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"Bullhead" / "Rundskop", Michael R. Roskam |
Les films flamands qui arrivent jusqu'aux salles françaises sont étrangement assez rares ; s'ils y parviennent, c'est alors que quelque chose a dû se produire : le film en question doit être excellent. C'est le cas de "Bullhead". Ce film purement flamand raconte l'histoire d'un éleveur de bétail qui commence à se mêler malgré lui à une affaire surveillée par la police de trafiquants d'hormones ; mais il cache un secret d'enfance qui a pour toujours changé sa vie, le conduisant à sans cesse se piquer lui-même à la testostérone. Roskam signe avec ce film un tour de force artistique d'une envergure incroyable. La profondeur du récit est vertigineuse, le long-métrage offrant une réflexion passionnante sur le sujet de la virilité, auquel est évidemment mêlé le thème tabou de la castration masculine. Jacky est-il encore un homme, sans testicules ? Est-ce la testostérone qui fait de lui un homme ? Ou devient-il comme ses bêtes, un bœuf inerte qui ne peut espérer que s'épaissir sous l'effet des piqûres ? Le sujet est traité entre les lignes du récit, mais avec une puissance et une réflexion magistrales. La performance monstrueuse de Matthias Schoenaerts porte toutes ces questions sur ses fortes épaules. Dans ce milieu rural difficile, le sujet de l'homosexualité masculine est également abordé via les autres personnages : l'homme qui aime les hommes est-il inévitablement féminin ou au contraire hautement viril ? Toute cette dimension anthropologique aussi rare que fascinante est entremêlée avec aisance à une enquête policière, à de la comédie, et au portrait d'un homme déchu, détruit par un "accident" d'enfance. Ainsi, si le thème est particulier et l'histoire
a priori redondante, "Bullhead" est en fait un chef-d’œuvre d'écriture à côté duquel il ne faut surtout pas passer.
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"Elena", Andrei Zviaguintsev |
Elena et Vladimir sont un couple d'un certain âge, tous deux ont des enfants issus de précédents mariages : le fils d'Elena a fondé une famille mais peine à réunir l'argent nécessaire pour envoyer son fils aîné à l'université, tandis que la fille de Vladimir n'a jamais eu de souci financier et mène une vie volage et bohème. Vladimir veut tout céder à sa fille et refuse d'aider monétairement la famille d'Elena, laissant son épouse face à un terrible dilemme, déchirée entre les deux bras de sa famille. Zviaguintsev synthétise évidemment en cette famille la lutte des classes russe : désormais forcées à cohabiter, le riche et la pauvre vivent une vie agréable ensemble, mais leur loyauté va uniquement envers leurs propres racines. Les niveaux de lecture du film sont nombreux grâce à une écriture précise, efficace, cruelle et géniale. Elle nous mènera à un retournement de situation inattendu et tragique, qui parviendra à être amené avec une franchise et une froideur qui transcenderont l'horreur. L'image elle-même est lisse et glaciale, les plans millimétrés de l'appartement vide s'enchaînent avec magnificence et c'est toute la mise en scène qui replace ce décalage entre la pauvreté et la richesse, par un travail plaisant sur les couleurs, les lumières et les cadrages. La sombre histoire d'Elena n'est ni triste ni gaie : grâce à la performance remarquable de Nadezhda Markina, elle apparaît juste comme une malheureuse obligation dans une société qui ne se comprend plus.
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