J'ai regardé "Bref". Tous les épisodes pendant mon goûter. Je pense avoir plus de choses à dire sur les tartines au Nutella incriminées, mais je vais faire confiance à mon invincible tendance à la logorrhée et plutôt me diriger vers le sujet qui apparemment est le plus hype de la rentrée. D'ailleurs, est-ce qu'on dit "hype" cette année ? Excusez-moi, je travaille beaucoup en ce moment, j'ai peu de temps pour me mettre au courant sur ce genre de sujets.
Cela ne m'a pas empêché d'entendre parler partout du PHÉNOMÈNE "BREF". Celui qui est décrit comme étant LA SÉRIE FRANÇAISE IMMANQUABLE DE LA RENTRÉE. (Je pense que les majuscules ont servi leur propos, je vais arrêter là parce que je ne veux pas vous faire fuir, mais imaginez l'emphase sur les termes qui suivent). Celle qu'il ne fallait surtout pas rater, que t'étais trop un raté d'ailleurs si tu la ratais, parce que c'était trop bien, genre l'an dernier c'était le Petit Journal, maintenant le Petit Journal depuis qu'il a pris son indépendance c'est devenu chiant, et maintenant ce dont on parle c'est "Bref". (Maintenant arrêtez d'imaginer l'emphase. Étrangement, ça a été très difficile pour moi de ne pas user desdites majuscules. Je pense que je suis emphatique par définition.)
"Bref", qu'est-ce que c'est ? C'est une nouvelle série de Canal Plus, qui dure moins de deux minutes, qui a lieu tous les jours, qui raconte la vie d'un gars "comme tout le monde" (enfin j'imagine que c'est ça le but), dans des situations quotidiennes mais amusantes (enfin j'imagine que c'est ça le but), et qui a déjà plus de 300 000 fans sur Facebook qui exaltent la toute-puissance de cette série trop lol (enfin j'imagine que c'est ça le but).
Je suis curieux et je n'avais rien à regarder pendant mon goûter. (Retour à la situation initiale : mon article est super construit.) Je me suis enfilé tous les courts épisodes de "Bref". (Oui, car il y a là une mise en abyme : la série s'appelle "Bref" et elle est brève. Premier lol.). Rassurez-vous, il n'y en a pas beaucoup. Mais moi aussi je voulais être super hype et pouvoir en parler lors des dîners mondains à grand renfort d'éclat de rire et de "Et t'as vu celui où..." (bien que ce type de phrase devrait être réservé aux épisodes de Friends qui auraient dû déposer un copyright, mais bref. ("Bref" est aussi un mot que les jeunes utilisent constamment : deuxième lol.)) Je partais donc plein de bonne volonté, vous en conviendrez.
Et pourtant, je n'ai pas réussi. Même avec tous les efforts du monde (parce que, croyez-le ou non, globalement, je préfère réussir à aimer les choses que réussir à les détester, c'est quand même plus kikoo et plus positif et plus bisounours. Et moi j'aime bien les kikoo bisounours positifs.), je n'ai vu qu'un ramassis touillé des produits marketing suivants :
- "Reprenons "Norman fait des vidéos", ça marche super bien ! Le concept, un mec, genre le anti-héros de base, tu vois, comme ça les gens peuvent s'identifier super facilement, qui parle de choses de la vie de tous les jours avec humour, dans le but que le spectateur se dise "haha lol ouais c'est trop vrai tmtc"."
- "Il faut aussi une réalisation super dynamique, avec des effets à la Gondry ou à la Webb, de petites séquences comiques super rapides relatant des situations loufoques souvent imaginées par le personnage. Ca marche super bien."
- "Forcément il faut la blinde de références geek, à la The Big Bang Theory, genre là on n'a qu'à lui mettre un T-shirt avec les noms des bédébloggueurs les plus influents !"
- "Tellement de bonnes idées, ma tête est en feu, je propose qu'on arrête là la réunion, la première partie "donnons au peuple ce qu'il connaît déjà dans un paquet nouveau et il n'y verra que du feu" était efficace, zappons la deuxième partie "originalité", ça risquerait de faire contre-effet."
Je passe rapidement sur l'humour. C'est subjectif me dira-t-on. N'empêche que je me considère comme une personne super drôle et enthousiaste, vous en conviendrez sûrement - et pourtant, là, j'ai dû esquisser deux sourires en plusieurs épisodes.
La question qui se pose alors, face à mon incapacité à suivre mes congénères vers la route du nouveau hype comique, est la suivante : SUIS-JE MORT A L’INTÉRIEUR ?
Suis-je vraiment devenu un PIFBP ? Rappel pour les vilains qui ne lisent pas ce super blog en entier : c'est un acronyme signifiant "Pseudo-Intellectuel Futur-Bobo Pédé", me désignant donc dans ma snob intégralité. J'aurais pu rajouter "de Gauche", mais ça aurait fait long (déjà que c'est pas trop prononçable comme acronyme), et puis, un bobo de droite, ça existe pas trop, si ? Dans tous les cas, je suis sûr que les débordements compétitifs du PS, les déclarations de Marine Le Pen (kikoo les fachos) et l'exposition médiatique de l'accouchement oh-si-pratiquement-synchronisé de Carla Bruni me donneront moult matière pour vous parler tout en sous-entendant mes valeurs de sale socialo. Là n'est pas la question.
La question est la suivante : à force de se focaliser presque exclusivement sur les mécanismes d'écriture, de réalisation, de jeu et compagnie, dans le but d'émettre une critique correcte, devient-on incapable d'apprécier les choses pour ce qu'elles sont, comme diraient beaucoup de personnes de ma connaissance, "sans se prendre la tête" ? Suis-je devenu un critique au cœur sec, qui réclame la perfection à tous les niveaux et rien d'autre, qui sur-analyse tout avant de laisser passer les sentiments, et qui, à terme, n'aimera rien (à part moi, faut pas déconner) ?
Je ne pense pas.
A vrai dire, je suis plutôt content d’aiguiser mon œil et de me consacrer aux ficelles. Et tant que je n'arrive pas à me résoudre à effacer les quelques chansons de Tatu de mon ordinateur, que je suis capable de regarder les premières saisons de "Torchwood", et que je continue à défendre un peu "7" de Zazie, je me dis que j'ai encore de la marge.
Alors voilà : je trouve que "Bref" est un produit marketing qui n'invente rien.
Par ailleurs, PIFBP est un terme de mon invention, créé pour établir une sorte d' "Univers Assurément" qui puisse s'auto-référencer, que vous chers dix lecteurs vous sentiez partie intégrante d'une communauté vibrante, et qu'au final je puisse accéder au pouvoir, à la célébrité et au jet privé. Donc, en soi, suis-je vraiment différent des producteurs de la série que je critique ?
... Bref.
Hmmm... Pour répondre à ta question,tu n'es pas un PIFBP tu es un PIBP =D
RépondreSupprimerEt je ne pense pas que tu aies besoin d'avoir la perfection pour aimer mais tu recherches la perfection partout, dans le sens où tu décortiques tous les éléments afin d'y trouver les défauts, et donc tu es moins enclin à apprécier les choses pour ce qu'elles sont, à te laisser porter. On peut aimer un film qui n'a pas des plans parfaits si ça t'emporte quelque part le temps d'1H30.
A te lire, ce n'est pas une détente d'aller au cinéma, d'écouter un cd ou de regarder une série. Moi je trouve ça dommage. Dommage que ca devienne si compliqué d'apprécier quelque chose.
Mais ca fait plusieurs années que je défends ce point de vue et toi le tien, chacun son truc. Moi je trouve le divertissement dans le lacher prise, c'est tout.
Bon, je voulais juste faire ma blague sur cet acronyme et me voilà à faire un roman.
Ta blague sur l'acronyme je l'ai pas comprise au début. J'ai cru que tu avais retiré le "P" de "Pédé". Je me voyais déjà obligé de te fournir des preuves de mon homosexualité. C'eût pu devenir gênant pour tout le monde. Le vrai problème, c'est que je ne maîtrise pas mes acronymes, et ça c'est vraiment triste. Par ailleurs je me sens trop jeune pour être un bobo affirmé : j'ai pas assez de sous pour avoir l'appartement type du bobo, et les vacances, et les gadgets. Pour l'instant je me limite à studio, Ikéa, Paris et cadeaux Nesquick. Mais ça viendra, t'inquiète.
RépondreSupprimerJe pense que je trouve le lâcher-prise, dans ce que j'aurais tendance à appeler "l'art accompli". C'est dû au fait que je surestime l'art et que je le vois partout - par exemple pour moi une série c'est artistique, ou c'est censé l'être. Alors quand ça ne suit pas cette ambition, ça me dérange. Les premières saisons de "True Blood" m'emportaient par leur univers, celles de "Dexter" par leur réalisation, celles de "Grey's Anatomy" par leurs dialogues, "Buffy" par ses personnages, etc. etc. Et quand "True Blood" rejoint l'univers de "Charmed", quand les joutes verbales de "Grey's Anatomy" deviennent plates comme de l'eau de source, ça me dérange.
Si je trouve ça simplement divertissant, je trouve que ça passe, et c'est une détente, crois-moi ; je ne trouve juste pas que ça mérite d'éloge. J'ai quand même regardé deux ou trois saisons de "Gossip Girl", les trois premières saisons de "Private Practice", les deux de "Glee", etc. Je trouvais ça divertissant, ça me détendait ; mais en même temps l'énorme gâchis que ça constituait me frustrait.
Là j'ai décidé de les arrêter, parce que je pense que mon temps sera mieux occupé à la lecture ou au cinéma, là où je peux me détendre tout en observant de l'art en puissance. Compromis. Vlà.
Moi je trouve que mise à part tout le tapage résal-social qui entoure cette nouvelle chose (qui se veut résolument web, un format et une réalisation pareil ça trompe pas. On peut le regarder en moins de 2 minutes ce qui est tout à fait idéal pour se distraire sans avoir l'air de perdre son temps.), c'est très bien fait! J'admire ce travail, car c'est très difficile de faire quelque chose de dynamique/drôle/compréhensible et moins de 2 minutes comme ça. Mais ça n'a rien d'une démarche artistique, le but étant simplement de faire du buzz.
RépondreSupprimerCe qui me donne la gerbe c'est enfait, comme tu dis, le concept de prendre des choses de la vie quotidienne et de faire comme si on a inventé la roue. (C'EST TEEEELLEMENT VRAI CE QU'IL DIT!!! INCROYABLE) Gad Elmaleh (et tant d'autres) est déjà passé par là et ça m'a foutu les boules de penser à quel point tout le monde trouvait ça révolutionnaire.
Et au fond ce qui me fout GRAVEMENT les boules, c'est de penser que des gens tout à fait idiots/non-cultivés/ignares-d'une-certaine-culture-geek puissent trouver ça magnifique alors qu'ils n'ont aucune idée de ce qu'ils ont sous les yeux.
C'est à ce moment que mon côté totalement snob et égocentrique ressort ma foi...
(et je peux constater qu'en bonne tranche que tu es, tu manges des tartines pour le goûter, c'est bien.)