mercredi 20 mars 2013

"Camille Claudel 1915", Bruno Dumont

L'affiche résume parfaitement la situation : ce film est simplement la réunion de Bruno Dumont, réalisateur nordiste émérite à qui on doit notamment l'excellent "Hors Satan", Juliette Binoche, célèbre actrice glamour et naturelle, utilisée ici à contre-emploi, et Camille Claudel, artiste statuaire internée pendant trente ans pour paranoïa.


Bruno Dumont délaisse ici son Nord-Pas-de-Calais tant aimé pour se consacrer à la Provence, l'asile où Camille se retrouve incarcérée de force se situant dans le Vaucluse. Si on le sent moins à l'aise avec ces paysages escarpés et ensoleillés, il les filme avec une pâleur qui pénétrera tout le film, des pierres froides des couloirs au teint cireux de Binoche. Bien entendu, chaque plan relève de la composition picturale, et l'esthétisme froid et contemplatif du long-métrage constitue une de ses qualités les plus probantes. Dumont est à l'aise avec son art : ce qui semble inconcevable pour de nombreux metteurs en scène semble lui venir avec la facilité la plus naturelle, alors que chaque élément de son film pointe vers le même message.


Aussi dessine-t-il le portrait d'une femme enfermée. Camille Claudel ne pourra jamais se poser : chaque moment de tranquillité éphémère sera immédiatement interrompu par une intrusion toujours plus agressive et devant laquelle elle sera toujours plus impuissante. Le rythme est lent bien sûr, mais ennuyeux seulement par l'inclusion du personnage de Paul Claudel, avec ses citations professorales et son obsession pour la religion qui rejoint celle de Dumont, qui semble contraint d'introduire ici encore son plus grand démon. Au-delà de cela, on se réjouira de la puissance d'intelligence de l'enchaînement, avec Juliette Binoche, magistrale, au centre.


Le plus grand exploit de Dumont et Binoche, ici, sera de faire oublier l'ultra-connue Binoche, justement. Elle ne sera que Camille Claudel, cette femme dont on n'aura cure des troubles psychiatriques, tant il apparaît clair que son environnement est bien plus pathogène que sa maladie. Le réalisateur fait d'ailleurs appel à de vraies patientes pour peupler l'asile, créant souvent un sentiment de gêne et d'inconfort signant la réussite de ce pari risqué. Le regard sur la folie ne sera jamais réducteur, mais, à travers les yeux de Juliette et de Camille, purement réaliste. Si la reconstitution biographique amène bien sûr des questionnements, elle semble suffisamment documentée, et contribue à faire de ce nouvel opus une œuvre forte, anxiogène, révoltante et belle.


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