jeudi 9 février 2012

"Millénium : Les hommes qui n'aimaient pas les femmes", David Fincher

J'ai lu il y a quelques années les deux premiers tomes de la saga suédoise "Millénium" de Stieg Larsson. Le rythme est haletant, le style est simple, parfois erratique, mais apporte un éclairage souvent captivant sur l'histoire, extrêmement bien pensée et complexe, et les personnages, riches et denses. Cela dit, la longueur du récit m'a temporairement découragé de sa poursuite, et l'envie de consacrer mes lectures à d'autres auteurs a pris le dessus, tant et si bien que ce n'est que ce mois-ci que j'ai rouvert le troisième tome pour en redémarrer la lecture. En somme, j'aime bien "Millénium". Je n'ai pas vu les films suédois, eux-mêmes tirés d'une série télé qui les présente en version plus longue (et que je regarderai préférentiellement à l'occasion). Pour cette adaptation américaine, disons que bon, heureusement que la promotion en est faite depuis longtemps : on a pu depuis passer plus ou moins outre ce sentiment de profond agacement face à cette manie américaine de voler les meilleures réussites européennes pour en faire une resucée inintéressante façon "qui veut gagner des millions". Ne restait que la curiosité.


Je ne peux pas encore m'adonner au passionnant exercice comparatif des versions, mais je dois avouer que j'ai malgré tout une bonne impression de cette adaptation américaine. L'histoire est bien suivie, quitte à ne pas garder le climax pour le dernier quart d'heure mais à s'attarder davantage sur les aboutissants lors de la dernière demi-heure. Certaines libertés sont bien sûr prises : si certaines ne dérangent pas trop (absence du séjour en prison de Mikael), d'autres sont bien plus gênantes, comme des détails de la fin, car même si elles sont en soi de bonnes idées, elles ne justifient pas de dénaturer le travail de l'auteur pour autant. Mais on touche là à l'éternel débat de l'adaptation de livres au cinéma, ainsi closons la discussion en concluant que oui, l'adaptation est imparfaite, mais qu'il nous faut nous contenter du fait que Fincher nous livre ici un film palpitant, dont le récit est cohérent, intelligent et suffisamment fidèle. Et au moins, malgré un générique inquiétant qui semblait confirmer toutes nos craintes face à la potentielle incompréhension du sujet, il ne tombe pas du tout dans l'habituelle et impardonnable dérive d'en faire un film d'action sans fond, mais en garde la subtilité pour en réaliser un film policier complexe.

Le rythme est donc soutenu, et évacue les hésitations des personnages du livre pour construire un récit plus dynamique, particulièrement au début où les événements s'enchaînent à une vitesse folle. Fincher a sûrement retenu ses leçons après son interminable "Zodiac", où l'histoire était infiniment diluée jusqu'à une résolution parfaitement anticlimactique... Ici, par la suite, seront à peu près mis en scène le temps qui passe et le travail astronomique effectué par les deux enquêteurs amateurs. En attendant, l'alternance des différentes histoires avant qu'elles ne se recoupent toutes est intelligente et aide à éloigner tout ennui pendant deux heures et demie. Elle est aidée en cela par une réalisation vive et moderne, qui ne s'attarde peut-être pas assez sur l'esthétisme, mais fait preuve d'une redoutable efficacité, soutenue par une musique adaptée et rarement pesante et constituée de plans à la fois classiques et modernes. Fincher sait ce qu'il veut filmer et comment il veut le filmer, cela se ressent et c'est d'autant plus plaisant.

Le casting n'est pas en reste : certains personnages secondaires trouvent un acteur à leur exacte mesure, tels que Geraldine James, parfaite en Cecilia, et Robin Wright Penn, évidente Erika Berger. Si la multitude de vieux hommes affiliés à la famille Vanger passe davantage inaperçue, il faut reconnaître que Daniel Craig s'impose en tant que Mikael Blomkvist. Malgré les réticences quant à son physique un peu trop "star de cinéma", il délivre là une performance satisfaisante : sans emmener Mikael beaucoup plus loin que son personnage, déjà assez limité dans le développement dans le livre, il en donne un portrait assez fidèle. Là où le bât blesse réellement, c'est justement là où tous les yeux étaient rivés : Rooney Mara dans le rôle de la "nouvelle" Lisbeth Salander.

Lisbeth Salander est le personnage clé et fétiche de la saga, celui sur qui toute l'histoire repose, celui qui a fait ingurgiter ces milliers de pages à des milliers de personnes. Le personnage est novateur, impressionnant et complexe. Il y avait des raisons de s'inquiéter quant à la performance d'une actrice dans ce rôle difficile... Et il se trouve que Rooney Mara, malgré sa transformation physique, n'a pas compris le personnage. C'est à se demander si elle a même lu le livre. Dans une interview, elle confie que Fincher lui a laissé carte blanche pour son interprétation... et elle fait donc de Lisbeth une personne certes surdouée, mais complètement autiste, souvent très gênée socialement, voire ridicule. Là où la vraie Lisbeth Salander, celle de Largsson, avait une extrême confiance en elle et une force morale indestructible. La performance de Mara est incohérente avec le personnage et avec les événements des futurs épisodes, que l'actrice découvrira sûrement pour la première fois avec le script. Espérons que le tir sera alors rectifié, car il s'agit bien là du plus gros défaut du film.

Ainsi, au total, cette nouvelle adaptation de "Millénium", malgré ses libertés prises parfois dommageables, ne tombe pas dans les travers impardonnables des remakes américains et livre à la place un long-métrage haletant, intéressant et sombre, à peine grevé par la piètre performance de l'actrice principale.

1 commentaire:

  1. Plutôt d'accord avec toi, mais comme j'ai vu les films suédois, je fais forcément la comparaison. Point négatif, comme tu l'évoques, ce sont les libertés prises sur la fin par rapport au livre.
    En tout cas, j'écris surtout pour te filer un lien qui t'intéressera peut-être : http://www.movies.com/movie-news/sexualizing-lisbeth-salander/5948
    Ciao !

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