond (ou manque de)

Alors voilà. A ce moment de l'article, vous êtes sûrement persuadé que je ne suis pas drôle et pas sympa.

Je ne reproche à personne d'avoir aimé "Intouchables". Si je suis aussi sévère avec ce film, c'est en raison du décalage entre sa qualité et son succès, que je ne comprends pas. S'il était resté aussi célèbre que n'importe quelle autre des dix comédies que la PAF produit par an, j'aurais sans doute pu conclure que c'était là un divertissement correct et sans prétention. Mais l'incroyable réussite nationale d'un tel film, qui n'a rien d'exceptionnel, m'est incompréhensible.

En ce qui me concerne, ce film n'apporte rien de nouveau. Sur la forme, aucun effort de réalisation (notons ce passage en accéléré pour faire comprendre qu'on est revenu au flash-forward du début mais pour pas perdre trop de temps quand même), comme beaucoup de comédies du style, et une interprétation simplement passable. Sur le fond, une montagne de clichés, une histoire téléphonée et des répliques consensuelles. J'ai besoin qu'un film dise quelque chose.



Il faut bien se souvenir qu'un film, à l'origine, n'est constitué de rien, d'aucun support. C'est à son créateur de tout choisir et de tout contrôler. Chaque seconde du film relève d'une décision artistique. Chaque son, chaque couleur, chaque mot, chaque accessoire, chaque cadrage, chaque phrase, chaque silence, chaque mouvement. Il n'y a aucune limite et tout est possible. C'est alors à l'équipe artistique de faire, de produire, de créer quelque chose pour remplir cette fenêtre de temps. Et je trouve qu'occuper cette heure et demie à raconter une histoire sans originalité de façon banale, ça n'a pas d'intérêt. J'aime que les films aient un message, ou au moins un propos, quelque chose à dire, quelque chose de nouveau, qui n'a pas été dit des centaines de fois auparavant. Car c'est bien là la base de l'art : exprimer.

"Intouchables" n'exprime rien d'autre que des bons sentiments consensuels. A quoi bon ? Face à une histoire et une réalisation oubliables, ne reste que l'humour comme seul trait que le film a pour lui. Si on parvient à en rire sans avoir l'impression d'entendre ces mêmes blagues en plus drôle au quotidien (sans doute mes amis sont-ils hilarants), tant mieux, sincèrement, tant mieux. En ce qui me concerne, je suis passé à côté, parce qu'à mes yeux le cinéma est un art, et quand on en fait quelque chose qui n'a rien à dire, ça ne me touche pas.

Tant pis.

mardi 13 mars 2012

"Chronicle", Josh Trank

Trois lycéens, après un accident, se retrouvent dotés de capacités télékinétiques grandissantes, dont la puissance risque de bientôt dépasser leur contrôle. Je trouve que je m'améliore niveau résumé concis de l'histoire d'un film, comme quoi tout arrive. Dans le genre inattendu, il y a aussi le fait que ce film n'est pas un obscur film "d'art et d'essai" mais presque un blockbuster, ce qui n'était pas arrivé depuis un certain temps, remarquons-le. Et dans le genre pas arrivé depuis longtemps, notons le retour de mon accompagnatrice secrète.


Ce film de "super-héros" en est-il vraiment un ? Il reprend bien sûr les habituels procédés métaphoriques assimilant les difficultés de l'adolescence à un combat surnaturel, comme on en parlait à propos de "Buffy" l'autre jour. En effet, les trois personnages regroupent un black populaire et sympathique (Michael B. Jordan (ça ne s'invente pas)), un gars simple à peu près bien dans ses baskets et amoureux (Alex Russell), et un paria asocial et maltraité (Dane DeHaan). Ces garçons de profils différents, interprétés par trois acteurs bien castés qui rempliront convenablement leurs rôles, se rapprocheront grâce à ces étranges pouvoirs qu'ils développent. Ils vont devoir décider eux-mêmes de ce qu'ils en feront : l'origine des dons est inconnue et ils ne sont donc associés à aucune règle. A ce titre, les trois ados vont avoir une réaction assez logique et réaliste, et choisir de surtout s'amuser avec, sans aucune autre ambition. S'en suit un enchaînement de blagues à base de télékinésie, d'un humour extrêmement adolescent et donc pas toujours bienvenu, mais parfois bien pensé. Par la suite, le tout périclite évidemment, à cause d'événements déclencheurs assez prévisibles, mais un retournement de situation central arrivera en revanche de façon inattendue et osée, signant une certaine originalité.


Dans la forme, le film fait le choix désormais plus ou moins courant ("The Blair Witch Project", "Cloverfield"...) de la caméra subjective. Ce procédé est globalement bien utilisé et permettra une certaine plasticité aussi bien dans le récit, par des ellipses intéressantes, que dans la réalisation, car les pouvoirs des héros permettront de dépasser le simple côté caméra à l'épaule pour fournir à la place des plans plus léchés. Cependant, il trouvera aussi rapidement ses limites, lorsque l'histoire ne justifiera plus que les héros prennent la peine de filmer leurs aventures et qu'alors, Josh Trank aura recours à quelques pirouettes scénaristiques  pour amener maladroitement des caméras dans l'histoire... Cela aura en outre le défaut de s'interroger sur le supposé témoin fictif : devant un film qui ne projette que des images enregistrées supposément en temps réel par les personnages eux-mêmes, on est en droit de se demander s'ils ont monté eux-mêmes le film comme résultat de leurs enregistrements. Or, dans ce cas, devant le fait que les images proviennent de plusieurs caméras, dont des caméras d'inconnus, qui est responsable pour le montage de cette "chronique" ? L'idée trouve ici ses failles.


Malgré cela, le film fait son travail de façon satisfaisante. Les effets spéciaux sont remarquables et les personnages attachants bien qu'un brin unidimensionnels. En réalité, "Chronicle" est un divertissement réussi, en ce qu'il est quelque peu ambitieux et tient à se détacher des films de science-fiction traditionnels, dans la forme comme dans le fond. Ainsi, même s'il est balisé par les exigences du genre, celles-ci sont divertissantes et deviennent même intéressantes grâce à cette recherche - quel qu'en soit le résultat - de l'originalité.

lundi 12 mars 2012

"Martha Marcy May Marlene", Sean Durkin

Une jeune femme revient auprès de sa sœur et du mari de celle-ci après deux années de silence qu'elle a passées dans une secte violente et malsaine.


Martha, Marcy May, Marlene. C'est Elizabeth Olsen qui a été chargée d'interpréter cette femme aux multiples noms : en plus d'un joli visage aux airs boudeurs de Juno + quelques années parfait pour le job, l'actrice se distingue par une performance claire, précise et riche. Par son jeu, elle tentera d'implanter de la nuance là où les différentes strates du personnage en manquent parfois dans l'écriture. En effet, le film suit à la fois le retour à la réalité de Martha, et ses jours en tant que Marcy May dans la secte isolée, amenant un rythme intéressant au film qui parvient ainsi à révéler décemment les différents éléments de son histoire, par quelques rappels expliquant a posteriori certains détails du récit (mais laissant d'autres, pourtant parfois plus mystérieux, dans l'ombre).


Ainsi suit-on en miroir le processus d'assimilation de Martha à la secte, et les conséquences psychologiques dévastatrices que cela a engendrées. Cette secte est présentée au spectateur comme à un nouveau venu : elle apparaît d'abord comme une alternative bienveillante à la vie consumériste, avant de révéler de plus en plus son côté perturbant et sombre, jusqu'au crime qui en dégoûte Martha sans équivoque. A ce propos, tout est bien sûr centré sur le charismatique gourou, interprété avec justesse par John Hawkes. L'emprise de ce pervers sur ses sujets est puissante et, même revenue dans le monde réel, Martha semble encore s'accrocher aux rêves qu'il lui a vendus et refuse en bloc le système capitaliste, représenté par le personnage de son beau-frère.


Alors, on ne peut s'empêcher d'être soi-même partagé entre les valeurs que ce dernier défend comme constituants de notre quotidien, et celles auxquelles Martha aspire ou aspirait et que la secte semblait brandir en étendard inoffensif. Si cette dichotomie est assez fascinante, on regrettera que seul le versant social de l'assimilation au sein de la secte soit représenté, en s'attardant beaucoup sur le fonctionnement et les relations au sein de la secte. En omettant les processus psychologiques d'adaptation et d'identification au groupe, le film ne peut que décevoir quand il montre Martha accepter pleinement les premiers horribles faux-pas de son groupe. C'est ainsi qu'un fondu plus progressif vers l'horreur aurait sans doute été préférable. De la même manière, bien que la relation sororale avec le personnage de la correcte Sarah Paulson soit bien établie, on souhaiterait une focalisation sur certains autres personnages très intrigants, tel celui de Katie, très brillamment jouée par Maria Dizzia.


Mais au-delà de ces détails, le film se caractérise avant tout par une ambiance, relayée par une réalisation excellente, profonde et dense, qui porte le tout par d'habiles jeux de cadrages et un remarquable travail de la photographie. L'atmosphère semble toujours au bord du crépuscule, les couleurs se diluent en brun et sépia, le montage est impeccable. Le tout conflue à baigner le long-métrage dans une captivante nuée malsaine, qui se resserrera progressivement comme un étau autour du protagoniste, jusqu'à ce que le spectateur ne puisse pas, lui non plus, différencier la réalité de l'illusion, et reste dans cette inquiétante incertitude, signant une totale adéquation avec les doutes traumatiques de celle qui ne sait plus si elle s'appelle Marlene, Martha ou Marcy May.

samedi 10 mars 2012

"Extrêmement Fort et Incroyablement Près", Stephen Daldry

Extremely loud and incredibly close. Ce film au long titre étrange mais joli raconte l'histoire d'un enfant de onze ans, dont le père meurt dans les attentats du 11 septembre 2001. Lorsqu'il découvre une clé dans les affaires de son père, il se met en tête d'entreprendre une grande quête à travers tout New York pour trouver ce qu'elle ouvre ; l'occasion d'apprendre à s'émanciper de ses phobies sociales et peut-être de gérer son deuil...


Alors. Parlons tout d'abord de l'aspect prédominant du film : le film est triste. Pas triste à la Dancer in the Dark, façon "si tu ne pleures pas, félicitations, tu n'es pas humain". Triste plutôt à la manière "vas-y que je t'extirpe tes larmes avec des pinces". Les scènes émouvantes de ce film parcourent donc un éventail qui va de "scène subtilement touchante" à "scène ostentatoirement tire-larmes mais qui fonctionne quand même". Les yeux embués du spectateur ne voient pas, sur le coup, les quelques procédés simplistes, habituels mais efficaces qui concourent à sa sécrétion lacrymale incontrôlée. On ressort de la salle avec les yeux peu esthétiquement rouges et le sentiment d'avoir été un peu bafoué, un peu manipulé à cette fin.

L'histoire en tant que telle est assez intéressante, bien pensée et jolie. Elle vogue avec une étonnante fluidité entre les différentes temporalités, créant un rythme assez soutenu où l'ennui n'a pas le temps de s'installer, et où l'intrigue se charge de mystère dont les solutions sont distillées avec équilibre. Elle est de plus étayée d'un certain nombre d'idées mignonnes et attachantes, à l'image de cette multitude de portraits de new-yorkais rencontrés dans tous les districts, dont le personnage de la fantastique Viola Davis, extrêmement touchante et juste. Cela vient compenser les quelques autres éléments un peu trop prévisibles, comme le personnage de Max von Sydow ou la relation avec la mère, ou encore certaines maladresses scénaristiques superflues.

Le film se définit comme une visite de l'enfance : on appréciera cette exploration introspective d'un enfant victime de sa propre imagination. A ce titre, la réalisation suit avec adéquation et propreté les pérégrinations mentales de son protagoniste, et a recours à des procédés efficaces, si ce n'est un peu répétitifs. Si les phobies et les névroses d'Oskar manquent cruellement de finesse et terminent presque en ressort comique, on peut saluer la performance du jeune Thomas Horn qui ne se débrouille pas trop mal compte-tenu des circonstances. Il est porté par une certaine alchimie avec les très bons Tom Hanks et Sandra Bullock, impeccables dans leurs rôles malheureusement peu creusés. Il reste par ailleurs que le livre dont est tiré le film doit sans doute explorer avec plus d'ampleur le complexe sujet du deuil chez l'enfant, mais cette humanisation à toute petite échelle du drame historique est assez dérangeante et regorge d'un intérêt au potentiel bien utilisé.

Au total, le film aurait sans doute gagné à une production plus indépendante et moins mainstream, et à la propagation plus subtile de ses émotions. Toutefois, on suit Oskar sans trop rechigner alors qu'il parcourt New York, représentée plus que jamais comme une ville-jungle, à travers une photographie belle et lisse, dans une histoire qui s'établit sur une gradation ininterrompue.

mardi 6 mars 2012

Buffy the Vampire Slayer, Saison 1 (1996), Joss Whedon.

Aujourd'hui, un article qui sera le premier d'une série de sept... un pour chaque saison de Buffy ! Celui-ci, qui traite, si vous avez bien suivi, de la première saison, est diffusé en partenariat avec l'excellent site Spin-Off.fr qui permet notamment la notation des épisodes de toutes les séries au moooonnnde, en faisant la banque de données française la plus riche à ce sujet. Et  vous savez à quel point j'aime donner mon grain de sel, alors imaginez l'extase d'un tel site pour moi. Et peut-être pour vous aussi, alors n'hésitez pas à aller y jeter un oeil. Et merci Manu !

"Buffy the Vampire Slayer" (ou "Buffy contre les vampires" pour les plus francophones d'entre vous, cela ne change rien, ce titre sera toujours aussi irrémédiablement kitsch dans toutes les langues imaginables) est la meilleure série télévisée au monde. Voilà, c'était le pré-requis numéro 1.


"Buffy the Vampire Slayer" est la meilleure série télévisée au monde parce qu'elle est arrivée avant toutes les autres. C'est peut-être de cela dont elle souffrira le plus : si elle était venue au monde dix ans plus tard, en plein milieu de l'âge d'or des séries à coups de "Lost", "Desperate Housewives" et autres, son génie aurait sûrement été acclamé encore plus unanimement. Toutefois sans elle pour éclairer les programmes des années 90, peut-être que ce même âge d'or aurait eu plus de mal à fleurir. Mais là n'est pas la question.
"Buffy the Vampire Slayer" (BtVS pour les intimes) est la meilleure série télévisée au monde car elle regroupe une puissante écriture métaphorique, beaucoup de fun, du drama intense tel qu'on en a rarement fait depuis (ou qu'on a alors (mal) copié, coucou Charmed et Twilight), des interprètes formidables (Alyson Hannigan épouse-moi!), des exercices de style jamais égalés et surtout, surtout, des dialogues absolument indescriptibles.


"Buffy the Vampire Slayer" est la meilleure série télévisée au monde, donc, mais sa première saison pose problème. Quand on suit une série, il y a quelque chose qui se produit, un moment, si vous voulez, où l'on bascule d'un feuilleton qu'on aime bien regarder quand on a rien d'autre à faire, à une œuvre artistique qui mérite toute notre attention. Ce moment vient après cette première saison, même si en rétrospective, elle est truffée d'indices décriant son génie. Ainsi la première saison de "Buffy" pose problème. Elle qui était tout d'abord prévue comme une mini-série sans avenir pour remplacer dans la grille horaire un autre show annulé en cours de route ne bénéficie que de douze épisodes. Douze épisodes qui ont été suffisants pour convaincre public et chaîne, à l'époque, qu'elle méritait un renouvellement. La première saison de "Buffy" pose problème aussi parce qu'elle fait suite au navet filmique du même nom : son créateur, dont on avait alors arraché le projet des mains, s'est obstiné à en faire ce qu'il en voulait originellement. La première saison de "Buffy" pose donc problème parce qu'elle se situe dans l'inconfortable entre-deux de la suite du mauvais film et de l'incipit de l'épopée télévisuelle.


Le tout dans les années 1990. Là où les méchants sont encore souvent en carton-pâte, le budget usé en un pauvre effet spécial, les pantalons portés au nombril, les minijupes en léopard, et le kitsch, le kitsch, toujours le kitsch. Autant d'écueils qui empêchent de discerner clairement le génie de cette première fournée. Alors bien sûr, il faut réussir à en rire, tout en parvenant à s'en détacher, des lunettes de soleil rondes et des mantes religieuses géantes. Et on peut alors s'attarder sur le caractère toujours aussi actuel de certains aspects, notamment la vie au lycée qui, d'après les plus récents "Veronica Mars" ou "Glee" (qui a juste volé énormément de choses à Buffy, d'ailleurs, mais passons), n'a malheureusement pas beaucoup changé. "Buffy" est parvenu dès le début à dresser un portrait étrangement réaliste de l'adolescence, tout en la transcendant par l'usage de situations fantastiques comme métaphores des différents conflits qui nous traversent à cet âge redoutable. Seront donc évoqués en miroir toutes les angoisses adolescentes : l'angoisse de performance, celle de la virginité, de l'appartenance à un groupe, de la rébellion, de la quête identitaire, de la recherche de la popularité ou de l'amour, des unions interdites... et une multitude d'autres thèmes, dont le traitement par le surnaturel sonne toujours étonnamment juste.


Une fois ces prémisses posés, la recette est simple pour ces premiers épisodes : à chaque épisode, son méchant, le Freak of the Week, sur fond d'un grand méchant qu'il faudra toute la saison pour battre, le Big Bad. Deux concepts popularisés par le génial Whedon, une fois de plus, et qui sera repris par de nombreuses séries ensuite, comme "Smallville" pour ne citer qu'elle (et une mauvaise série de surcroît). Si une telle facilité peut être préjudiciable, on ne peut qu'admettre que la recette fonctionne bien, grâce notamment au travail de détectives que doivent entreprendre les personnages à chaque nouvelle histoire, et surtout le lot incroyable de surprises et retournements de situation qu'elle apportera toujours. En effet, chaque épisode est le plus souvent rythmé par des révélations inattendues et bien pensées qui écarteront autant que faire se peut les clichés environnants. Alors, bien sûr, certaines histoires paraissent dérisoires ou démodées (le démon internet de "I Robot, You Jane"), certaines métaphores nous apparaissent, de notre point de vue actuel, trop tirées par les cheveux (la possession par les hyènes dans "The Pack"), certains démons sont juste ridicules (ladite mante religieuse géante de "Teacher's Pet")... Mais remis dans leur contexte, ces épisodes sans prétention offrent un divertissement inopinément intelligent, dont la recette simple repose sur cette dynamique scénaristique rafraîchissante et sur des personnages bien dessinés et interprétés.


Parce que cette première saison a aussi le mérite de poser les bases de nos héros favoris. C'est l'occasion d'examiner le début du parcours, là où Willow était encore la timide maladive, Xander le jeune idiot, Giles le doux empoté, Cordelia la pimbêche superficielle et Buffy la jeune Slayer qui voulait surtout sortir avec un garçon. Alors qu'à cette heure, la neuvième saison de "Buffy" est diffusée sous forme de comic-books, le chemin qu'il reste à parcourir aux protagonistes de Joss Whedon a des airs émouvants. Mais cette époque d'insouciance amène aussi son lot inattendu d'humour. Hormis des scènes d'anthologie (ah, cette scène de théâtre dans "The Puppet Show"...), c'est avec la série que naissent ces dialogues si reconnaissables et indéfinissables à la fois. Commencent ainsi les néologismes à foison (ajoutez un "-age" pour faire un nom commun, un "-y" pour un adjectif), les répliques-dynamite qui s'enchaînent, et les fameuses catch-lines de Buffy lors des combats, réminiscences de comic-books tels que "Spiderman". Et rien que pour ça, cette aisance avec laquelle les comédiens délivre des dialogues si magnifiquement ciselés, "Buffy" est  déjà grande.


Ainsi, cette première saison de "Buffy the Vampire Slayer" en pose bien les humbles bases. Si elle laisse un souvenir irrémédiablement, répétons-le, kitsch, elle surprend en fait par sa noirceur assumée et par son intelligence dissimulée derrière les coupes de cheveux improbables. Et quand soudain vient "Prophecy Girl", le final, dont la construction ne trouve d'égal que dans la tragédie face à laquelle Buffy se retrouve confrontée, le personnage révèle son potentiel. La série arrête de blaguer et prouve au monde entier qu'elle en a dans le ventre, qu'elle n'hésitera pas et qu'elle a encore beaucoup à nous raconter. Lorsque Buffy murmure "I'm sixteen years old. I... I don't wanna die.", il devient évident que cette jeune série empêtrée dans les années 90 dont elle essaie de se défaire des clichés, est en fait brillante, bien plus brillante qu'elle n'y apparaît au premier regard. Elle ne nous décevra pas.

lundi 5 mars 2012

"Detachment", Tony Kaye

"Detachment" dresse un portrait sans concessions des difficultés scolaires aux États-Unis, à travers le regard imperméable et désabusé de Henry Barthes, professeur remplaçant qui arrive dans un nouveau lycée pour quelques semaines.


Vaste sujet que celui choisi par ce film, et ce d'autant plus qu'il y ajoute les divers sujets de la prostitution d'une pré-adolescente, l'inceste, la maladie dégénérative, et bien sûr toutes les dures conséquences psychologiques sur le corps enseignant aussi bien que sur les élèves d'un système scolaire insatisfaisant. Cette diversité un peu brouillonne du fond se retrouvera dans la forme : le film navigue entre une sorte de narration/témoignage/synthèse par Henry, l'histoire en tant que telle, des interviews de profs, des animations, des compositions picturales en tout genre. Une telle variété est certes intéressante, mais un choix plus strict aurait sans doute été préférable, car à vouloir jouer les caméléons, le long-métrage peine à trouver et à prendre forme. Il comprend cela dit de très beaux plans de cinéma, comme celui de ce grand mur rouge entre Henry et Erica, ou des scènes d'une grande intensité, avec par exemple la scène où Lucy Liu, à la performance originale et décente, craque.


Le bilan que propose Kaye dans ce film est sans équivoque et sans espoir. Jusqu'au bout, le public sera martelé par une vision intrinsèquement noire et pessimiste du système scolaire américain (et mondial?). Ce message aurait peut-être gagné à être nuancé, car il vire souvent au pathos, mais on peut comprendre la méritoire envie du réalisateur d'exposer aussi cruellement cette triste réalité. A ce titre s'enchaîneront les portraits de professeurs, personnages ou témoins intervenants, qui feront part de leur expérience toujours plus désastreuse et des maigres mécanismes de défense qu'ils mettent en place pour continuer à survivre en tant qu'être humains. Marcia Gay Harden est un choix évident pour la directrice shuntée. Si Christina Hendricks est plus oubliable, James Caan et Blythe Danner illuminent le corps enseignant. Mais après, quand le spectateur est, tel votre serviteur, déjà servi à la cause défendue par le film, rapport à d'innombrables dîners de famille tournant autour de l'incompétence de l’Éducation Nationale, il est vrai que cela peut paraître un peu plus redondant.


Le film s'attache aussi à la construction complexe du portrait nuancé du personnage principal. Adrien Brody est excellent dans ce rôle d'être à la dérive, guide secrètement perdu, et son interprétation vient corriger les quelques défauts de la narration qui a du mal à cerner complètement le protagoniste. C'est à travers leur relation à lui que les deux autres personnages les plus marquants vont pouvoir se développer : deux adolescentes à la dérive. Meredith, interprétée par Betty Kaye, incarne parfaitement l'effet dévastateur que peut avoir l'intolérance et l'incompréhension. Et Sami Gayle en tant qu'Erica interprète un personnage-choc qui a tendance à se reposer sur ses lauriers de sujet polémique : heureusement, la comédienne livre une performance viscérale qui ajoute de la substance.


"Detachment" s'attaque donc à un sujet complexe avec un aplomb méritoire mais un peu trop radical, se dispersant dans la forme et dans le fond, mais il est sauvé par l'évidente motivation de son propos et l'interprétation de ses comédiens.



dimanche 4 mars 2012

"Amador", Fernando León de Aranoa

A Madrid, Marcela, sur le point de quitter son mari, apprend qu'elle en est enceinte. Elle reste donc avec ce fleuriste illégal, et pour couvrir les dépenses à venir, trouve un travail en tant qu'aide à domicile pour un vieil homme du nom d'Amador.


La première énorme réussite du film réside dans le retournement de situation qui a lieu assez tôt dans l'histoire. Il est inattendu et métamorphose l'intégralité du propos. Ainsi passe-t-on d'un film manquant un peu d'originalité qui raconte une rencontre transformant les deux participants, à une histoire d'un tout autre genre, posant un insoutenable dilemme moral saupoudré d'humour noir, le tout dans un contexte d'intrigue quasi-policière et de drame social. Ce mélange des genres est pour le moins réussi, et nous plonge le bout du nez dans une empathie complète avec la protagoniste, partageant ses rires, ses doutes, ses interrogations, ses peines et ses choix. La performance de Magaly Solier, à la fois unie et nuancée, y est pour une grande part.


Et puis cet éternel charme hispanophone. Cet indéfinissable grain de l'image, ces couleurs à la fois éclatantes et souillées, ce kitsch surabondant des accessoires. Madrid apparaît sur la pellicule sans même être nommée, dans toute sa chaleur étouffante et son atmosphère poussiéreuse. Ajoutons à cela certains leitmotiv métaphoriques dispersés dans l'ensemble du long-métrage, avec notamment la problématique symbolique du puzzle comme reconstruction de sa vie par Marcella... Et la lente distillation des réponses aux quelques mystères. On aurait sans doute apprécié une portée plus universelle au propos du film, parce que le détachement forcé de l'héroïne face aux événements nous en éloigne un peu aussi mais, entre tous les tableaux sur lequel le film joue, l'intérêt ne faiblit donc jamais, et fait indéniablement d'"Amador" un bon film.



vendredi 2 mars 2012

"La Dame de Fer", Phyllida Lloyd

Oh non... Encore un biopic ! Pourtant celui-ci attire, puisqu'il se consacre à la célèbre Margaret Thatcher, avec la plus-protéiforme-que-moi-tu-meurs Meryl Streep dans le rôle principal.


Du biopic et de ses pièges. Déjà, on commence avec une Meryl Streep (très bien) vieillie : ça sent l'histoire qui suit deux époques temporelles à la fois. Soupir. En fait, "La Dame de Fer" suivra la vieille Thatcher, démente et isolée, pendant quelques jours durant lesquels elle se remémore, en grande partie à cause de la maladie neurologique, sa jeunesse et sa carrière. Le premier problème réside dans les choix qui sont dès lors faits. On ne nous montrera que très peu son ascension au pouvoir, passant directement de fille de l'épicier du coin à membre éminent du Parti Conservateur, alors que sa distinction de première femme Prime Minister appelait sans doute à la révélation de cette histoire, et même si l'assez décevante performance d'Alexandra Roach, qui interprète la jeune Thatcher, peut rassurer quant à ce choix.


De la même manière, on s'attardera très peu sur le côté politique de la chose : les choix économiques et sociaux de la Prime Minister seront faiblement exhibés, y préférant les réactions de la population. A la place de parcourir le règne politique de la Prime Minister qui aura le plus longtemps occupé ce poste, le film se concentrera sur deux ou trois événements-phares de sa carrière : alors, la reconstitution historique fonctionne et l'intérêt est au rendez-vous aussi, mais avec toujours cet arrière-goût que l'on ne fait que nous montrer la partie visible de l'iceberg. La répétition de ce procédé, navigant à travers les changements de l'opinion publique concernant Thatcher, renforcera cette impression de morceaux choisis détruisant la supposée chronologie. Et on ressortira du cinéma sans qu'on nous ait vraiment démontré pourquoi Thatcher avait mérité son surnom de "Dame de Fer".


Mais si le long-métrage a aussi peu de temps à consacrer à l'ensemble de la carrière passée de son personnage, c'est aussi parce qu'il se focalise grandement sur la vie "actuelle" supposée. Et l'on se retrouve devant l'histoire tristement banale d'une femme âgée qui perd la tête et doit apprendre à se séparer de sa vie d'avant tout en faisant le deuil de son mari. Un récit certes émouvant et efficace à sa manière, mais certainement pas ce qu'on recherche dans un film biographique sur un personnage aussi important. Heureusement, le tout est porté à bout de bras par la performance de Meryl Streep, toujours aussi bluffante. Le genre d'actrice qu'on ne présente plus et dont on sait par avance qu'elle sera brillante dans n'importe quel rôle que ce soit. Il est passionnant de la voir se réinventer corporellement à chaque film, en retrouvant des bribes parfois (elle m'a paradoxalement parfois rappelé son intervention dans "Julie & Julia"), mais en ne pouvant qu'acclamer une telle régénération parfaite.


En somme, "La Dame de Fer" pêche par ses mauvais choix en se limitant de façon très regrettable, là où il y avait tant à raconter. Cependant, malgré ce potentiel didactique raté, reste l'occasion de passer un bon moment : l'ennui n'a pas vraiment le temps de s'installer tandis que la reconstitution historique et les personnages secondaires, notamment ceux interprétés par les brillants Anthony Head et Jim Broadbent, maintiennent un bon niveau. La réalisation, quant à elle, est adaptée et dynamique : elle oscille avec aisance entre les codes d'aujourd'hui et ceux de l'époque représentée, et certaines scènes qu'elle dépeint atteignent une certaine intensité, à la fois dans le passé (les rares occasions où l'on sent que le sexe et les origines de Thatcher lui sont des freins) et dans le présent (le deuil progressif et la maladie de Thatcher). Ainsi, le film reste relativement intéressant ; mais on peine à fermer les yeux sur le fait qu'il aurait pu l'être cent fois plus.

jeudi 1 mars 2012

"En Secret", Maryam Keshavarz

"En Secret" se passe en Iran, où deux jeunes filles essaient de vivre leur jeunesse et d'exprimer leur amour dans un pays où l'objet des rébellions adolescentes est tout trouvé.


Le film a donc beaucoup de chats à fouetter : entre le drame social, la critique politique, le rapport national, le portrait de femmes, les thèmes de la famille, de la rébellion, à la fois adolescente et sociétale, de l'homosexualité féminine, qui plus est dans un tel contexte, il y avait de quoi se perdre en route. C'est malheureusement ce qui se passe dans ce film, dépassé par sa propre ambition. Comme souvent dans cette situation, le film finit par effleurer tous les sujets sans jamais vraiment avoir le temps de les approfondir. Ainsi, la critique ne sera jamais vraiment formulée, l'histoire d'amour jamais vraiment racontée, le drame jamais vraiment cerné. A ce titre, le sujet du lesbianisme en Iran n'est pas vraiment développé, celui de la répression par la police des mœurs non plus, et pas plus pour l'intégrisme, la religion, l'adolescence... Le film aura certes le mérite de mettre sur le tapis tous ces sujets assez tabous, brisant un peu cette triste glace orientale. Mais arrivé là, il a de la peine à se définir, et le spectateur lui-même, en ressortant de la salle de cinéma, ne sait pas s'il a vu un film d'amour, de répression ou de drame familial. Il sait juste qu'il n'a pas vu un film qui serait parvenu à réunir tout cela, et ce surtout à cause d'une fin assez bâclée qui peine à nouer toutes les ficelles.

Non, en réalité, "En secret" serait plutôt un instantané de la situation des adolescentes musulmanes en Iran. Ainsi, il vogue entre tous les thèmes évoqués, se rebelle mornement, s'émeut rapidement, avance comme il peut. Mais le chemin qu'il parcourt de façon si erratique est loin d'être dénué d'intérêt. Grâce à une réalisation soignée notamment, qui joue avec les couleurs entre chaude sensualité amoureuse et froideur de répression, on se plaît à découvrir l'Iran entre le jour et la nuit. Les très bonnes comédiennes, l'effrontée Nikohl Boosheri et la magnifique Sarah Kazemy, suivent avec aisance les changements de leurs personnages : à la fois circadiens, entre fille de famille le jour et femme fatale la nuit, et chronologiques, d'adolescentes insouciantes à femmes brisées. Ces lumineux personnages d'Afeteh et Shirin font de l'ombre à celui de Mehran, campé par Reza Sixo Safai, personnage qui peine à convaincre tant il est caricatural et peu nuancé, et tant ses actions manquent de vrai fondement. L'action de cet intégriste arrive effectivement comme un cheveu sur la soupe, et se resserre immédiatement autour des jeunes filles et étouffe leur relation, à la fois dans l'histoire comme dans la narration, où elle n'est que trop peu dépeinte.

En conclusion, "En Secret" sonne comme un témoignage. A ce titre, il est souvent imprécis dans son propos et s'éparpille entre mille expériences de vie synchrones mais différentes. Cependant, il garde sa force en tant que point de vue éclairé sur le monde, et sur un monde dont son public sait encore trop peu de choses. Et c'est pourquoi malgré ses maladresses, sa voix résonne comme un message universel, joliment délivré au milieu même des douces odeurs iraniennes.