samedi 28 décembre 2013

"La Vénus à la Fourrure", Roman Polanski

Je n'avais pas du tout apprécié "Carnage", le précédent film de Polanski (dont j'ai publié la critique il y a deux ans jour pour jour, ça nous rajeunit pas, hein) une adaptation d'une pièce de théâtre dont on cherchait en vain l'intérêt. Je n'étais donc pas très motivé pour voir ce nouvel opus, d'autant plus qu'il s'agit cette fois encore d'un huis-clos et que cela parle d'une pièce de théâtre. Mais les bonnes critiques m'ont convaincu et je ne suis pas déçu.


Mathieu Amalric est une sorte d'alter-ego de Polanski : metteur en scène, il cherche désespérément une actrice pour incarner Vanda, femme dominatrice dans le roman sadomasochiste qu'il adapte en pièce de théâtre. Arrive alors Emmanuelle Seigner (et c'est reparti pour mille mots-clés Google la recherchant nue, elle ou sa sœur...) : une comédienne vulgaire et écervelée qui le convainc néanmoins de la laisser auditionner. Seigner surjoue dès lors qu'elle joue ce rôle, mais, à l'image de son personnage, se métamorphose dès qu'elle interprète le personnage de la pièce ; on en vient même à se demander si tout était prévu... Comme cette délicieuse introduction burlesque dans une avenue parisienne grise et pluvieuse.


Il faut dire que l'histoire toute entière de ce huis-clos est particulièrement bien ficelée. L'écriture est particulièrement fine et la conclusion aussi inattendue que parfaitement pensée. Les niveaux de lecture se superposent, puis se croisent, pour finir par se mélanger, se confondre et même se rassembler. La Vanda comédienne est-elle une Vanda-personnage, ou bien une autre version d'Emmanuelle Seigner, ou encore cette apparition de Vénus que les acteurs s'amusent à invoquer ? Et ce Thomas, est-il artiste incompris, soumis refoulé ou machiste incorrigible ? Peut-être tout cela, alors que les rapports de force théâtraux se rapportent à la hiérarchie entre actrice et metteur en scène, et aussi aux relations homme-femme, entre amour et dégoût, souffrance et plaisir.


Cette fois, Polanski parvient à merveille à trouver les limites entre le théâtre et le cinéma, jusqu'à jouer avec elles, exploiter pleinement le potentiel de la rencontre de ces deux arts. Le film ne ressemble jamais à du théâtre filmé et, à vrai dire, n'est jamais imaginable en pièce : l'abord cinématographique est indivisible, mais à travers ce prisme, le théâtre est présenté dans un écrin qui le sublime. La mise en scène théâtrale et la mise en scène filmique opèrent en synergie pour venir davantage brouiller les pistes au milieu du sujet complexe entrepris par le réalisateur avec une intelligence honnête et désarmante.

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