samedi 14 janvier 2012

"17 Filles", Delphine et Muriel Coulin

Inspirées par un fait divers américain, les sœurs Coulin ont décidé de le ré-imaginer dans leur ville natale de Lorient. Dix-sept adolescentes tombent enceintes envers et contre tout : l'ennui, l'absence d'échappatoire, l'autorité...


"17 filles" est un bon film français. La mise en scène est ingénieuse, carrée et esthétique sans tomber dans le maniérisme. Efficaces, Muriel et Delphine Coulin témoignent notamment d'une connaissance intime avec leur ville, dont elles savent filmer avec beauté intéressante l'ennuyeuse laideur. Elles mènent aussi à la baguette leur cohorte de jeunes actrices, dont les profils différents seront réunis sous l'égide d'une direction bien rodée, engendrant un vrai réalisme dans les relations des personnages, malgré quelques répliques superflues. Les actrices ont toutes été incroyablement bien castées (notamment les jeunes Yara Pilartz et Roxane Duran) et en terme de talent, aucune ne ressort vraiment du lot, leur performance chorale étant soignée, intéressante et juste. Si pour des raisons de clarté, le film doit se focaliser sur un plus petit nombre de personnages, chacun trouve sa place et ses caractéristiques, même si l'on aurait envie de développer davantage certains personnages, par exemples ceux de Solène Rigot, d'Esther Garrel et de Juliette Darche. Par ailleurs, par des plans-séquences magnifiques, on comprend en quelques secondes les envies et les doutes des autres filles moins mises en avant.


Le scénario lui-même aide aussi à l'impression de réel, et les différentes raisons de l'acte sont toutes traitées sans jamais s'attarder ni trancher sur une en particulier, et notamment en ce qui concerne Camille, l'instigatrice du "mouvement", qui restera toujours un mystère, parfois de manière un peu regrettable. Toujours en parfaite résonance avec les doutes et les envies de l'adolescence, ces grossesses simultanées semblent à la fois émanciper les personnages en tant que femmes et les enfoncer d'autant plus dans une grave erreur de jeunesse.



Le spectateur parvient ainsi à varier entre ces deux points de vue : d'un côté, l'acte de rébellion suprême, au-delà des volontés des parents et des professeurs ; de l'autre, l'arrêt de mort sociale signé lorsque l'on s'aperçoit que les filles ont en fait choisi le meilleur moyen d'entrer la tête la première dans ce qu'elles souhaitaient combattre. Le film aurait pu aller encore plus loin à ce niveau. On regrettera aussi le grand manque de surprise : le film semble parfois se reposer un peu sur son idée de base, et tout ce qui en découle naturellement. Le déroulement est logique mais sans aspérité, la fin est aussi inévitable qu'attendue, et certains retournements de situation faciles à deviner dès le départ. Fort heureusement, cela ne gâche en rien le plaisir du film dans sa représentation fidèle de l'adolescence, et les questions qu'il pose fort à propos sur le corps, la sexualité, la jeunesse et l'âge adulte, le rapport à l'autorité, en faisant au total une œuvre efficace, très agréable et juste.

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