dimanche 25 septembre 2011

"La Piel Que Habito", Pedro Almodóvar

Les premières secondes d'un nouveau film d'Almodóvar ont toujours quelque chose de très reconnaissable, par les couleurs chaudes de l'Espagne, le grain saturé et le kitsch assumé des plans et des mouvements de caméra. Une réalisation portant à la fois la patte des origines et l'innovation technique pour servir parfaitement le sujet. La suite habituelle nous emmène inéluctablement vers un savoureux mélange de secrets de famille, d'identité sexuelle et de mort glauque. Eros & Thanatos version madrilène. Et cela fonctionne avec enthousiasme, encore une fois, et mieux encore que pour le précédent long-métrage "Los abrazos rotos".


Le thème nous traîne sans prévenir dans les peurs profondes de la société actuelle, avec les dérives de la médecine et de la chirurgie, tout en faisant un clin d’œil malicieux et terrifiant au mythe de Frankenstein. Le spectateur sera troublé, dégoûté, apeuré, décontenancé et attristé. Pourtant, les événements sont décrits comme s'ils étaient inévitables et leur gravité se trouve toujours relativisée. C'est ainsi que l'on se retrouve avec un film survolant les genres : vient-on de témoigner d'un atroce film d'horreur ou d'une ode à la vie ?


Quoi qu'il en soit, le souvenir en est qu'Antonio Banderas est comme instrumenté, donnant le meilleur de lui-même pour dresser un portrait assez adapté au personnage complexe qu'il interprète, tout en étant parfois transformé selon le bon vouloir du cinéaste, le rendant méconnaissable dans certains plans tant il apparaît effrayant et monstrueux, avec par exemple la scène de la capture. Elena Anaya, quant à elle, parvient presque, par une sincérité exposée, à faire oublier qu'elle est une remplaçante de Penelope Cruz. Aidés par une inquiétante Marisa Paredes, ils vont permettre à cette histoire somme toute farfelue de trouver des racines crédibles pour pouvoir s'épanouir pleinement.


Ainsi se déploie un scénario parfaitement travaillé : le métrage s'enchaîne sans longueurs, jouant avec nos attentes, répondant au compte-goutte à toutes nos questions, nous surprenant tout à coup, selon un rythme savamment calculé qui ne laisse rien échapper. La diversité des questions posées par ce cheminement particulier est massive, et les réflexions sont laissées ouvertes à l'interprétation du public, mais elles sont suffisamment mises en exergue pour ne pas être omises par le spectateur, tout en le laissant immergé dans l'ambiance sinistre et perturbante de ce récit étrange.


Almodóvar signe un film novateur, perturbant et interrogateur, qui traite d'un thème moderne dans un emballage délicieusement kitsch, et qui parvient à raconter une histoire à la fois fascinante et terrifiante tant elle touche aux craintes les plus fondamentales du public, tout en l'amenant subtilement à réfléchir sur des questions ô combien actuelles, avec notamment l'identité de genre... Un travail audacieux mais réussi.

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