Le Festival de la Côte d'Opale est assurément (!) un bienfait pour la région. Porté par un organisateur compétent et cultivé, il est toujours programmé avec goût, jusqu'à l'association des chanteurs pour les soirées. Cette soirée "très anglo-saxonne" en a encore été la preuve.
Cela ne partait pas forcément bien, surtout à cause du lieu : le Palais des sports. Soupir. Pourquoi le monde s'entête-t-il à faire de la musique dans des endroits adaptés à des activités bien moins artistiques ? Sans surprise, l'acoustique y était très mauvaise ; même si beaucoup de gens ont trouvé que le son avait été bien géré, surtout à nos bonnes places, en ce qui me concerne, c'est peut-être le concert où mes oreilles ont le plus souffert, sans aucun rapport avec la qualité de la musique. Et, en terme de lieu, bon, Desvres, on a vu plus glamour, je pense à la pauvre Keren Ann qui, en transit entre sa tournée américaine et Tel Aviv, arrive dans ce bled paumé... Mais bon. Faisons vivre la Côte d'Opale. Youpi.
La première partie s'appelait donc Lail Arad. Toute jeune chanteuse londonienne, elle était très impressionnée de jouer en France, en première partie de Keren Ann : toute intimidée, elle était d'autant plus touchante. Malgré cela et le public froid et mou comme un yaourt périmé, elle faisait de son mieux pour communiquer avec lui, dans un français approximatif mais adorable, expliquant souvent le sens ou l'origine de ses chansons. Accompagnée de deux charmants musiciens, elle a posé une musique parfois un peu simple mais souvent inventive, avec nombre petits instruments originaux. Sa voix claire, juste et chaude, malgré un manque d'expérience et d'affinement, rappelle beaucoup la talentueuse Regina Spektor. Ses chansons enfin regorgent de phrases bouleversantes de sincérité, leur compréhension étant facilitée par une diction impeccable. Ainsi, cette première partie fut une bonne surprise, au point que j'ai acheté le CD tout de suite après : Lail Arad était là, très touchée, pour dédicacer les exemplaires. J'espère qu'elle aura une carrière suffisamment longue pour pouvoir déployer entièrement son potentiel et affirmer davantage son identité scénique et musicale. En attendant, sa musique légère et ses paroles profondes m'ont satisfait !
En attendant, on a pu voir les trois premiers rangs "réservés" se remplir partiellement de personnes âgées sur leur trente-et-un... Assis au quatrième rang, face au micro, nous espérions qu'ils renverraient à Keren Ann une image suffisamment dynamique - il n'en fut rien, évidemment. Pour ma part, j'ai croisé Keren Ann à côté des toilettes, elle a souri à mon air interloqué. Elle portait une jolie robe noire avec des bottes assorties, et ses cheveux avaient, Dieu merci, retrouvé leur brun naturel sous un chapeau blanc.
Le compte à rebours commence, à partir de 101, nom du dernier album, par la chanson éponyme qui décompte, jusqu'à "1... God". C'est à se demander si Keren Ann se veut divine sur sa première apparition, pour l'excellente chanson "Strange Weather", plus rock que sur l'album mais toujours aussi bouleversante, peut-être même trop pour une ouverture de concert. S'enchaînent alors trois autres chansons très rock, avec un son trop fort dans cette salle inadaptée : c'est parfois plus désagréable qu'autre chose, et si j'ai apprécié le retour de "It ain't no crime", j'ai trouvé que la réorchestration plus complexe la desservait plus qu'autre chose, une simple voix-guitare électrique aurait été largement préférable.
Mais heureusement, après ces quatre chansons, Keren Ann reprend ce qui lui va le mieux : des chansons plus douces, plus intimistes, alternées avec plus de parcimonie avec des chansons plus dynamiques. Je comprends son envie d'expérimenter dans le rock mais sa maîtrise des morceaux doux est telle qu'il ne faudrait tout de même pas s'en priver... C'est donc de merveilleux moments qui ont lieu, notamment sur les chansons plus anciennes, réorchestrées avec beaucoup de goût : c'est le cas de "You and I", "Sailor & Widow", la superbe "Lay your head down", et la tout aussi incontournable que touchante "Not going anywhere". Les chansons du dernier album, efficaces et jolies, ne sont pas trop en reste : la réussite totale de "All the beautiful girls", qui ne m'intéressait pas plus que ça en version studio, ou encore "You were on fire" et "Blood on my hands". J'aurais aimé y voir "Song from a tour bus", mais globalement, j'ai trouvé que le choix des chansons, si leur ordre laissait à désirer, était très bien pensé.
Cependant, la communication avec le public n'est vraiment pas le fort de la chanteuse ; elle donne ainsi une fausse image d'elle : froide, détachée, presque hautaine, qui peine à plaire au public déjà bien trop sage. Heureusement, une excellente réinstrumentation de "My name is trouble" permet de remuer tout ça, aidée aussi par une bluffante reprise d'Alain Bashung ("Je fume pour oublier que tu bois") et même une chanson en français du deuxième album : "Le chien d'avant-garde", qui a fait regretter que Keren Ann n'ait pas davantage exploité ses premiers albums...
Les musiciens (dont Nicolas Fiszmann, aussi musicien de Zazie et Clarika), un peu en retrait mais complices, ne se sont pas imposés face à la belle, toujours affublée d'une guitare, sèche ou électrique, qu'elle maîtrise mieux encore que ce à quoi je m'attendais. Mais, malgré une voix un tout petit peu enrouée, c'est peut-être encore en improvisation a capella que le charme passe le mieux...
C'est donc un bon concert, malgré une salle inadaptée remplie de gens peu motivés qui peineront à communiquer avec la chanteuse, que présente Keren Ann, talentueuse et radieuse. Son concert, bien ficelé, défile tout seul, bien avant d'avoir le temps de compter jusqu'à 101.
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