Oh non... Encore un biopic ! Pourtant celui-ci attire, puisqu'il se consacre à la célèbre Margaret Thatcher, avec la plus-protéiforme-que-moi-tu-meurs Meryl Streep dans le rôle principal.
Du biopic et de ses pièges. Déjà, on commence avec une Meryl Streep (très bien) vieillie : ça sent l'histoire qui suit deux époques temporelles à la fois. Soupir. En fait, "La Dame de Fer" suivra la vieille Thatcher, démente et isolée, pendant quelques jours durant lesquels elle se remémore, en grande partie à cause de la maladie neurologique, sa jeunesse et sa carrière. Le premier problème réside dans les choix qui sont dès lors faits. On ne nous montrera que très peu son ascension au pouvoir, passant directement de fille de l'épicier du coin à membre éminent du Parti Conservateur, alors que sa distinction de première femme Prime Minister appelait sans doute à la révélation de cette histoire, et même si l'assez décevante performance d'Alexandra Roach, qui interprète la jeune Thatcher, peut rassurer quant à ce choix.
De la même manière, on s'attardera très peu sur le côté politique de la chose : les choix économiques et sociaux de la Prime Minister seront faiblement exhibés, y préférant les réactions de la population. A la place de parcourir le règne politique de la Prime Minister qui aura le plus longtemps occupé ce poste, le film se concentrera sur deux ou trois événements-phares de sa carrière : alors, la reconstitution historique fonctionne et l'intérêt est au rendez-vous aussi, mais avec toujours cet arrière-goût que l'on ne fait que nous montrer la partie visible de l'iceberg. La répétition de ce procédé, navigant à travers les changements de l'opinion publique concernant Thatcher, renforcera cette impression de morceaux choisis détruisant la supposée chronologie. Et on ressortira du cinéma sans qu'on nous ait vraiment démontré pourquoi Thatcher avait mérité son surnom de "Dame de Fer".
Mais si le long-métrage a aussi peu de temps à consacrer à l'ensemble de la carrière passée de son personnage, c'est aussi parce qu'il se focalise grandement sur la vie "actuelle" supposée. Et l'on se retrouve devant l'histoire tristement banale d'une femme âgée qui perd la tête et doit apprendre à se séparer de sa vie d'avant tout en faisant le deuil de son mari. Un récit certes émouvant et efficace à sa manière, mais certainement pas ce qu'on recherche dans un film biographique sur un personnage aussi important. Heureusement, le tout est porté à bout de bras par la performance de Meryl Streep, toujours aussi bluffante. Le genre d'actrice qu'on ne présente plus et dont on sait par avance qu'elle sera brillante dans n'importe quel rôle que ce soit. Il est passionnant de la voir se réinventer corporellement à chaque film, en retrouvant des bribes parfois (elle m'a paradoxalement parfois rappelé son intervention dans "Julie & Julia"), mais en ne pouvant qu'acclamer une telle régénération parfaite.
En somme, "La Dame de Fer" pêche par ses mauvais choix en se limitant de façon très regrettable, là où il y avait tant à raconter. Cependant, malgré ce potentiel didactique raté, reste l'occasion de passer un bon moment : l'ennui n'a pas vraiment le temps de s'installer tandis que la reconstitution historique et les personnages secondaires, notamment ceux interprétés par les brillants Anthony Head et Jim Broadbent, maintiennent un bon niveau. La réalisation, quant à elle, est adaptée et dynamique : elle oscille avec aisance entre les codes d'aujourd'hui et ceux de l'époque représentée, et certaines scènes qu'elle dépeint atteignent une certaine intensité, à la fois dans le passé (les rares occasions où l'on sent que le sexe et les origines de Thatcher lui sont des freins) et dans le présent (le deuil progressif et la maladie de Thatcher). Ainsi, le film reste relativement intéressant ; mais on peine à fermer les yeux sur le fait qu'il aurait pu l'être cent fois plus.
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