Mes rapports avec Mélanie Laurent sont pour le moins conflictuels. Je fus parmi ceux qui crièrent au génie en premier lors du génial "Je vais bien, ne t'en fais pas". Et puis tout s'est détérioré... Mélanie Laurent a touché le fond en faisant tache sur le paysage de "Inglorious Basterds", où la direction de Tarantino ne lui a pas réussi (et c'est le moins qu'on puisse dire). Puis, non contente de s'être ridiculisée en tant que maîtresse de cérémonie à Cannes, elle s'est mise en tête de chanter, ayant au moins la bonne idée de s'entourer convenablement mais signant des chansons qui pourraient être certifiées "garanties 100% variété française banale". Et voilà qu'elle s'aventure dans la réalisation ; il y avait des raisons d'être terrorisé.
Difficile de parler du film "Les Adoptés" sans vous spoiler puissamment, parce que le film tourne autour d'un élément qui arrive au terme d'une bonne demi-heure et en transforme la dynamique. Disons juste ceci, donc : "Les Adoptés" suit la vie de deux sœurs et du nouveau copain de l'une d'entre elles, en découpant le récit, de façon peu judicieuse parfois, en trois parties leur étant consacrées. Et il arrive donc quelque chose qui va révolutionner leurs vies. Maintenant que ça, c'est fait, nous pouvons en venir au fait principal : il y a des films qui semblent se résumer à un mot, le crier à chaque seconde comme pour nous en faciliter la critique une fois sorti de la salle sombre. Pour "Les Adoptés", ce mot est "consensuel".
Attention, je vous arrête tout de suite, au cas où vous deviendriez tous des grands fans des "Adoptés" et que je passe à nouveau pour un gros méchant sans cœur auprès de vous tous, alors que mon bonheur semble proportionnellement dépendant de mon nombre de visites. A mon sens, "consensuel" n'est pas un gros mot. Ce n'est pas une insulte, ce n'est pas un reproche, ce n'est pas un fléau. Ceci dit, le film de Mélanie Laurent est consensuel. Dans le sens où il donne l'impression d'avoir été fait par ce genre de fille sympa qu'on a tous connue et qui se considère comme une vraie artiste parce qu'elle porte parfois des habits indiens et parce qu'elle fait ses tasses elle-même. A ce titre, le long-métrage regorge de moments se voulant bien pensés, poétiques, mignons et artistiques. Parfois, cela fonctionne ; parfois, non. Dans tous les cas, chaque passage semble ressortir d'un consensus : outre un relatif manque de surprise, s'enchaînent des idées se voulant piquantes mais qui n'atteignent jamais le potentiel voulu. Mélanie Laurent, cette folle, nous montre ainsi une mère faisant une bataille de bouffe avec son fils, un mec rejoignant tout habillé sa femme dans son bain, une fille qui regarde tous les jours le même vieux film... Heureusement, ça ne tombe que rarement dans l'ennui, parce que la réalisatrice semble y croire sincèrement.
Consensuel, donc, le thème. Oh la terrible situation familiale dans laquelle les personnages se trouvent plongés ! Comment ne pas faire pleurer dans les chaumières avec une histoire pareille ? Et je l'avoue, ça fonctionne. Moi-même, avec mon cœur de pierre et mon regard hautain, j'ai été ému à plusieurs reprises. Parfois, j'ai même ri. A partir de là, peu de choses sont surprenantes dans les relations entre les personnages, leurs réactions, leurs évolutions. Il n'y a donc rien à en dire de plus, si ce n'est que la fin évite heureusement un écueil niais pour signer son enfoncement dans le consensuel.
Le film fonctionne en tant que tel, mais il est à la fois prétentieux et peu ambitieux. Le stigmate principal en est la réalisation : elle est comme je m'y attendais de la part de Laurent, c'est-à-dire léchée, réfléchie, se voulant originale. Ainsi, les images se suivent souvent dans une alternance de plans un peu en-dehors de l'histoire, tandis qu'en voix-off leurs conversations se poursuivent. Une volonté d'introspection par des métaphores visuelles. Certes, c'est très joli, c'est bien mieux que ce qu'on voit habituellement (quoi que, au vu de la dernière scène), mais ça reste à la fois consensuel et souvent prétentieux, encore une fois.
En parlant de prétention, Mélanie Laurent ne parvient pas à se détacher de la tentation de faire un film sur elle. Son personnage, même si elle s'en défend, est le personnage principal du film. Et en plus, c'est une chanteuse. Dieu merci, elle apprend de ses erreurs et ne chante jamais, elle gratte sur sa guitare avec classe et conviction (ou pas, hein). La caméra tourne autour d'elle ou alors c'est elle qui tourne. Le film pue donc Mélanie Laurent par tous les pores. D'un côté, cela vaut peut-être mieux : Marie Denarnaud, quant à elle, offre une performance parfois juste, mais souvent maniérée et fausse. Ce qui n'est certes rien comparée à Audrey Lamy qui, certes n'a pas beaucoup de chance avec un rôle caricatural et exaspérant, ne parvient qu'à le rendre d'autant plus caricatural et exaspérant. Denis Ménochet, quoi que mal dirigé par moments, s'en tirera bien mieux. Théodore Maquet-Foucher se débrouille bien pour un gamin, même s'il est honteusement instrumentalisé. Voilà. Tout le monde est tombé, d'une manière ou d'une autre, et au centre, il ne reste que Mélanie Laurent. Quel heureux hasard.
D'un autre côté, en ne récupérant que Mélanie partout, partout, on écope donc de ses défauts déjà cités. Le film se veut "arty", et y parvient certes, quoi que par des procédés bien simples. Il parvient sans peine à s'élever au-dessus de la moyenne des films français, en offrant des plans jolis et pensés. S'il est parfaitement consensuel, présentant des anecdotes, des histoires, des blagues et des larmes sans surprises et sur mesure pour plaire au public, il présente néanmoins une histoire touchante et parvient à éviter certains pièges. Ainsi, "Les Adoptés" est efficace sur le moment. Malheureusement, il ne laisse le souvenir que d'une froide prétention : on a l'impression que Mélanie Laurent veut crier au monde qu'elle est une artiste, qu'elle a fait quelque chose de beau, de léché, d'intelligent, d'hors-du-commun. Elle y croit, c'est attachant. Mais on a juste envie de lui dire d'arrêter de déconner : son film est sympa, mignon, joli, okay, mais à vouloir s'acharner comme ça à nous prouver que c'est la nouvelle œuvre de Dieu, alors qu'elle fait juste un peu mieux que Rémi Bezançon, elle ne fait que renforcer son côté "fille qui a fait du macramé à seize ans et qui se prend pour la plus grande artiste de Paris". Un peu d'humilité, par pitié.
..et puis il faut lui expliquer à Mélanie que quand quelqu'un est "dans le coma" c'est une hérésie de nous le présenter sans respirateur...
RépondreSupprimerTu sais, cette même semaine, j'ai regardé un épisode de "Misfits" où ils volaient un comateux en l'enlevant de l'hôpital (pour lui éviter d'être débranché... cherche l'erreur...). Comateux qui a gardé les yeux ouverts durant tout l'épisode (donc sans protection palpébrale évidemment). Bon.
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