mercredi 19 décembre 2012

"Télé Gaucho", Michel Leclerc

Oh, qu'elle était longue, l'attente ; qu'elles étaient élevées, les espérances, pour ce nouveau film de Michel Leclerc, après le fabuleux "Le Nom des Gens", qui aujourd'hui encore détient le prix Assurément de la seule comédie française vraiment drôle (et désormais connue par cœur en intégralité par le propriétaire des lieux, beaucoup en témoigneront... "mais sept tourteaux, ça fait combien de crevettes ?"), en plus d'être merveilleuse sur le fond. Il allait être difficile de ne pas faire trop de comparaison, voire de ne pas être automatiquement déçu, face à cet opus dont le thème politique-comique semblait proche du prédécesseur, puisqu'il traite d'une chaîne de télévision libre, tenue par des gauchistes convaincus, qui souhaitent dénoncer, amuser et révolter.


Mais Michel Leclerc semble prendre le contre-pied de ces attentes. Malgré une promotion axée sur l'aspect comique (comme ça avait été le cas pour "Le Nom des Gens", le réel intérêt du film étant peu reproductible dans ce genre d'exercice marketting), celui-ci est en fait moins présent que prévu. Bien entendu, on plonge avec délice dans ces années 90 surannées, et on suit avec grand plaisir la bande de comparses bigarrés, centrée sur Félix Moati, en attachant jeune premier plein d'idéaux, Eric Elmosnino en chef réac empli de contradictions, Maïwenn, insupportable (et pour toujours grillée), et l'inévitable Sara Forestier, dans un rôle sensiblement copié-collé sur celui de l'inoubliable Bahia Benmahmoud, et qui représente là le seul vrai lien avec "Le Nom des Gens". Parce que hormis la présence de ce personnage 2.0, encore une fois aussi absurde qu'hilarant, la comédie en elle-même est évacuée : par moments, elle n'est pas à l'ordre du jour ; le reste du temps, elle ne fonctionne pas vraiment, manquant de la finesse et de la folie qui caractérisaient "Le Nom des Gens", que j'ai déjà cité trois fois malgré ma promesse de ne pas faire trop de comparaisons.

Ceci dit, en réalité, cette omission de la comédie n'est pas si grave qu'elle aurait pu l'être. C'est même la force de "Télé Gaucho" : il attire par le rire mais se fait considérablement plus sérieux que prévu. Il préfère dresser le portrait touchant de personnages aussi motivés que perdus : Clara "aime bien faire les choses, mais les choses, elles aiment pas être faites par [elle]", Yasmina rêve à un monde meilleur avec une hargne qui l'isolera, Jean-Lou n'arrivera jamais à forger de but à ses actions, tandis que Patricia Gabriel (Emmanuelle Béart, mauvaise) embrasse un système qu'elle ne cautionne pas.


Les volontés se croisent dans une anarchie acclamée, les coups d'éclat pétaradent, l'engagement se vit à chaque seconde, le partage qui se veut impeccable se fait difficile. Le schéma général du film, qui s'engage lui-même en faisant passer des messages sur l'actualité (le pacs détruirait la famille, tiens donc...), correspond à cette effervescence de chaque instant. Et quand tout est allé trop loin, "Télé Gaucho" parvient à se recentrer avec grâce sur un constat émouvant, qui fait de cette comédie engagée attendue, un engagement comiquement inattendu.


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