vendredi 28 décembre 2012

"Les Bêtes Du Sud Sauvage" ("Beasts Of The Southern Wild"), Benh Zeitlin

La voilà donc, la bonne surprise de cette fin d'année. Si vous allez au cinéma, allez donc jeter un œil sur ce film, spectaculaire à sa manière, inédit, inénarrable.


"Once, there was a Hushpuppy, and she lived with her daddy in the Bathtub." Il est difficile de résumer l'histoire de "Beasts of the Southern Wild". La première chose que l'on pourrait dire, c'est que c'est celle de Hushpuppy, avant toute chose : une petite de six ans, incarnée par l'incroyablement intense Quvenzhané Wallis, alors qu'elle est mise, pour le dire grossièrement, face à son destin. On suit ses doutes, ses choix, ses craintes et ses croyances sans que jamais ce ne soit niais, simpliste ou solennel. Au contraire, c'est tout le film qui s'adapte à ce point de vue : filmé à juste hauteur, il aide à entrer dans l'esprit de la protagoniste avec une aisance inouïe. La petite fille vit dans "the Bathtub", un bassin où une communauté a toujours vécu et a construit ses maisons et sa vie de bric et de broc, mais aujourd'hui condamné par les autorités à être évacué pour causes sanitaires. Au-delà de la résonance politique, l'enjeu est avant tout frappant par le point de vue de Hushpuppy, partagée entre la peur, l'incompréhension, l'envie de bien faire et la simplicité. La réalisation aussi humble que magnifique sublime une œuvre désarmante de puissance et de sincérité.


Ainsi le premier long-métrage de Zeitlin réussit, avec un petit budget qui le confine à des trucages aussi précaires que génialement réussis, à être spectaculaire. Aussi spectaculaire qu'un blockbuster. Plus spectaculaire, même. En fait, le film est produit avec la grâce et la classe des plus grands, mais conserve un regard intimement indépendant sur son thème. Il parvient à allier des moments d'une ampleur dramatique considérable, à des instants d'une poésie inédite, parfois aux mêmes moments, avec bien sûr cette inclusion des aurochs, animaux imaginés par Hushpuppy et symboles de tout ce qui est mauvais dans la vie : de la tempête à la maladie de son père, en passant par les doutes sur la longévité du bassin. Il y a là tout un hommage à une communauté dont d'autres décident de la vie sans en demander l'avis, il y a là la puissance effrayante de l'imagination infantile et la belle tristesse des chagrins d'adulte. Il y a là l'enfance, la maturation et pourtant l'enfance encore. Il y a là l'amour, la beauté, l'absence, le bonheur.


Il est en fait difficile de parler des "Bêtes du Sud Sauvage", parce que c'est un film qui surprend. Avant de la voir, difficile de savoir s'il sera très produit ou très indé, s'il parlera de son sujet avec pathos ou méticulosité, s'il saura trouver sa voie. En réalité, il évite toutes les erreurs et remporte tout. Il cloue au fauteuil comme peu de films parviennent encore à le faire, il réquisitionne toute l'attention, ne laissant que l'unique pensée qu'on est en train d'être témoin de quelque chose de très, très beau. On est devant un chef-d’œuvre et on ne saura pas expliquer pourquoi.

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