"My Little Princess" est l’œuvre autobiographique d'Eva Ionesco, dont l'histoire est déjà connue du grand public puisqu'il s'agit de la fille d'Irina Ionesco, qui l'a mise en scène dans des photos érotiques alors qu'elle n'était qu'enfant. Le film raconte donc l'enfance d'Eva, rebaptisée Violetta, et de sa mère Hanna, photographe fantasque et égotiste.
C'est donc une histoire douloureuse, malsaine et difficile, qui aborde les limites de l'art, de la prostitution, de l'inceste, de la famille, de l'enfance et de l'éducation. La plupart de ces thèmes seront traités avec suffisamment de recul, laissant le spectateur se faire son avis face à ce spectacle, tout de même un peu orienté. Isabelle Huppert (Hanna) y est solaire comme à son habitude, mais semble se reposer sur ses lauriers, avec un rôle un peu trop sur-mesure et mal dirigé, heureusement sauvé par certains moments d'une rare justesse. De son côté, Anamaria Vartolomei (Violetta) y offre le meilleur d'elle-même, aidée par une plastique idéale pour le rôle, mais souffre, en plus de son évident manque d'expérience et d'initiative, là encore de la direction qui semble lui dicter fermement chaque mot et chaque geste.
L'ensemble revêt alors un côté extrêmement kitsch à la fois à travers le jeu et la mise en scène souvent maniérée et maladroite. Cela aurait pu être fort à-propos au vu de l'époque et du style des photographies incriminées, dont l'ampleur aurait pu déborder à travers le film ; mais à force de ne jamais vraiment s'assumer, ce côté désuet donne uniquement une triste impression de fausseté. Si la réalisation, parfois un peu insistante, est bien pensée, inventive et enchaîne des plans très esthétiques portés par une lumière toujours impeccable, la mise en scène plombe le tout : les clichés s'amoncellent, la nuance est inexistante.
La question qui se pose alors est celle du destinataire du film : pourquoi Eva Ionesco fait-elle ce film ? Pourquoi raconter, à qui raconter ? Son évident et normal manque d'objectivité est le responsable des caricatures : le personnage de l'enfant devient la victime violée tandis que la mère apparaît comme le plus atroce des monstres. Ce film est-il alors une catharsis, un réquisitoire envers Irina Ionesco ou souhaite-t-il raconter une réelle histoire ? D'ailleurs, quelles sont les limites entre la fiction et la réalité ? Si certaines scènes sont romancées pour des raisons évidentes de narration, la fin du film voit la même situation se multiplier en longueur par des scènes qui se suivent et se ressemblent, comme un froid récit minutieux de la relation intenable qui a réellement pris place entre la fille et la mère, comme l'envie d'une enfant bafouée de prouver au monde comme sa mère l'a détruite.
Par ailleurs, en racontant cette histoire, Eva Ionesco orchestre Anamaria Vartolomei elle aussi : si le film n'était qu'un échappatoire pour elle, en quoi est-ce que le traitement de cet enfant est justifié ? La jeune actrice est elle aussi filmée en sous-vêtements, dénudée et dans des positions érotiques. Elle doit fumer, embrasser et toucher des hommes, se maquiller, s'habiller comme une femme. Cela donne alors, au long du film, un malaise où on se demande jusqu'où va la mise en abyme : si Violetta le personnage est Eva, qu'en est-il d'Anamaria ? Eva ne devient-elle pas Irina à son tour ?
Ainsi, le film, malgré un intérêt à la fois esthétique et éthique indéniable, peine à s'affirmer, à trouver sa voix, tant il semble encore obnubilé par la seule envie d'émettre l'accusation d'Irina Ionesco, en oubliant de trouver un autre but, un réel message.
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