Ou l'échappée bromantique. Deux amis de toujours, désormais presque trentenaires, décident de quitter leur vie ardennaise monocorde pour réaliser leur rêve adolescent et partir à l'aventure sur les routes, là où bon les mènera; mais un imprévu les immobilise après seulement quelques kilomètres de voyage. Ils se retrouvent coincés là, à attendre d'amasser assez d'argent pour les réparations, juste à côté de la maison et pourtant déjà en voyage.
C'est sur ce mouvement, ou cette absence de mouvement, que tout le dynamisme du film, de ses personnages et de son scénario se construit. Les questions qu'il pose sont intéressantes et traitées avec goût : quand est-on parti ? Qu'est-ce qu'être parti ? Est-on parti quand on le décide ou doit-on être loin ? Les parents de Julien et Simon, interprétés notamment par les plus vrais que nature Claudine Pelletier et Jean-Luc Bonnaire, ont peine à prendre ce voyage au sérieux quand la première escale de leurs enfants, à durée indéterminée qui plus est, se fait tout près du domicile parental à peine quitté. De leur côté, pour Julien et Simon, il n'y a pas de doute à avoir : ils sont déjà sur la route... juste retardés. Et c'est ainsi que l'aspect quasi-universel que comporte leur projet, qui a effleuré l'esprit de la plupart des spectateurs, n'en devient pas agaçant comme dans son aîné "Into the Wild", dont presque chaque membre du public se pâmait d'avoir lui-même failli entreprendre un tel voyage : dans "Mobile Home", c'est la vie qui rattrape les deux amis avant qu'ils n'aient pu l'effectuer réellement, eux aussi. Et pendant tout le film, on attendra avec eux que le trajet reprenne, que le rêve se réalise.
Mais évidemment, le voyage ne sera pas géographique mais avant tout mental et sentimental. Les obligations de cette pause involontaire résonneront avec les conflits que les protagonistes tentaient de fuir, ses occasions rendront plus clairs les objectifs qu'ils prévoyaient de se laisser se définir eux-mêmes. Alors, le film semble dire : le voyage est avant tout dans l'état d'esprit. Si cette sorte de morale n'est pas surprenante, ni révolutionnaire, elle est illustrée ici avec une sincérité et une authenticité bouleversantes. On ne peut pas en dire autant de la conclusion du film, aussi prévisible que décevante. Celle-ci, par son hésitation balbutiante, semble presque résumer le road-trip en une rien de plus qu'une fugue adulescente, en faisant presque une preuve d'immaturité là où on le rêvait quête spirituelle, par opposition à un sédentarisme adulte et salvateur. Le tout tient dans la caractérisation assez fine des personnages : d'un côté, le fougueux Simon, artiste, irresponsable et agité, interprété par avec honnêteté par Arthur Dupont ; de l'autre, Julien, rêveur, plus sensible mais aussi plus serein, joué par une autre étoile montante du cinéma francophone, le touchant Guillaume Gouix. Les deux acteurs forment un duo entraînant grâce à un jeu, si ce n'est parfait, très naturel.
C'est d'ailleurs le maître-mot du long-métrage, dans tous les sens du terme. Un profond réalisme secoue le film, dans les contradictions de ses personnages, dans la praticité des situations, dans la jovialité de son humour, dans la vérité des relations. Et le tout se déroule dans l'environnement champêtre des Ardennes Belges, qui semble centrer toute le processus de réalisation de François Pirot, à la fois humble et réfléchie, faisant de son ouvrage un bel objet, sans jamais courir après un esthétisme, mais en mettant en valeur la beauté des décors pour desservir l'histoire, et la servir sur un plateau, avec toute la spontanéité simple qui représente le film. Peut-être est-ce en l'honneur de ce cadre bucolique que le récit se conclue de façon plus casanière que l'on aurait aimé.
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