mardi 23 juillet 2013

"Chez nous c'est trois !", Claude Duty

Dans le nouveau film de Claude Duty, Jeanne Millet, une réalisatrice au cœur brisé et à court de financements, accepte une tournée dans les terres de son enfance.



On s'interroge avant tout sur le genre du film. Il semblerait que Duty souhaite ici signer une comédie, ou en tout cas travestir son film en comédie. Cela se voit au générique bariolé, aux inclusions burlesques et surtout aux gags souvent très poussifs qui viennent tomber comme un cheveu sur la soupe. Et rien n'est arrangé par la caractérisation basique des personnages et surtout la globale mauvaise interprétation : malgré quelques rares éclaircies, le jeu de comédiens comme Jonathan Mozambi, dans un rôle plein de clichés, Olivier Saladin, parfaitement oubliable, ou encore Nanou Garcia, mauvaise. Malgré quelques rares répliques qui font mouche, le film réunit donc tout ce qu'il faut pour faire une mauvaise comédie, et ce n'est pas la vive clarté de l'image dans les luxuriants paysages normands qui pourra contrer cela.



Pourtant, si le film fonctionne, c'est par sa tension mélancolique sous-jacente. En égratignant la fine couche comique, on touche à ce qui semble être le sens réel du long-métrage : un portrait plein de nostalgie, de désillusion et d'espoir. Et cela est porté à bout de bras par l'excellente Noémie Lvovsky, qui hisse à elle seule "Chez nous c'est trois!" à ce rang inattendu de film à double entente. Son interprétation à fleur de peau est d'une parfaite justesse, à la fois spontanée et travaillée, et nous fait nous demander avec frayeur ce qui serait advenu si jamais le cinéaste avait casté une autre actrice. A coup sûr, le film se serait enfermé dans un caustique pataud et inintéressant.


Mais l'actrice efface les ratés du film et éclaire les thèmes jusqu'alors dissimulés par ceux-ci. On pourra alors s'enthousiasmer de la déclaration d'amour du cinéma, des quelques jolies idées de mise en scène qui décollent sporadiquement la réalisation de sa sagesse de téléfilm, ou encore de l'interprétation de Marie Kremer. De ce point de vue, on pourra fermer les yeux sur les quelques facilités finales ou sur cette étrange obsession superflue de la "bise". On pourra oublier l'artificielle vocation comique du film estival, espérer que Duty assume ses ambitions la prochaine fois, et, en attendant, retenir uniquement la voix délicate et les yeux brillants d'une grande comédienne qui illumine tout sur son passage.

vendredi 19 juillet 2013

"Frances Ha", Noah Baumbach

"Frances Ha" est décrit par TéléCinéObs comme le "chaînon manquant entre le cinéma de Truffaut, "Manhattan" et la série "Girls"". Rien que ça. Et à juste titre.



Comme son nom l'indique, il s'agit avant tout d'un portrait : celui de Frances, new-yorkaise paumée, danseuse fauchée, amie lâchée. Interprétée avec grâce par la très bien choisie Greta Gerwig, on s'attache avec aise à cette vingtenaire en proie aux démons de son âge : à travers ses recherches d'appartement, de travail ou d'amour, elle se trouve surtout en pleine quête identitaire. Celle qui entend gérer ses problèmes un à un le fait avec nonchalance, souhaitant surtout improviser au fur et à mesure, ce qui la place en un parfait juste-milieu entre l'action et la passivité. Ce tableau d'une génération perdue, en recherche d'absolu mais déjà abattue d'avance, pleine de dynamisme et de désillusion, est peint avec espoir et subtilité, et constitue la grande réussite du film.



Le tout est bien sûr orchestré avec un soin formel des plus travaillés. L'évident hommage à la Nouvelle Vague passe entre autres par ce noir et blanc si brillamment utilisé qu'il en devient déconcertant : par moments, on croit presque au film ancien, et les interrogations de la protagoniste en deviennent intemporelles. On reconnaît à peine ces New York et Paris, gris et très bien filmés. La délicate composition de la mise en scène se retrouve chacune des escales de Frances, qui rythment le film et dessinent ses pérégrinations, et sublime l'actrice dans des plans poétiques et marquants.


Cet aspect feuilletonnant du scénario n'impacte pas du tout sur son dynamisme, tenu par des dialogues frais et spontanés. Les diverses rencontres de Frances sonnent toutes justes, notamment le personnage de Michael Zegen ou encore Sophie, très bien cernée et interprétée par Mickey Sumner. Et si on regrettera quelques gags trop caricaturaux qui viennent grever la caractérisation de l'héroïne, ainsi que la soudaine rapidité de la résolution là où le film savait si brillamment prendre son temps pour mettre en scène ses doutes, la subtile transformation du simple portrait en grande histoire d'amitié est tellement bien amenée qu'elle portera tout le film à un autre niveau.

jeudi 18 juillet 2013

Trilogie de Richard Linklater : "Before Sunrise" (1995), "Before Sunset" (2004) & "Before Midnight" (2013)


Tout d'abord, il y a eu "Before Sunrise", en 1995, par Richard Linklater, narrant la rencontre impromptue de deux jeunes vingtenaires, Céline, incarnée par la française Julie Delpy, et Jesse, le célèbre Ethan Hawke. En 2004 sortira "Before Sunset", filmé en temps réel, pour les retrouvailles des personnages, désormais neuf ans plus vieux. Pour compléter la trilogie, "Before Midnight" est en salles : les deux protagonistes sont désormais quarantenaires. L'histoire ne dit pas encore si on les retrouvera en 2022, mais on peut croire que le concept, lumineux, intime et intrigant, a touché à sa glorieuse fin. Il aura permis aux spectateurs une expérience inédite, surtout par cette adéquation entre date de sortie et avancée des vies des personnages. A chaque épisode, les retrouvailles avec Céline et Jesse sont touchantes, réalistes, un brin nostalgiques mais toujours ancrées dans le présent. La décennie de l'ellipse sera évoquée souvent avec subtilité et concision avant de laisser l'histoire reprendre son cours.


Les trois films sont des films de dialogues : toujours les deux personnages s'interrogent, s'analysent, se disputent, se découvrent. Et si la machine paraît d'abord un peu rouillée dans le dernier épisode, c'est assumé par la conquête de la vie quotidienne sur leur vie intellectuelle, ce qui compensera cet appesantissement sur un dîner à plusieurs convives qui n'a pas l'élégante dynamique de la joute entre les deux amoureux. Mais des trois films, on retiendra la parfaite spontanéité de la délivrance des répliques, à la façon d'un Woody Allen ou du "Two Days in Paris" de la même Julie Delpy, et la beauté suprême des tirades. Si certains condamnent le côté bavard qui peut s'en suivre, on se réjouira plutôt de la philosophie salvatrice des protagonistes, distillée dans ces dialogues admirables, souvent coécrits par le réalisateur et les deux comédiens. Les thèmes en sont aussi divers que spéciaux et aussi banals qu'universels. Leur interprétation acharnée par les acteurs extrêmement impliqués renforcera bien sûr tout leur passionnant intérêt.


Si le charme fonctionne aussi bien, c'est aussi grâce au parti-pris d'unité de temps qui est souvent utilisé. Dans "Before Sunrise", les personnages ont une nuit pour s'apprivoiser, dans "Before Sunset", ils n'ont qu'une grosse heure pour se retrouver et dans "Before Midnight", une soirée pour se comprendre. C'est cette urgence, notamment dans le deuxième épisode filmé en temps réel, et un peu moins dans le dernier où le rythme distillé viendra témoigner d'une efficacité très légèrement amoindrie, qui concentrera l'intérêt en amenant les personnages à se livrer progressivement mais rapidement. Aussi seront-ils dessinés avec une sincérité et un réalisme à toute épreuve. Certains de leurs traits de caractère, ébauchés dans "Before Sunrise", seront potentialisés dans "Before Midnight" et, si on regrettera souvent l'éternelle et infertile opposition homme/femme, la fine analyse des incompatibilités relationnelles et de la complexité amoureuse qui en résulte se fera constructive, fascinante, salvatrice.


Qui dit unité de temps dit souvent unité de lieu, et on explorera donc successivement Vienne, Paris et un village grec. Le tournage aura souvent lieu sur place, la découverte des villes suivant le dévoilement des personnages. A ce titre, Vienne apparaîtra majestueuse et secrète, Paris magnifique, généreuse et mystérieuse dans la lumière de fin de journée, et la Grèce décharnée et lumineuse. Les pérégrinations de Céline et Jesse seront suivies avec délicatesse et parfois un brin d'inventivité, pour éviter l'ennuyeux champ/contre-champ. La chaleur de l'image restera la seule constante parmi les procédés cinématographiques évoluant de film en film avec les époques et les modes, réalisant une mini-aventure de décennie en décennie dans les habitudes de mise en scène, en parallèle de l'élégant vieillissement des acteurs.


A travers cette surprenante trilogie, le trio gagnant Linklater-Delpy-Hawke signe une aventure hors-du-commun. Le concept, qui s'est construit à travers les années presque par hasard, est alléchant et exploité au maximum par un investissement maximal de la part des participants. Ainsi, chaque opus témoigne d'une époque, cinématographique, historique, mais aussi personnelle. Au total, "Before Sunrise" aura été une introduction pleine de douceur, de rêve et d'espoir, par la rencontre audacieuse de deux personnes en questionnement. "Before Sunset" atteindra des sommets de philosophie, de réalisme et de romantisme, dans une ambiance d'urgence chronologique et existentielle, entre des personnages insatisfaits de la façon dont ils ont entamé leur vie adulte, et progressivement prêts à s'engager dans une nouvelle direction. Enfin, "Before Midnight" fait le portrait cruel et passionnant de l'effet dévastateur qu'a quotidien sur le monde entier, y compris les rêveurs et les idéalistes. Si on y rapporte un léger essoufflement qui témoigne de la fin de l'épopée, on est avant tout reconnaissant d'avoir eu droit à cette exploration aussi intime qu'universelle de la question humaine.

mercredi 17 juillet 2013

"Jeunesse", Justine Malle

Avant toute chose, bien sûr, il y a le parallèle : la réalisatrice Justine Malle, dans ce film autobiographique qui retranscrit sa vie lors de la mort de son père le cinéaste Louis Malle, emploie dans son rôle la jeune Esther Garrel, elle-même fille du réalisateur Philippe Garrel. Cette exposition de sa propre vie n'échappe pas à plusieurs artifices, et notamment à une impression de justification boudeuse : la protagoniste décide effectivement de ne pas accompagner l'agonie de son père et passera la moitié du film à expliquer son choix de façon forcée et appuyée. Il est toujours dangereux de faire un film pour des raisons trop personnelles, et d'autres moments plus intimes de la vie supposée de la cinéaste viennent renforcer cette impression narcissique.


C'est néanmoins l'occasion d'explorer un âge bâtard : Juliette, le personnage principal, a 19 ans et suit une classe préparatoire aux grandes écoles, ce système décrit à juste titre comme typiquement français, complètement stérile et indéniablement sadique. Autour d'elle, des "petits cons qui ont un avis sur tout", avec surtout Benjamin, le très bien casté Emile Bertherat, insupportable post-ado pseudo-torturé. Pas encore sortie de l'inactivité maladroite de l'adolescence, Juliette n'est pourtant pas encore entrée dans la confusion existentielle de la vingtaine. L'entre-deux gênant de cette période de la vie est souligné avec une certaine justesse, incarné avec application par Esther Garrel, et fera le gros de l'intérêt du film, justifiant par ailleurs son titre. C'est ce qu'on peut apprécier dans les films de ce type : leur construction comme un roman.


Pour le reste, on sera surpris, dans le mauvais sens du terme, par la sage gentillesse de la mise en scène et l'absence de parti-pris, de prise de risque ou même de composition artistique. Au-delà de toute comparaison parentale, "Jeunesse" déçoit par cette réalisation non inventive, parfois digne d'une série télévisée lambda (ah, les impardonnables fondus au noir...), et qui ne semble en fait pas avoir été réfléchie du tout. Il en est de même pour la direction et les dialogues, à la fois verbeux et peu naturels, tapant dans le cliché du film français prétentieux. Les émotions pourtant abondantes et faciles d'accès de par le sujet étant très peu retransmises, tout cela viendra desservir l'objectif affiché de la cinéaste, et donc questionner d'autant plus l'intérêt, autre qu'égocentrique, du long-métrage qui, faute d'avoir été entrepris pour les bonnes raisons, ne marquera pas.


vendredi 12 juillet 2013

"Oh Boy", Jan Ole Gerster


Ce film allemand fait dans l'unité de temps. A la façon d'un "The Hours" ou encore "Before Sunrise" (dont je parlerai très prochainement), il se prête au délicieux et souvent exutoire exercice du dessin d'un personnage à travers son suivi pendant vingt-quatre heures. Niko, bientôt trentenaire, va pérégriner dans Berlin lors d'une très mauvaise journée. Il se fait rapidement rejeter de la société, via son père qui lui coupe les ponts, un psychologue qui lui refuse la récupération de son permis ou encore cette machine qui avale sa carte bancaire. L'empathie pour ce protagoniste paumé fonctionne immédiatement.


Ne lui reste plus qu'à tracer sa route. Et à travers la capitale, filmée avec soin et goût dans des plans picturaux qui la représentent entière (au plus grand plaisir de mon accompagnatrice aussi assidue qu'experte), à la fois moderne et porteuse d'histoire, il va aller de rencontre en événement, selon une narration un peu feuilletonnante mais suffisamment rythmée. Sa journée prend vite des airs de quête existentielle, et cette recherche identitaire hasardeuse d'une génération désabusée résonne très fort avec une ambiance Nouvelle Vague assumée, que vient renforcer le noir et blanc de l'image, donnant un côté intemporel à cette histoire banale et excitante.


Les dialogues sont justes, parfois absurdes, souvent savoureux. Ce sont eux qui forgeront l'interminable journée de Niko sans jamais la rendre angoissante. Le film, pareillement, se tiendra toujours en équilibre entre la légèreté et la profondeur, la douceur et la contrariété, le quotidien et l'incroyable. La gueule boudeuse de Tom Schilling achèvera de faire de "Oh Boy" une œuvre qui touche par sa sincérité absolue et par sa liberté enragée.

jeudi 11 juillet 2013

"L'Inconnu du Lac", Alain Guiraudie

Le nouveau film d'Alain Guiraudie a fait parler de lui par les réactions homophobes qu'il a entraînées de la part de certains Français à l'esprit étriqué, mais aussi, et heureusement, par ses qualités cinématographiques. Il raconte une rencontre dangereuse entre deux hommes au bord d'un lac réputé pour les liaisons homosexuelles, et au fond duquel on retrouve bientôt un cadavre...

ohlalalalala qu'elle est choquante cette affiche

L'unité de lieu de cette plage d'eau douce procure le caractère intriguant du huis-clos, les personnages existant seulement dans ce contexte particulier, tout en proposant un cadre magnifique. La lumière naturelle qu'elle offre notamment sublimera l'image et baignera l'ensemble du film dans une chaleur incomparable, propice au récit qui s'y déroule et à la représentation du corps qui l'accompagne. L'efficace simplicité de la mise en scène en ressortira à l'image de ces journées estivales : claire et éclatante, parfois pesante et étouffante.


L'ambiance est parfaitement posée pour contraster avec la chair débordante, la peau omniprésente, moite, tirée ou flasque, glabre ou poilue, de tous les figurants nudistes, dont la multiplicité des physiques associe réalisme et absurdité, naturel et grossièreté. C'est là l'exploit du cinéaste : intégrer dans son récit le corps masculin sous toutes ses formes et dans tous ses angles, tour à tour alléchant et répugnant, suggéré et exhibé. Et tous ces corps exultent, bien sûr : Guiraudie va jusqu'au bout en montrant des scènes de sexe gay. C'est finalement cette audace que l'on retiendra le plus de son œuvre : les pratiques homosexuelles enfin représentées sans pudeur et sans fausseté. Malheureusement, il ne parviendra pas à retranscrire leur érotisme, et s'enfermera dans une pornographie peu intéressante, malgré l'atmosphère bouillonnante.


A travers ce bordel maîtrisé, ce lieu de non-droit, des hommes se croisent : le plus touchant restera Patrick d'Assumçao, et le sort réservé à son personnage de spectateur ambigu constitue la preuve d'un réel talent quant à l'écriture de personnages. Face à lui, Frank, jeune homme perdu et éperdu, assiste à un crime et succombe à son attirance pour l'assassin. L'ambivalence de cette attraction aurait gagné à être exploitée davantage, et le développement de la relation entre Frank (Pierre Deladonchamps) et Michel (Christophe Paou) apparaît parfois un peu bancal. Comme le dira, en sentence et conclusion, l'antinomique inspecteur (Jérôme Chappatte) : "Vous avez une drôle de façon de vous aimer". Parce que pour finir, qui est "l'inconnu du lac" ? Est-ce vraiment ce noyé, ou bien ce ténébreux tueur mystérieux, ou encore le pauvre Frank, esclave de sa passion ? Sans répondre à cette question, Guiraudie finit par transposer l'ambiance qu'il a su créer pour en faire un univers brillamment anxiogène, dans une fin perturbante et haletante.


lundi 8 juillet 2013

"The Bling Ring", Sofia Coppola

Coppola, qui peine à se détacher de son étiquette de "fille de" auprès des médias, sort "The Bling Ring", nom donné par lesdits médias à un gang d'adolescents de Los Angeles qui avaient cambriolé plusieurs maisons de stars pour se fournir en vêtements, bijoux et autres chaussures.


Il s'agit donc une adaptation de fait divers. Coppola a lu l'article de Vanity Fair relatant les événements et interviewant les voleurs en herbe, et s'est dit "oh mais dis donc je pourrais en faire un film". Sur le principe, aucune objection. Mais alors que le film se déroule, il apparaît clair que la cinéaste tombe dans le piège typique de ce genre d'exercice : elle ne fait qu'illustrer une anecdote en s'y reposant, et sans entrer dans le détail. La médiocre caractérisation des personnages constitue l'aspect le plus flagrant de cette erreur : leur écriture est certes aussi superficielle que leur personnalité affichée, mais ce côté résolument unidimensionnel demeure extrêmement décevant. Au bout d'une heure trente de film, ces lycéens mi-gangsters, mi-fashionistas ne seront pas plus matérialisés qu'à l'éventuelle lecture de l'article dont ils sont issus. Cela donnera du fil à retordre aux comédiens, Katie Chang (à qui on aurait tant préféré une Ellen Page) et Israel Broussard, qui peineront à trouver sur quel pied danser, tandis que le personnage d'Emma Watson semblera bien étroit pour une jeune actrice de son potentiel. Les autres comédiens seront tout aussi oubliables que leurs personnages superflus, et sembleront faire davantage preuve de présence pour remplir l'effectif de la bande tel qu'elle avait été décrite dans les journaux.


Si le charme de la mise en scène façon "Virgin Suicides" semble bien loin, il reste au film un esthétisme certain. La composition des plans, la longueur des séquences, le choix des décors et des accessoires, les couleurs de l'image et certaines scènes léchées viendront compenser la maladresse de la narration et le simplisme du traitement du sujet. On appréciera le rythme maîtrisé du récit, qui saura faire oublier un côté rapidement feuilletonnant voire répétitif ; mais on regrettera la gêne à manipuler une histoire dont le dénouement est connu, et surtout l'évident manque de travail de fond quant à la signification profonde des agissements des adolescents. La réalisatrice semble satisfaite à soulever certains points (la génération Facebook, l'obsession pour les stars, la recherche du luxe...), sans se rendre compte qu'elle ne les explore pas davantage. Elle n'ose pas critiquer un système qu'elle cautionne à moitié pour les besoins de son film (Paris Hilton lui prêtant sa maison pour le tournage...), et c'est ainsi que son film, malgré ses quelques qualités plastiques et dynamiques, s'ancre définitivement à seulement une page ou deux de la rubrique chiens écrasés.


lundi 1 juillet 2013

"Le Passé", Asghar Farhadi

"Le Passé".

Un titre générique, galvaudé, flou, fourre-tout. Il sera progressivement effacé avec la pluie au début de ce long drame à l'histoire aussi complexe que limpide, aussi unique que réaliste. C'est bien ce sentiment d'une réalité dure mais doucement inévitable qui planera sur tout le film, à travers des dialogues sans concession et une interprétation pleine de justesse. C'est grâce à lui que l'on attachera une attention digne d'un thriller à ce film mélancolique, alors qu'il dépeint une banlieue parisienne grisâtre et pluvieuse, dans une maison en travaux et en désordre, où une famille compliquée essaie d'espérer.


Ahmad, joué tout en retenue par Ali Mosaffa, revient en France pour pouvoir divorcer formellement de Marie, surprenante Bérénice Béjo, qui veut épouser un autre homme, le toujours magnifique Tahar Rahim. Cette arrivée dans une situation saturée de tabous et de conflits va mettre en marche un inénarrable engrenage de révélations, chez des personnages brillamment dessinés à la recherche d'une vérité obscure. La clarté de la narration est étonnante, et tranchera avec une fin à demi-mots, presque hésitante, et une désagréable impression de non-dits supplémentaires. Comme si le passé, finalement, n'était jamais reconstituable, perdu pour toujours.


S'en suit un global sentiment de tristesse, décliné dans la netteté de l'image qui le sublime sous toutes ces formes : de la contrariété à la déchirure, du chagrin à la résignation. C'est cette impression d'impuissance face au drame, qui pousse paradoxalement les personnages, à travers leurs aveux, à aller malgré tout de l'avant. Aussi, de ce renoncement, naît de l'espoir : même si les catastrophes existent, même si les accidents arrivent, même si l'imprévisible les attend, il faut continuer. Parce que l'on n'a pas le choix, parce qu'il n'y a rien d'autre à faire, et aussi, parfois, parce que l'on a un peu d'espoir.