mercredi 27 mars 2013

"La Religieuse", Guillaume Nicloux

Il s'agit tout d'abord d'un roman de Diderot, adapté une première fois en 1966 par Jacques Rivette, puis cette année par Guillaume Nicloux. Il choisit la jeune Pauline Étienne pour incarner Suzanne Simonin, adolescente contrainte par sa famille à entrer dans les ordres, et qui va alors tomber sous la coupe de trois Mères Supérieures successives. Bien que croyante, la jeune Suzanne ne souhaite pas être religieuse et elle souffrira violemment de cette condition imposée.


Dans ce film en costumes, les voiles déposés sur les comédiennes permettent d'encadrer leurs visages et de souligner exclusivement leurs faces. La force du jeu en sera amplifiée : Pauline Étienne est très prometteuse , aussi vive qu'à fleur-de-peau. Isabelle Huppert, Mère Supérieure passionnée, dérangée, folle de désir pour chaque nouvelle recrue, excelle comme d'habitude, sans trop se fouler dans un type de rôle qu'elle maîtrise parfaitement ; tandis que Louise Bourgoin, sans surprise, est extrêmement fausse en religieuse sadique. Les dialogues fusent entre les personnages avec une clarté rare et dépourvue de maniérisme, témoin d'une direction sensible et intelligente.


En voyant ce film juste après "Camille Claudel 1915", il est amusant d'y déceler des points communs, notamment en ce qui concerne l'enfermement. Dans "La Religieuse" aussi, on ressent cette froideur pétreuse, cette solitude marginalisante, cette pâleur diffuse, et ce via une mise en scène sans concession, directe et soignée. Elle se pâme de quelques symboles forts, comme la scène d'entrée de Suzanne dans les ordres, où, étendue à même le sol pour les besoins cérémoniels, elle semble écrasée par le poids de la contrainte. Durant tout le film, on ressentira ainsi pour elle ce conflit interne, aussi pur qu'irrésolvable.


En narrant l'histoire d'une femme parfaitement croyante mais parfaitement sûre de son manque de volonté à être religieuse, le film évite délicatement le réquisitoire contre la religion, et j'en profite pour exprimer tout mon immense désaccord avec Rebecca Manzoni de France Inter qui dresse un raccourci facile et faussé en assurant que ce film est actuel car il parle de femmes voilées forcées à entrer dans la religion, et que "des femmes voilées, il y en a encore" ; arrêtons de déconner, ma chère. Au contraire, on se retrouvera dès lors dans une situation à la fois plus sereine et plus déchirante, où la protagoniste se retrouve écartelée entre toutes ses obligations : c'est sa foi qui lui hurle qu'elle ne peut vivre dans le mensonge. Pourtant la vie lui amène, à chaque retournement de situation qui découpe le film en plusieurs parties quasiment hermétiques, des conditions différentes mais jamais meilleures... L'histoire de Suzanne Simonin ne s'en suivra qu'avec plus d'intérêt.

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