vendredi 8 juin 2012

"Moonrise Kingdom", Wes Anderson

"Moonrise Kingdom" raconte l'histoire un brin farfelue de Sam, jeune scout orphelin de douze ans, qui décide de fuguer avec son amoureuse Suzy, jeune fille renfermée et rêveuse. Il quitte son camp et part à l'aventure dans l'île où ils habitent, alarmant les insulaires...



Il y a dans les films qui mettent avant tout en scène des enfants, cette sorte d'injustice qui veut que l'on nomme surtout comme têtes d'affiche les acteurs adultes connus de tous. Ici, il est vrai que Tilda Swinton est comme un poisson dans l'eau dans son rôle de cruelle représentante des Social Services, tandis que Bruce Willis continue sur sa lancée de "je veux prouver que je suis capable de faire autre chose que des blockbusters d'action", même si tout le monde en est déjà suffisamment convaincu et que plus personne ne l'écoute. Edward Norton campe quant à lui un personnage qu'il sait rendre attendrissant, malgré les amusantes caricatures volontaires. Mais c'est avant tout les deux protagonistes principaux qu'il faut féliciter : Jared Gilman parvient à n'être que très rarement agaçant (ce qui, avouons-le, pour un enfant acteur, est un exploit suffisant) et incarne avec aisance le rôle de ce jeune garçon lunaire. Face à lui, la merveilleusement bien castée Kara Hayward révèle des yeux charbonneux, une gueule à suivre et une sensibilité écorchée, surprenante pour son âge.





Quoi qu'il en soit, la vraie friandise du film, ce qui le cale comme vraie oeuvre d'art cinématographique et le différencie de toute comédie de bas-étage, c'est bien évidemment le travail léché de Wes Anderson. Concernant la réalisation, on ne sait même plus par quoi commencer : le travail sur les couleurs automnales est divin, et les plans, surtout dans la nature, sont magnifiques. Les mouvements de caméra sont précis, recherchés et parfois jouissifs tandis qu'ils évoluent dans des décors soignés, entre le kitsch et le surréalisme. Le tout est de surcroît parsemé de petites trouvailles relevées, dans la meilleure veine indie : les événements cocasses et originaux rythment tout le film, laissant le spectateur entre l'amusement et l'admiration. Les dialogues sont évidemment ciselés avec goût, l'humour est omniprésent et la caractérisation des personnages est aussi fantasque que sensible.





La forme est donc, pour ainsi dire, irréprochable ; concernant le fond, on peut être plus nuancé. Si les personnages sont riches et les thèmes explorés profonds, on regrettera la dérive vers un schéma narratif trop traditionnel. Alors même que la fugue des deux pré-adolescents est à son meilleur, elle est interrompue, et le long-métrage a à peine dépassé sa moitié. La suite des événements prend donc un goût certes inattendu, mais moins exaltant, car la recherche effrénée des jeunes amoureux devient presque redondante. Le tout converge vers une fin se voulant un peu trop spectaculaire, là où la simplicité dont le film faisait preuve délicate à son début aurait sans doute été préférable, plutôt que de succomber, semble-t-il, à l'appel des attentes du grand public. La cohabitation de ces deux tendances dans le film grève la plus méritoire, celle qui représente le mouvement indie à son apogée, et qui fait malgré tout de "Moonrise Kingdom" une œuvre intéressante, réfléchie et indéniablement jolie.




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