jeudi 21 mars 2013

"Girls", saisons 1 & 2, Lena Dunham


C'est compliqué, de parler de "Girls". Parce que bon, je vais inévitablement finir par la décrire de la seule façon possible : "Alors ouais en fait ça parle de quatre filles vingtenaires à New York qui vivent leurs vies, quoi." "Ah ouais un peu comme "Sex & the City" ?" "Ouais, c'est un peu comme "Sex & the City" en plus jeune, mais enfin non, pas vraiment, parce que c'est super réaliste, en vrai, et donc c'est complètement différent." "Ouais mais moi j'aime pas trop "Sex & the City", alors que toi ouais, tu vois, donc ça va pas me plaire." "Non mais enfin il faut le voir pour le croire, quoi". Ah, comme je déteste devoir parler de quelque chose qui est super cool mais qui ne sonne pas cool quand on en parle. C'est comme "Buffy" et "Doctor Who" : je sais que ça paraît nul quand j'en parle, mais là, il faut que tu me fasses confiance, il faut que tu goûtes, au moins.


"Girls", c'est avant toute chose Lena Dunham. Lena Dunham, c'est celle qui a créé la série, qui en écrit les scénarios et les dialogues, qui réalise les épisodes et qui interprète le rôle principal. Il n'est pas bien difficile de se douter que les récits de sa série sont largement inspirés de sa propre vie newyorkaise, et elle ne le nie jamais. Dès lors, on comprend mieux son personnage, Hannah, elle aussi auteur, et qui n'a qu'une obsession : trouver sa voix. Dunham, quant à elle, peut se rassurer : en composant "Girls" de toute pièce, avec un soin et une intelligence peu communs, elle porte fièrement, si ce n'est "la voix de sa génération", au moins "une voix d'une génération", comme elle le glisse dans son brillant pilote. Et le parallèle qui s'étend alors entre la rédaction de "Girls" par Lena et celle des essais de Hannah offre une réflexion passionnante sur l'acte d'écriture, comme art, contrainte et façon de vivre.


Parce que sa série marquera d'abord par son réalisme - tout au moins au début. Au petit écran, on n'est malheureusement pas habitué à voir des physiques grassouillets comme celui de Dunham, très souvent nue. C'est, semble-t-il, ce qui plaira aussi au public : enfin, on arrête de faire croire que les filles normales sont forcément toutes mannequins. Et la beauté des autres actrices sera assumée, elle ne sera jamais présentée comme la norme, et parfois même décriée, comme dans le dernier épisode en date où Hannah, en proie à l'angoisse, qualifie sa meilleure amie de "that anorexic Marnie". Le réalisme passe aussi par les situations, formellement anti-glamour : on se contente d'un plan cul un peu désaxé parce qu'on a la flemme de chercher mieux, on reste par confort avec son copain même s'il nous ennuie, on attrape des MST ou on est encore vierge en secret à 21 ans.


Aussi "Girls" aurait pu être exceptionnelle. Mais, comme ses personnages, elle se limitera à son seul potentiel, parce qu'elle choisira rapidement de sacrifier ce réalisme, véritable défi artistique, pour se conforter de plus en plus dans la comédie délicieusement absurde et le drama un peu basique. On sera donc partagé : d'un côté, le plaisir immédiat d'un divertissement plus intense, porté par des personnages de plus en plus caricaturaux comme celui de Shoshanna, interprétée par la très investie Zosia Mamet, et des situations ubuesques cependant compensées par le regard critique des personnages. De l'autre, le regret de voir la série se réduire à une sorte de préquelle de "Sex & the City", modèle à la fois assumé et rejeté, quand elle pourrait devenir une fine analyse sociologique. A ce titre, la distribution peinera parfois à trouver sur quel pied danser, et le jeu en pâtira alors, quoique rarement.


Cependant, même dans ses moins bons moments, "Girls" restera plus intéressante, plus poétique et plus riche que la plupart de ses consœurs. Cela passe d'abord par l'inspiration parfaitement indie de la réalisation, grâce à la grande liberté artistique accordée par l'excellente HBO. On appréciera donc l'honnêteté avec laquelle la série est filmée, mise en scène et en musique, et les rares et inhérentes erreurs de parcours seront complètement excusables : Dunham prend au moins la peine d'expérimenter artistiquement, contrairement à la plupart des séries qui se servent de la caméra uniquement pour enregistrer leurs acteurs. Et surtout, on adorera les dialogues qui, s'ils perdent eux aussi en qualité au fil du temps, sont souvent d'une qualité impressionnante. Et puis, au-delà de tout ça, "Girls" se démarque par une liberté de ton enthousiasmante, rebelle, libératrice et ineffable. Alors faites-moi confiance.



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