mardi 1 novembre 2011

"The Artist", Michel Hazanavicius

Je déteste Jean Dujardin. Voilà, c'est dit. Je le trouve violemment prétentieux. Bon, je vous l'accorde, je ne le connais pas - mais c'est là l'image peu pardonnable qu'il a toujours fait ressortir à mes yeux. C'est pourquoi j'hésitais à aller voir "The Artist", la perspective de regarder une heure et demie de Jean Dujardin en train d'être Jean Dujardin ne m'enchantant guère. Mais en vertu de ma récente grande histoire de réconciliations successives, et du fait que je sais désormais comme je suis une référence pour vous et qu'ainsi, je ne pouvais vous laisser dans l'obscurité quant à ce film qui s'impose comme un des films du moment ; je me suis fait violence. Je suis comme ça, moi. Et donc je suis allé voir ce film - en charmante compagnie, de surcroît.


Je ne m'appesantirai guère - les critiques l'ont suffisamment fait - sur le pari que représentait ce film. Le simple fait que l'on se retrouve tout de même dans une salle de cinéma quasiment pleine, en 2011, devant un film muet (en version originale cela dit, remarque faite par charmante compagnie (cf. plus haut)), et qu'en plus, cela fonctionne, en témoigne bien assez. C'est pourtant au-delà que les vraies ambitions du film naissent et le rendent intéressant. En effet, on pouvait largement craindre que Hazanavicius se reposerait simplement sur son concept (c'est-à-dire, donc, pour ceux qui suivent, faire un film muet hollywoodien alors qu'on est en 2011 et, pire, en France) et délivrerait un récit sympathique mais qui s'arrêterait là. Non, le réel exploit a été d'éviter cet écueil pour pousser le film bien plus loin : c'est en fait une véritable réflexion sur le cinéma que l'on nous ouvre ici.


Déjà, le contexte : la mort cruelle, irréversible et soudaine du cinéma muet plonge le comédien le plus connu dans l'oubli profond. Les constats sur les envies du public sont pourtant (tristement) actuelles, et ce n'est pas seulement à cause de la crise financière de l'époque que cela résonne si bien... (A ce titre, le film rappelle le clip de "Chanson d'Amour" de Zazie. C'en est même assez drôle, j'y reviendrai.). C'est donc un personnage qui doit faire face à de violentes mutations sociales, artistiques et économiques ; et l'on peut y retrouver un certain intérêt historique. Mais le récit ne se conforte pas à cette seule période : par des moyens ingénieux, c'est un panoramique de l'histoire du cinéma qui est délivré avec soin et humour. Le film regorge de passages à la mise en scène intelligente et ludique faisant du film un film sur le cinéma : on passe de mise en abyme à double mise en abyme, on nous fournit des jeux de lumière, du cinéma d'ombres, des claquettes, des sons et des écrans. "The Artist" aurait pu s'appeler "The Art" tant il constitue un hommage au cinéma : des films dans le film, un comédien jouant un comédien, un film sur le film... Les niveaux de lecture sont nombreux et extrêmement intelligents, rappelant presque "2001 : A Space Odyssey" dans leur sujet de réflexion.


C'est ainsi que l'on se retrouve happé dans l'univers du film avec un sourire sur le visage et les oreilles grandes ouvertes. On est surpris par l'expressivité de la narration : beaucoup de dialogues n'ont pas besoin de surtitres pour qu'on les comprenne. Le début du récit, rythmé et amusant, gagne le public sans souci. Évidemment, la performance de Jean Dujardin est très bonne et témoigne d'un réel travail de documentation et d'investissement en amont, pour quoi l'acteur mérite le respect. (Rassurez-vous, je ne suis pas réconcilié avec lui, mais je lui suis devenu assez indifférent. Comme Louise Bourgoin.) Bérénice Bejo est un choix absolument impeccable pour son rôle et elle est magnifique. Les autres acteurs, notamment James Cromwell, achèvent un casting léché.


Mais si le film bénéficie des avantages du film muet, à savoir une candeur attachante mais réactualisée, il souffre aussi de ses inconvénients inhérents : ainsi, le récit n'offre aucune surprise. A la place, il enchaîne des clichés fatigants et des péripéties prévisibles dans une évolution inéluctable que l'on a déjà vue et revue cent fois. Les films muets étaient certes saturés de stéréotypes - mais ceux-ci n'en étaient guère à l'époque ! Aujourd'hui, Hazanavicius aurait dû avoir la présence d'esprit d'offrir un récit davantage dans son temps, ou plus fou, plus surprenant. Au contraire, ici, l'intrigue se décompose en deux parties dont la deuxième est longue à mourir, s'étire apparemment volontairement pour finir par devenir horriblement redondante (recours aux mêmes péripéties) et peu rythmée, à cause d'incessants retours en arrière sonnant comme du remplissage. Cela sera en partie rattrapé par la fin, qui n'est pas la plus prévisible qui soit, certes, mais peut-être la deuxième plus prévisible tout de même sur le podium.


C'est ainsi que si "The Artist" pêche par une histoire stéréotypée et même ennuyeuse, il marque surtout par son hommage amoureux et profond au cinéma, non content de faire adhérer son public au concept du film muet. T'as vu comment j'ai tout conclu ce que je viens de dire en une phrase, ouais, ouais, ça c'est l'effet cinéma muet.


L'histoire du clip est aussi complexe que celle du film...
C'est tout de même inquiétant.

2 commentaires:

  1. y'a un moment va falloir que tu cèdes à la pression et que tu nous fasses un article sur "intouchables" ! :] pour ma part je dirai "trop mimi !"

    RépondreSupprimer
  2. The Artist, j'avais vraiment adoré quand je l'ai vu au ciné ! Pas de grand scénario, mais une ambiance excellente et dans le cinéma, pendant les grands silences, c'est la classe (j'avais jamais entendu la ventilation avant !) ! Le film rappelle d'ailleurs beaucoup "chantons sous la pluie", pour l'histoire du passage du muet au parlant.
    Bonne critique sinon, je suis assez d'accord avec toi.

    RépondreSupprimer

Hé les copains, vous pouvez choisir l'option "Nom/URL" pour qu'on sache qui vous êtes. Comme ça si vous me faites des compliments je saurais à qui faire des bisous. Et si c'est des critiques je saurais qui rayer de ma vie. Paix amour bonheur!