mardi 25 octobre 2011

"Polisse", Maïwenn

Sûrement en raison de la campagne publicitaire assez massive qui a été réalisée autour de ce film, j'étais impatient de le voir. Pourtant, mon rapport aux travaux de Maïwenn était mitigé : j'ai trouvé très dérangeante l'idée de "Pardonnez-moi" et assez décevant le résultat du "Bal des Actrices". Cette incapacité ou ce manque de volonté à trouver la juste limite entre autofiction et documentaire me gênait (ce qui était sûrement le but) et m'agaçait (ce qui l'était peut-être un peu moins). Pourtant, cette singularité a cultivé mon envie d'aller voir le nouveau long-métrage de cette réalisatrice à part.


"Polisse", on le saura, suit la Brigade de Protection des Mineurs de Paris, dans un film choral au casting assez incroyable qui couvre toute l'équipe, et avec Maïwenn elle-même dans le rôle d'une photographe qui vient documenter les travaux quotidiens de cette équipe qui gère les problèmes de viols, de kidnappings, de violences et d'incestes sur mineurs. Le premier soulagement naît ici : Maïwenn commence enfin à trouver la bonne position par rapport à la réalité et la fiction. Elle a passé elle-même plusieurs semaines à la BPM à prendre des notes... et s'est donc créée un personnage dans ce même rôle d'observateur lui ressemblant et tombant amoureuse du personnage de Joeystarr (son (désormais ancien) compagnon). L'utilité d'un tel procédé est parfois remise en cause tant il est à la fois en retrait et maladroitement prépondérant, et tant la romance avec Fred est relativement inintéressante, mais c'est aussi cette sorte de mise en abyme permanente qui fait l'originalité. Le reste est inspiré de faits réels mais réécrit par des scénaristes (Maïwenn et Emmanuelle Bercot qui endosse aussi un rôle modeste mais réussi dans le film), joué par des acteurs, mis en scène par la réalisatrice : bref, une fiction. Le mélange a donc une saveur singulière, intéressante et surtout, très adaptée au sujet.


Un des pièges était de tomber dans la succession de "cas". Maïwenn et Bercot l'évitent soigneusement par un agencement remarquable des scènes : on suit avec une grande fluidité un personnage, puis un autre, puis encore un autre, avant de revenir vers un autre. Ainsi, tous les portraits sont brossés, tous les acteurs ont un vrai rôle, les relations sont tracées, les enjeux sont placés, les psychologies sont développées, les points de vue changent et enrichissent constamment le sujet. A travers une équipe, la richesse des thématiques abordées est impressionnante mais efficace. C'est donc sans à-coup que la relative longueur du film (plus de deux heures) se déroule, permettant au contraire une multiplicité des situations policières qui a l'intelligence de les montrer diverses, particulièrement dans le traitement de la pédophilie, où l'on voit aussi bien le riche connard qui se sait protégé de toute poursuite judiciaire que l'homme malade affligé de remords. Cette diversité se retrouve aussi dans l'émotion : on est très souvent dégoûté et horrifié, mais on est aussi viscéralement ému, notamment par l'accouchement déchirant de la jeune fille, et également soulagé par un amusement bienvenu. Maïwenn et Emmanuelle Bercot signent donc un scénario parfaitement maîtrisé.


Pour le mettre en scène, c'est sans surprise une réalisation proche du documentaire qui est choisie, doublée d'une photographie froide. Cela est un peu gâché par un montage parfois erratique, mais le film acquiert une réelle dynamique, un rythme effréné à l'image de celui des vies de ses personnages. Comme eux, la caméra est tendue, nerveuse, affutée. Elle suit des histoires, des situations, des vies. La fin du long-métrage quitte cependant cet aspect de documentaire : les situations se dénouent, les tensions éclatent, on passe par une opération policière de grande envergure et par un final volontairement spectaculaire, qui nie une certaine forme de réalisme et y préfère une narration résolument fictionnelle. C'est certes assez cohérent avec la nouvelle position de Maïwenn, mais le parallèle entre les deux scènes finales est un peu faible et, dans le contexte, cette fin à la "Cercle des Poètes Disparus" peut paraître décevante.


Le film tient cependant en grande partie sur l'interprétation, excellente pour cette cohorte d'acteurs. Si Maïwenn elle-même offre une performance correcte, elle est totalement éclipsée par Joeystarr qui, là où il avait été mauvais dans un rôle difficile et mal défini d'une version plus ou moins fictionnelle de lui-même dans "Le Bal Des Actrices", affiche ici volontairement une sensibilité et une richesse de jeu aussi inattendues que puissantes, tout en les couplant à une spontanéité parfois maladroite mais souvent bienvenue. En comparaison, Jérémie Elkaïm se fait gentiment oublier dans un rôle sur mesure (qui est en fait le seul qu'il peut prétendre à interpréter) : celui de l'intellectuel, inconfortablement introduit dans l'univers policier. Nicolas Duvauchelle, au contraire, propose une interprétation intime et touchante, tout comme Sandrine Kiberlain qui se trouve là exactement dans son terrain de jeu de prédilection. Naidra Ayadi est crédible malgré une direction parfois mauvaise, Sophie Cattani est par contre mauvaise tout court, et Louis-Do de Lencquesaing manque de nuance. Mais Marina Foïs, quant à elle, devrait voir sa photographie affichée en exemple sur les agendas de tous ces acteurs a priori coincés pour toujours dans un type de rôle, avec la mention "It Gets Better", tant sa performance prouve une fois de plus qu'elle est une très grande actrice bien trop sous-estimée. Son binôme avec Karin Viard fonctionne à merveille, et cette dernière offre elle aussi une performance juste et (enfin!) sincère.


Maïwenn semble enfin trouver avec ce film le type de cinéaste qu'elle veut être : originale mais accessible, elle dévoile une œuvre riche, à la fois maîtrisée et nerveuse, réaliste et romancée, ne se perdant que rarement dans ses paradoxes grâce à un scénario virtuose et une interprétation générale impressionnante.

3 commentaires:

  1. Quasiment entièrement d'accord avec ta critique ! Ce film m'a retournée et les 2h (j'avais même pas fait gaffe ^^) sont passées très vite ! J'en voulais encore malgré la dureté du film !
    Néanmoins, la romance entre joey starr et maiwenn dans le film ne m'a pas "dérangé" même si elle ne servait pas à grand chose, on est d'accord ;)
    De plus, gros coup de coeur pour Joey Starr que j'aurai baffé avec grand plaisir avant ce film, et Marina Fois qui m'a toujours fait rire dans les Robin des Bois, mais que je trouve parfaite dans des rôles de ce genre ! Elle devrait être plus présente dans le cinéma français !

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  2. Oui j'avais lu la tienne après avoir écrit la mienne et j'avais vu que nous étions assez d'accord :)
    Concernant Marina Foïs, je trouve qu'elle se débrouille vraiment bien pour sa présence dans le cinéma français : rien que l'année dernière, elle a été présente dans "Happy Few", "Les yeux de sa mère", "L'homme qui voulait vivre sa vie"... des chouettes films en plus!

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  3. Qu'as tu pensé de la fin au fait ? J'arrive pas à savoir si j'ai aimé ou pas, parce que ça reste vachement brutal comme réaction.

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