mercredi 6 mars 2013

"Happiness Therapy" ("The Silver Linings Playbook"), David O. Russell

Alors, oui. Je suis allé voir un film type comédie romantique américaine. Je ne sais pas très bien pourquoi, alors même que j'avais prévu de l'éviter, sentant revenir l'éternel schéma hyper précis et sclérosant du genre, réactualisé à la sauce psychiatrique à laquelle je serais forcément trop sensible (en raison de mon orientation professionnelle, hein, pas en raison de potentielles anciennes hospitalisations, non mais je préfère préciser, c'est comme ça que les rumeurs débutent, et tout, bon, on se comprend, voilà.) et qui risquait donc de moyennement m'amuser. Et puis les mecs, clairement, c'est un BLOCKBUSTER, là. Si, si. Attendez, il a même un titre VO en anglais traduit par un titre VF différent mais en anglais aussi ! Je le range dans la catégorie des blockbusters, et je fais bien, et je ne vais normalement voir qu'un blockbuster par an, tellement je suis snob, tout ça. Bon.



En fait, pour un blockbuster (car c'en est un, j'y tiens), il est relativement peu blockbusterisant, il a même un aspect "indé" assez développé (oui j'oppose de façon schématique indé et blockbuster, c'est complètement réducteur, on est d'accord, mais je fais ce que je veux, on est d'accord). Je pense que c'est ce qui explique son succès, d'ailleurs : le public habitué aux blockbusters a dû être agréablement surpris par l'originalité relative dont celui-ci fait preuve. En ce qui me concerne, ça reste quand même un blockbuster, avec pas mal des défauts qui vont avec, et surtout la prévisibilité complètement aberrante de certains retournements de situation que l'on était, apparemment, pas censé deviner. Merci de nous prendre pour des cons.


Au-delà de ça, c'est effectivement un bon film dans son genre (voilà, je l'ai mis en gras, n'allez pas me faire dire ce que je n'ai pas dit). Reprenons : d'un côté, Pat, diagnostiqué bipolaire après un incident qui lui aura valu la perte de son épouse et de sa maison, ainsi qu'une hospitalisation forcée en psychiatrie ; de l'autre côté, Tiffany, au trouble psychiatrique peu défini par le film, admettons qu'elle est borderline et qu'elle fait un deuil pathologique après la mort prématurée de son mari. Pat n'a qu'un objectif : reconquérir sa femme, et Tiffany a besoin d'un partenaire de danse pour un concours régional. Ensemble, ils passeront un marché assurant leurs intérêts. Si le film pouvait aisément s'alléger d'une bonne demi-heure, il faut reconnaître que le scénario se tient à peu près, même si beaucoup de moments manquent cruellement de l'enjeu nécessaire, donnant lieu à beaucoup de situations en demi-teinte.


La représentation de la "folie" est effectivement réductrice : si certains aspects sont réalistes, notamment la difficile observance, la bipolarité est dépeinte de façon assez peu authentique. En réalité, le film tombe souvent dans le piège de simplifier la folie et de la rendre soit comique, soit inquiétante, là où elle n'est souvent ni l'un, ni l'autre. Cependant, les deux acteurs principaux se débrouillent très bien : Bradley Cooper semble investi dans un rôle difficile, et donc mal dirigé, et Jennifer Lawrence surprend par la diversité de son jeu (à l'extrême opposé de sa performance dans "Hunger Games" (ah oui voilà, c'était celui-là, mon blockbuster de l'an dernier, je me souvenais plus, je me demande depuis le début de l'article)). Que les choses soient claires, sa victoire aux Oscars reste une honte totale et absolue, surtout face à Emmanuelle Riva (infiniment plus convaincante) et Quvenzhané Wallis (désarmante de naturel), mais il est vrai que l'actrice a fait du chemin.


Comme de bien entendu, la réalisation est brouillonne, peu réfléchie et souvent vomitive : arrêtons notamment de faire joujou avec le zoom, cher David, cela porte peu souvent ses fruits. Le montage est lui-même erratique, et, de façon assez impardonnable, le réalisateur peine à mettre en évidence ce sur quoi il semble vouloir se focaliser. C'est probablement la raison principale pour laquelle, comme évoqué plus haut, beaucoup de moments n'atteignent pas l'intensité voulue, les scènes de danse en tête. Allez, arrêtons de tourner autour du pot : c'est très mal filmé. Cependant, quelques scènes se couronnent d'une réussite inattendue, certains moments parviennent à être amusants, d'autres quasiment touchants (on citera  pour cela l'excellente Jacki Weaver, même si la pauvre s'est vue demander trop de fois d'abuser de ses grands yeux mouillés). Pour tout vous dire, je me suis même retrouvé à attendre le bisou final (qui était mal filmé, cela va sans dire), c'est pas rien. Aussi, finalement, disons que pour un mauvais film, ce n'est pas trop mal.

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