jeudi 30 janvier 2014

"Yves Saint-Laurent", Jalil Lespert

Ah, le fameux et ô combien lucratif genre du biopic...


C'est le jeune (et je me permets de dire "jeune" parce qu'il a l'âge que j'aurai dans moins d'une semaine, grands dieux !) Pierre Niney qui interprète Saint-Laurent, d'une manière très sensible et impliquée. On peut en effet toujours craindre, quand un acteur joue une personne non-fictive, que cela lui bride tout élan de créativité - Niney fait tout l'inverse : il réinvente Saint-Laurent, l'incarne précisément, mais avec un dévouement et un enthousiasme empreints de respect, et c'est à la fois amusé et impressionné que l'on assiste à cette méticuleuse métamorphose. Ce portrait est souvent attendu, mais conserve une richesse certaine en exposant les contradictions et les tourments de son protagoniste : on découvre, ou redécouvre, Yves Saint-Laurent comme un artiste maudit, un créateur anxiodépressif, un homosexuel dans les années 60, un fêtard excessif, un génie en souffrance.


Il s'agit aussi, et bien sûr, d'une immersion dans le monde de la mode, dépeint comme intemporel, tant il sera presque l'unique marqueur de la temporalité. Les robes, véritables, sont évidemment magnifiques, et les redécouvrir ici est un plaisir. On aurait aimé explorer encore davantage l'influence que "YSL" commence à avoir sur le monde, l'effet que ces robes ont eu sur les femmes et les mœurs de l'époque, les réactions au-delà des quelques coupures de journaux et du cercle d'Yves (dont Victoire Doutreleau, magnifique Charlotte Lebon que l'on aura cependant préférée dans "La Marche"). Loin de l'extravagance de ces collections, la mise en scène s'avère bien sage et rangée. Et alors que la narration suit ce flot sans trop de longueurs, les différentes péripéties posent, comme toujours, la question de leur véracité ; à quel point sont-elles romancées ? Sûrement beaucoup, ce qui diminuera parfois l'originalité du sujet. Victime de son genre, l'histoire se perdra parfois entre nécessité de retranscription des faits et utilité scénaristique : par exemple, certains personnages (comme celui de Loulou de la Falaise) ne trouveront jamais de raison d'être ; mais au moins, elle saura éviter de justesse l'habituel schéma des biopics "gloire - déchéance".



Parce que le récit se relève surtout en une histoire d'amour, celle qu'Yves partage toutes ces années avec Pierre Bergé, interprété par Guillaume Gallienne, et qui a, apparemment, surveillé le long-métrage avec le soin acharné qu'on lui découvre dans le film. Dès lors, la voix-off de Bergé, quoi que souvent trop explicative et superflue, revêt un aspect assez émouvant : on ne sait plus si c'est Gallienne ou Bergé, le faux ou le vrai. Ce qui reste clair, c'est la puissance de cet amour surpuissant et irrationnel qui fera des deux hommes des compagnons jusqu'à la mort, et même après au vu des projets que Bergé mène en le nom de Saint-Laurent. Et ce malgré les trahisons, les incompréhensions, les bagarres, les tromperies. Serait-ce ça, le grand amour ? Les amours pures et éternelles auraient-elles la prétention de résister ainsi à toutes les bavures ? Ou alors ce type de lien, possessif et autodestructeur, est-il déraisonnable ? Peut-être qu'on se pose les questions, peut-être qu'on est juste ému de cette dernière déclaration d'amour, d'un homme à son conjoint défunt, du monde à un artiste parti.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Hé les copains, vous pouvez choisir l'option "Nom/URL" pour qu'on sache qui vous êtes. Comme ça si vous me faites des compliments je saurais à qui faire des bisous. Et si c'est des critiques je saurais qui rayer de ma vie. Paix amour bonheur!