lundi 11 novembre 2013

"Un Château en Italie", Valeria Bruni Tedeschi

C'est l'histoire d'une femme riche. Le grand manoir paternel en Italie doit être vendu ; le frère se meurt du sida ; la mère gère comme elle peut le décalage entre le rythme de vie et les finances persistantes ; un ami de la famille les harcèle pour être entretenu ; et Louise, quarantenaire en mal d'enfants, tombe amoureuse d'un comédien de vingt ans son cadet.

ouh qu'elle est vilaine cette affiche

Alors, oui, c'est sans doute ce genre de film ultra-bobo, acclamé par Télérama et les Inrocks et suivi par Assurément ! On y parle de problèmes de riches, de l'angoisse existentielle d'une quarantenaire qui s'ennuie, de relations floues entre personnages profondément névrosés. Le "film français" par excellence - en tout cas au sens que ses détracteurs lui donnent. Il n'empêche que le scénario de Valeria Bruni Tedeschi, coécrit notamment avec la merveilleuse Noémie Lvovsky, se tient absolument dans une cohérence admirable.


On est bien sûr plongé en pleine autofiction : le frère de Bruni Tedeschi est lui-même décédé du Sida, elle a été cinq ans en couple avec Louis Garrel casté ici dans son "propre rôle", et elle est elle-même une actrice dysthymique abandonnée à la richesse de la dynastie familiale. Pourtant, ce processus se fait sans douleur ni exhibitionnisme : on sent dans cette histoire, au-delà d'une velléité de mise en scène narcissique, une volonté d'écrire sur ce que l'on connaît, de retransmettre une vie telle qu'elle se déroule, dans un quotidien nonchalant qui ne suit pas un lit narratif conventionné.


Aussi le film a été beaucoup apprécié pour un supposé mélange des genres, mais il apparaît en fait que les situations, comme le reste, se trouvent toujours sur le fil. La comédie naît d'une souffrance peu risible qui trouve là une extériorisation légère ; et quand la violence jaillit, on la sent aussi passionnée qu'inoffensive. Ainsi les genres ne sont pas mélangés : ils sont fusionnés. Les dialogues regorgent d'un réalisme qui colle avec les quelques minauderies de l'actrice principale, tandis que Louis Garrel y trouve un rôle certes sur mesure et parfaitement dans ses cordes, mais en conséquent maîtrisé. Seule Céline Sallette n'est pas mise en avant : comme son personnage jamais vraiment inclus dans la famille, elle sera peu filmée, ou alors de loin, pas directement, pas vraiment ; pourtant sa performance est très travaillée.


On peut ne pas comprendre ou ne pas être touché par ce qui peut sembler un marivaudage auto-psychanalytique qui ne fait que poursuivre ce que "Actrices" commençait. Mais l'application de Valeria Bruni Tedeschi à représenter avec ferveur son histoire dans toutes ses dimensions, tous ses détails et toutes ses complications, quitte à ce qu'elle en devienne bigarrée, constitue la captivante réussite d'une artiste qui parvient à dire ce qu'elle souhaite exprimer. Le fond en est discutable, bien sûr, tant le trouble métaphysique de la réalisatrice comme de sa protagoniste peuvent sembler vains et superficiels ; mais cette honnêteté affranchie ne l'est que très peu.

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