"Wrong" est ce genre de film qu'on ne peut pas résumer. Ainsi suis-je allé le voir, toujours en bonne compagnie, les yeux fermés, sous les bons conseils de Fifi Brindacier. Et je n'arriverai pas à vous raconter mieux qu'elle de quoi ce film parle : "C'est l'histoire d'un mec qui perd son chien... et après, c'est le bordel.". Ne restait donc à savoir que s'il s'agirait d'un bordel apocalyptique, épileptique ou magnifique.
Et, à vrai dire, c'est un peu de tout ça, bien évidemment. Prenons donc Dolph, interprété par Jack Plotnick, et qui semble un Américain tout à fait normal dans une maison américaine d'une rue américaine d'une ville américaine. Vous l'aurez compris, le film se fait quelque peu américanophile, mais en tire une esthétique qui n'est pas pour déplaire. Dolph perd son très cher chien - jusque là, je me répète et vous suivez. Ensuite, attention, ça se complique : cette disparition canine serait une grande conspiration qui aurait mal tourné ; le jardinier, l'inattendu Eric Judor (d'Eric & Ramzy), travaillera jusqu'à sa mort, ou peut-être pas, ou peut-être que si ; la livreuse de pizza tombe un peu trop amoureuse de Dolph quand il passe commande ; et les collègues de Dolph ont du mal à comprendre pourquoi il revient dans le bureau pluvieux trois mois après son licenciement. Pour résumer, parce que l'on est téméraire chez Assurément, c'est un florilège d'humour absurde que Dupieux nous présente pour ce long-métrage sans queue ni tête. Pari difficile...
Et pourtant plutôt tenu. Les dialogues sont ciselés à la perfection, rendant délicieuse chaque interaction entre les personnages farfelus : les mots qu'il prononce semblent aussi hallucinants qu'hallucinés, d'une drôlerie bizarre, d'une bizarrerie drôle. Les petites pépites d'idées surréalistes sont innombrables et émaillent cette histoire résolument "WTF" (comme disent les jeunes). On suit donc en souriant ces événements aléatoires qui s'enchaînent, régis par le hasard et le manque d'explication, dans un environnement lumineux, clairs et précis. L'absurde à la Ionesco s'immisce aussi bien sûr dans les accessoires, les décors, ce qui n'empêche pas les plans d'être d'un esthétisme soigné où, pour l'heure, rien n'est laissé au hasard. C'est d'ailleurs ce décalage étonnant qui fait toute la saveur du film : une réalisation léchée, emplie de plans réfléchis, maîtrisés et savamment dessinés, contraste avec un scénario volontairement chaotique.
Ah, ce qu'on aurait aimé que derrière ce scénario se cache un travail de recherche aussi poussé que pour la forme ! Car si "Wrong" ne s'était pas reposé (caché ?) derrière un absurde assumé, si Dupieux ne répétait pas à qui veut l'entendre qu'il aime que l'art surgisse de nulle part, au milieu du hasard, si on touchait là à un absurde à la Lewis Carroll, mystérieux, épais mais porteur de sens, alors ce film serait un chef d’œuvre. Au lieu de cela, on finit par s'ennuyer un peu face à tous ces moments, certes drôles et inattendus, mais qui prennent surtout un tournant de facilité ; à force de mettre un point d'honneur à ne rien vouloir dire, on finit par n'avoir pas grand-chose à dire. Ne reste que le mérite d'avoir créé quelque chose, quelque chose qui ne ressemble à rien d'autre.
<3
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