lundi 23 janvier 2012

"Las Acacias", Pablo Giorgelli

J'aime le cinéma sud-américain. Voilà. Il faut dire que l'an dernier, avec Medianeras et Bonsai, il était difficile de ne pas en venir à cette douce conclusion. Alors j'ai envie de sauter à la généralisation excessive et dire que j'aime le cinéma sud-américain. J'en connais une qui me dira sûrement que yé né dois pas rhénéraliser comme ça, qué yé né vois qué les deux meilleurs films par an de trois pays. Et c'est vrai. Alors, contentons-nous de : J'aime le cinéma sud-américain qui parvient jusqu'en France. "Las Acacias", quant à lui, parle d'une rencontre. Rubén, camionneur mutique, accepte d'emmener Jacinta et son bébé Anahi du Paraguay à Buenos Aires.


C'est donc une sorte de road movie latin, avec la traversée d'une Amérique du Sud représentée chaude et poussiéreuse, disproportionnellement immense et pourtant étrangement homogène, unie par cette langue commune. Les originaires du même pays sont des voisins, et les voyages de plusieurs jours sont monnaie courante. Le paysage défile par les fenêtres du camion, et aussi par le rétroviseur de Rubén qui ne regarde jamais en arrière. A l'intérieur du véhicule, trois personnes : Jacinta va refaire sa vie, Anahi vient de commencer la sienne, Rubén a mis la sienne entre parenthèses depuis des années. Et tous voyagent ensemble.


La cohabitation se fait dans le silence. La grande réussite du film, c'est sa capacité incroyable à l'économie verbale. Pour quelqu'un d'aussi délicieusement logorrhéique que moi-même, c'est inconcevable ; et pourtant, Giorgelli y parvient avec brio. Toutes les conversations qui n'ont pas lieu entre Rubén et Jacinta sont évacuées, elles se passent en extérieur, sans son, du point de vue de celui qui n'y participe pas ; ne sont laissées que les quelques conversations extérieures qui dessinent davantage et à demi-mots la relation touchante et tacite qui lie progressivement les deux personnages. Et leurs dialogues à eux sont rares, distillés au compte-goutte : c'est plutôt par une multitude de situations, de réactions, de regards et d'actions que l'on va comprendre l'évolution des sentiments. Une telle étude de la communication extra-verbale est fascinante. Elle tient beaucoup au jeu des merveilleusement bien castés Hebe Duarte, et surtout Germán De Silva, attachant et bouleversant en ours bourru. Quant à la très jeune Nayra Calle Mamami, on s'étonnera d'un tel niveau d'éveil à son âge, mais elle sera souvent un peu trop utilisée pour le côté "bébé mignon qui attendrit l'assistance". 

mais bon oui d'accord ok c'est vrai qu'elle est mignonne.
Et c'est donc sur ce trajet interminable que se trace le chemin des personnages : les détails sont aussi dilués que la route est longue. Aussi le spectateur est-il subtilement amené à lui aussi ressentir ce sentiment de langueur, à contempler l'admirable mise en scène granuleuse, chaude et sale, la lumière argentine et les décors sud-américains, comme on regarderait le paysage par la vitre en attendant d'arriver. Et quand le but pointe enfin, c'est dans une véritable frénésie que l'on est lancé : tout comme les personnages, on sait que tout va se jouer maintenant, que la tacite relation va devoir se verbaliser ou disparaître, et on vit intensément chaque minute de ce rythme qui refuse cruellement de s'accélérer, jusqu'aux deux scènes de fin où les performances des acteurs s'épanouissent puissamment. Alors, on peut rentrer chez soi, faire le chemin dans l'autre sens mais, comme Rubén, y penser encore et regarder en arrière.


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