lundi 29 août 2011

"Melancholia", Lars Von Trier

J'étais un peu fâché avec Lars Von Trier. Il a quand même réalisé "Dancer in the Dark" qui a toujours été mon film préféré (j'y reviendrai sûrement un jour). Et puis, à la place de travailler avec ma chanteuse préférée (j'y reviendrai sûrement un jour), il a travaillé avec mon actrice préférée (qui est aussi chanteuse) (j'y reviendrai sûrement un jour.). S'en est suivi un joyau de symbolisme, d'image, de réalisation, de lumière, de photographie, d'interprétation, où l'exploit incroyable était qu'absolument tous les éléments du film convergeaient vers le même message intrinsèquement merdeux. Après, il y a eu l'affaire de Cannes - mais, ça je m'en contre-fous et je n'ai toujours pas compris (j'y reviendrai sûrement un jour toi-même tu sais). Bref, j'étais un peu fâché. Mais en réemployant la même actrice pour son nouveau film, ben, il me tenait dans un coin, le con. Bon, j'y suis allé. Et "Melancholia" est tout ce que "Antichrist" était, mais sans le message merdeux. "Melancholia" est une œuvre d'art.


Alors je n'ai rien à écrire sur le film, ou plutôt je n'ai rien à critiquer. Un film d'un tel niveau se pose là avec une évidence telle que tout est dit. Il atteint un stade où il ne sert plus à rien de répéter ce que presque tout le monde murmurera en sortant de la salle de cinéma. Acquittons-nous de cette tâche : Kirsten Dunst est éblouissante, Charlotte Gainsbourg est bouleversante, la réalisation est d'une justesse sans faille, le concept est brillant, le scénario relève du génie, la beauté des plans est à reléguer tout autre film au niveau d'une cassette poussiéreuse d'un épisode des Feux de l'Amour, la lumière est incroyable, les personnages sont superbes et, pour le coup, le message est humain et transcendantal. On pourra discuter de l'emploi de certains personnages, de l'échec de la transition au cinéma de Kiefer Sutherland (et, dans un certain sens qui laisse cependant plus d'espoir, Alexander Skarsgård). Voilà, maintenant que ça, c'est fait, je vais plutôt vous parler de mon ressenti.

L'infinie différence de charisme
entre Charlotte Gainsbourg et Kiefer Sutherland,
dont le casting comme couple relève alors de l'absurde.
Le film fonctionne sur deux mouvements. Le premier est un constant demi-tour, comme un changement d'avis, un retournement de situation attendu, un juste retour des choses, une hésitation suivie d'un rétablissement. Abraham ne traversera pas le pont, Claire reviendra vers Justine, Melancholia nous butera tous. Inéluctable. Le second est une inversion. Fine et subtile, comme une opposition qui se croise, entre la vie et la mort, le bonheur et le malheur, l'angoisse et la lucidité. Ces deux pôles sont bien sûr représentés par les deux sœurs, lesquelles occupent chacune une moitié du film, où l'une sera magnifiquement mise en valeur et aidée en cela par l'autre - avant d'inverser les rôles. C'est ainsi qu'en deux heures de temps, Justine passe de la dépressive profonde au roc familial, et Claire de la parfaite organisatrice à l'individu perdu et esseulé. Le dernier plan en est parfaitement symptomatique, avec ce qui est peut-être le côté le plus violent du film : là où Justine reste forte et fière, le dernier mouvement de Claire révèle un instinct de survie, une peur de la mort qu'elle n'aura pas réussi à surmonter.



Contrairement à sa sœur - et la dépression est montrée là sous un jour à la fois réaliste et novateur. La cause s'avère être une incapacité à grandir, à accepter l'âge adulte, comme son éternel recours à ses parents, son interrogation sur la sexualité et sa permanente régression en témoignent. Jusqu'à ce cette arrivée de la fin du monde, alors perçue comme la méritée réponse à tout. Troublant, fascinant et, de manière surprenante, extrêmement juste. Le titre nous prévient : c'est de mélancolie dont il est question ; mais ce que beaucoup de gens semblent omettre, c'est que c'est bien la mélancolie au sens psychiatrique du terme qui est traitée, c'est-à-dire le plus haut stade de dépression. Les symptômes sont tous présents chez Justine, et cette immense et inévitable planète en apparaît l'allégorie.


C'est ainsi que l'histoire d'une collision d'astres ne donne pas place à un film de science-fiction, parce que l'innovation vient aussi du fait que pour une fois, on ne suivra pas la famille qui, par erreur ou par héroïsme, sera celle qui fait tout pour sauver le monde. On suivra au contraire la pure réaction de la condition humaine face à cette catastrophe surnaturelle, ce que personne n'avait vraiment fait jusque là et ce qui donne un résultat obsédant. C'est dès lors la tragédie qui triomphe de ce subtil mélange des genres : le statut social des personnages, la transcendance de leur existence, et ce par l'inexorabilité du destin astronomique qui les surplombe jusqu'à les écraser en sont tout autant de stigmates. Alors, là où Lars Von Trier avait fait de "Antichrist" un violent (et, apparemment, efficace) exutoire pour sa misogynie, il signe avec "Melancholia" une passionnante réflexion sur la (sa...) dépression, avec poésie, intelligence et sincérité.

2 commentaires:

  1. Marie-Charlotte29 août 2011 à 14:02

    Tu as réussi a employer transcendental dans ta prose. Si si, je t'ai vu.
    Et tu m'a même donné envie de voir le film (alors qu'une amie moins bonne critique que toi m'a dit que je perdrais mon temps... mais bon. ça manquait d'argument) (et j'aime beaucoup dancer in the dark aussi) (et je suis une pro des parenthèse t'as vu)

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  2. Le "transcendantal" (et SURTOUT PAS "trancendant" ATTENTION) t'était dédié, baby.

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