dimanche 27 mai 2012

Oui donc voilà. (2)

"Terraferma", Emmanuele Crialese

Après le très bon "Golden Door", qui réussissait le pari d’inclure Charlotte Gainsbourg au milieu de Siciliens du xème siècle, en sublimation décalée du contraste entre la bourgeoise et les paysans, tous en quête ensemble du Nouveau Monde,  Crialese revient avec "Terraferma", qui se situe cette fois encore sur une île italienne, cette fois de nos jours. L'occasion de dépeindre des décors marins magnifiques, parfaitement sublimés par la caméra de Crialese qui livre des images aux couleurs profondes et majestueuses, elles-mêmes partagées entre la modernité par la qualité de l’image, et un certain esthétisme kitsch. Au même titre, les habitants de l’île, pêcheurs par tradition, doivent choisir entre rester fidèles à leurs racines et s’adapter à la nouvelle source de revenus principale de l’île : le tourisme. Ce conflit qui les divise prend une autre tournure quand l’île abrite soudain une troisième population : celle des immigrés illégaux. La rencontre entre ces trois mondes au milieu de la mer plonge les personnages dans l’indécision et ouvre la porte à des questionnements humains et profonds qui nous interrogent directement. L’interprétation des comédiens relève encore ces divergences, entre le passé et le futur, le stable et le changement, l’entraide et la survie, le soi et les autres. Au total, "Terraferma" arrive à être profond sur la forme comme sur le fond, et parvient à conclure son récit de manière sensée et intelligente, pour en faire une œuvre aussi belle que captivante.


"La Terre Outragée" / "Land of Oblivion", Michale Boganim


On suit d'abord le mariage d'Anya, qui a la mauvaise idée d'avoir lieu le 26 avril 1986 à Pripiat, quelques heures avant ce qui serait vite connu mondialement comme la catastrophe de Tchernobyl. Il est évidemment toujours passionnant de suivre l'effet microscopique d'un événement aux telles répercussions, d'en étudier à échelle humaine les conséquences concrètes sur la vie des habitants alentour. C'est avec la même horreur fascinée que lors d'un accident au ralenti, que l'on regarde ces condamnés en une journée ensoleillée s'amuser et s'aimer, avant de devoir être évacués. Les paysans et les ouvriers doivent quitter leurs maisons sans qu'on leur explique pourquoi : tout à coup, l'aberration de telles mesures apparaît flagrante. Les morts commencent et les proches restent dans le noir, et la pluie tombe, chargée de radioactivité... Boganim parvient à rapporter ce récit avec humanisme, empathie mais suffisamment de recul pour ne jamais tomber dans le sentimentalisme. Un peu trop rapidement cependant, on coupe à dix ans plus tard, pour une deuxième partie de film plus longue et moins passionnante, car éternellement figée. Anya, interprétée par la très belle Olga Kurylenko, est maintenant guide pour les étudiants, les touristes et les curieux qui viennent visiter les lieux désertés. Là, un jeune homme recherche son père, des immigrés squattent ces maisons qui n'ont plus d'existence juridique et Anya rêve seulement de partir. Le regard porté par la caméra blafarde est contemplatif : à la façon des habitants, il reste passif, morne et blasé. Le récit piétine tout simplement parce qu'il n'y a plus rien d'autre à dire face à l'horreur dans laquelle les habitants sont enfermés pour toujours, malgré eux. Emprisonnés dans cet accident au ralenti jusqu'à la fin de leur vie. Le constat est simple et triste ; on s'attend à des péripéties mais leur vie est aussi fantomatique que les lieux où ils habitaient. Le film se termine et aura cristallisé le drame.

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