jeudi 1 mars 2012

"En Secret", Maryam Keshavarz

"En Secret" se passe en Iran, où deux jeunes filles essaient de vivre leur jeunesse et d'exprimer leur amour dans un pays où l'objet des rébellions adolescentes est tout trouvé.


Le film a donc beaucoup de chats à fouetter : entre le drame social, la critique politique, le rapport national, le portrait de femmes, les thèmes de la famille, de la rébellion, à la fois adolescente et sociétale, de l'homosexualité féminine, qui plus est dans un tel contexte, il y avait de quoi se perdre en route. C'est malheureusement ce qui se passe dans ce film, dépassé par sa propre ambition. Comme souvent dans cette situation, le film finit par effleurer tous les sujets sans jamais vraiment avoir le temps de les approfondir. Ainsi, la critique ne sera jamais vraiment formulée, l'histoire d'amour jamais vraiment racontée, le drame jamais vraiment cerné. A ce titre, le sujet du lesbianisme en Iran n'est pas vraiment développé, celui de la répression par la police des mœurs non plus, et pas plus pour l'intégrisme, la religion, l'adolescence... Le film aura certes le mérite de mettre sur le tapis tous ces sujets assez tabous, brisant un peu cette triste glace orientale. Mais arrivé là, il a de la peine à se définir, et le spectateur lui-même, en ressortant de la salle de cinéma, ne sait pas s'il a vu un film d'amour, de répression ou de drame familial. Il sait juste qu'il n'a pas vu un film qui serait parvenu à réunir tout cela, et ce surtout à cause d'une fin assez bâclée qui peine à nouer toutes les ficelles.

Non, en réalité, "En secret" serait plutôt un instantané de la situation des adolescentes musulmanes en Iran. Ainsi, il vogue entre tous les thèmes évoqués, se rebelle mornement, s'émeut rapidement, avance comme il peut. Mais le chemin qu'il parcourt de façon si erratique est loin d'être dénué d'intérêt. Grâce à une réalisation soignée notamment, qui joue avec les couleurs entre chaude sensualité amoureuse et froideur de répression, on se plaît à découvrir l'Iran entre le jour et la nuit. Les très bonnes comédiennes, l'effrontée Nikohl Boosheri et la magnifique Sarah Kazemy, suivent avec aisance les changements de leurs personnages : à la fois circadiens, entre fille de famille le jour et femme fatale la nuit, et chronologiques, d'adolescentes insouciantes à femmes brisées. Ces lumineux personnages d'Afeteh et Shirin font de l'ombre à celui de Mehran, campé par Reza Sixo Safai, personnage qui peine à convaincre tant il est caricatural et peu nuancé, et tant ses actions manquent de vrai fondement. L'action de cet intégriste arrive effectivement comme un cheveu sur la soupe, et se resserre immédiatement autour des jeunes filles et étouffe leur relation, à la fois dans l'histoire comme dans la narration, où elle n'est que trop peu dépeinte.

En conclusion, "En Secret" sonne comme un témoignage. A ce titre, il est souvent imprécis dans son propos et s'éparpille entre mille expériences de vie synchrones mais différentes. Cependant, il garde sa force en tant que point de vue éclairé sur le monde, et sur un monde dont son public sait encore trop peu de choses. Et c'est pourquoi malgré ses maladresses, sa voix résonne comme un message universel, joliment délivré au milieu même des douces odeurs iraniennes.

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