samedi 30 mars 2013

Ce que l'on écoutait en Mars 2013, à usage de nos descendants.

(Hé, vous en faites pas, demain, je parle d'autres albums, je suis pas si monoïdéique.)

Zazie - "Cyclo"

Oui, bon. Vous vous souvenez tous douloureusement que Zazie et moi, c'est une longue histoire d'amour à travers les âges, qui est passée par cinq albums, onze concerts (oui, onze, bon, ça va, j'étais jeune), une paire de rencontres incroyables et quelques folies belges. Sauf que c'était fini ! Après "Za7ie", qui pêchait par le manque de rigueur associé à son ambition, un concert roubaisien pas terrible, et globalement un changement de goûts musicaux, je m'étais dit que voilà, bon, Zazie, c'était bien mignon, mais que maintenant, moi, je n'en aurais plus rien à foutre, de ses cheveux longs, ses néologismes, sa démagogie et ses pantalons en cuir. Et puis Zazie s'est recentrée en un huitième album. Elle en a diffusé quelques chansons, en avant-première, au goutte-à-goutte (peinant en fait à trouver un single, mais chut, faut pas le dire). Avec les premières, je tenais bon. Et puis vint la chanson éponyme de l'album, "Cyclo". Et bim, dans ta gueule. Je crois que je n'aimerais pas Zazie si je l'entendais pour la première fois aujourd'hui, maintenant que je carbure à coups de Florence + the Machine et Björk. Mais là, "Cyclo", bon, la conclusion s'est imposée : ce n'était pas fini.




On peut reprocher énormément de choses à Zazie. C'est très facile, même : la lente décrépitude de la qualité de ses textes au fil des albums, sa formidable démagogie une fois plus, et sa capacité à s'inspirer du meilleur mais à se limiter au moyen. Mais il y a quelque chose que l'on ne pourra pas lui ôter : sa faculté à la prise de risque. On l'a vu récemment donc avec son album précédent qui souhaitait réunir 49 titres répartis en 7 EP, selon un concept malhonnêtement suivi par la maison de disques qui a voulu tirer le plus de lait possible de l'affaire et s'en est mordu les doigts, malgré la qualité respectable d'un album trop foisonnant. Mais cela remonte aussi à "Rodéo", accompagné d'un DVD de clips tournés en Inde pour toutes les chansons, à "La Zizanie", octogonal et promu par des crieurs à l'ancienne dans les rues... Et pour "Cyclo", après la petite baffe que la belle s'est prise à cause de la médiocre promotion de "Za7ie", Zazie a évité le piège qui lui ouvrait grand les bras, à savoir pondre vite fait bien fait une douzaine de chansons dans la veine de ce qu'elle sait faire, sans trop se fouler, pour rapidement faire oublier l'opus précédent.

(mais ça, c'était avant.)

Mais elle a su se remettre en question, et mettre fin à ses associations musicales qui l'enfermaient constamment dans une franchouillardise pas toujours reluisante, pour se diriger enfin, enfin, enfin vers ses premières amours : la musique façon anglosaxonne. Pour ce faire, elle travaille avec Olivier Coursier, du groupe AaRON, et fait mixer son album par Tony Hoffer. Oui, bon, pas trop mal, déjà. Et avant la sortie, les critiques s'accordent à le dire : "Cyclo" sera une prise de risque sans précédent, une rupture avec l’œuvre antérieure de la chanteuse, un opus loin des affres commerciaux. D'ailleurs, Zazie, un peu décontenancée par ses propres changements, peine à sélectionner un single efficace.


Et donc l'album est dévoilé. Ce qui est sûr, c'est qu'effectivement, Zazie change de style. Elle se jette enfin à plein corps dans l'électro avec laquelle elle ne faisait que flirter timidement jusqu'ici, et Olivier Coursier met enfin une couleur plus adulte, plus complexe et plus profonde à sa musique. C'est ce que tous les journalistes répèteront à Zazie : "Dites donc, il est bien sombre, votre album", et la grande de rabâcher que ce n'est pas parce que c'est sombre que c'est triste. Enfin, Zazie s'individualise, sort un peu des sentiers battus de la variétoche et offre une musique qui semble plus en accord avec ce qu'elle a toujours voulu faire. A ce titre, l'ensemble de l'album marque d'abord par sa grande homogénéité : tout est teinté de la même mélancolie méfiante, c'est un travail extrêmement cohérent, et qui demande à l'auditeur une concentration plus importante pour cerner certains morceaux qui se mêlent. Les arrangements sont surprenants, tant ils habillent des morceaux dont on peut presque parfois sentir la version simple qu'ils ont failli être : de la musique facile, sympathique mais sans grand intérêt. On a eu chaud.


Que les choses soient claires, ce n'est pas non plus la très grande révolution. Les thèmes sont souvent presque galvaudés : "Si Tu Viens" semble la suite de "Vue du Ciel" ("Totem", 2007), "Je Ne Sais Pas" une redite de "Homme Sweet Homme" (Zen, 1995), et même "Cyclo" développe "Yin Yang" ("Totem", toujours 2007). Mais Zazie s'en défend, elle sait ce qu'elle a à dire, et je pense comme elle que tout artiste n'a en fait que très peu de choses à exprimer, qu'il répètera et nuancera toujours dans ses œuvres. Musicalement, également, on retrouve quand même une continuité avec ce qu'elle avait commencé à la fois dans "Ma Quête" ("Za7ie", 2010), ou ponctuellement auparavant ("07 Déc.", "J'Arrive"...). Si cela empêchera parfois d'accéder pleinement à quelques pistes, on a surtout l'impression paradoxale, encore une fois, que Zazie, au lieu de s'enfermer sur ce qu'elle fait, tend plutôt à réaliser ce qu'elle a toujours voulu dire, mais avec une liberté accrue, notamment dans la forme avec des morceaux qui dépassent allègrement les cinq ou minutes, loin du formatage auquel elle s'était habituée, et une lucidité supérieure dans le fond. Elle n'y est pas encore totalement ; mais elle s'en approche, et cette évolution artistique est plutôt touchante.


En ce qui concerne les chansons à proprement parler (oui parce que bon, je vais arrêter de disserter sur ma chanteuse des années 90, on est bien d'accord), les textes sont globalement décevants ("Mademoiselle"), d'autant plus si on avant la folie d'attendre encore quelque chose de Zazie à ce niveau : on peut juste saluer la légère libération dont elle fait preuve dans l'écriture et se réjouir que dans le meilleur des cas, la simplicité sera utilisée à bon escient. Par exemple, j'ai donc déjà parlé de "Cyclo", longue piste de presque six minutes, et qui touche, inexorablement, incroyablement : la sincérité du texte s'accorde avec une musique hypnotique et douce, Zazie s'approche de la sainte congruence entre le fond et la forme. A côté de ça, beaucoup de balades, que ce soit presque larmoyant façon diva française à la façon de "Je ne sais pas", ou plus introspectif et développé comme "Vienne La Nuit" ou "Temps Plus Vieux". Les morceaux plus pêchus, l’enthousiasmant "Tout" et l'exutoire "20 ans", se caractériseront donc par leur message sombre chanté avec allégresse, prometteurs de bons moments en concert. (Oui bon ok j'ai pris mes places. (Oui bon ok pour deux dates. (CA VA, HEIN.))). Et puis des chansons comme "Les Contraires", où là encore la simplicité du texte se marie étonnamment bien avec une musique qui résonne dans tous les sens du terme, ou encore "Si Tu Viens", invitation exaltante, sait, comme beaucoup de morceaux de l'album ("Où Allons-Nous", "Vienne la Nuit"), prendre son temps et monter en intensité pour une émotion décuplée.


Bon, je vais conclure là mon laïus qui n'intéresse que moi. Je vais même résumer pour l'immense majorité d'entre vous qui n'avez pas tout lu (et heureusement, j'espère que vous avez mieux à faire. Je ne vous cache pas qu'au début, je devais ne faire qu'un paragraphe. Bon.). "Cyclo" est un album intéressant, qui rompt effectivement avec ce que la chanteuse a fait jusqu'alors, au moins dans la forme. C'est plutôt chouette de la voir s'approcher enfin de ce qu'elle veut dire, avec une liberté renouvelée. Je n'aimerais pas Zazie si je la rencontrais aujourd'hui, mais avec "Cyclo", je retiendrais peut-être son nom pour voir ce qu'elle fera ensuite. La suite de sa carrière est redevenue intrigante et pleine d'espoir.

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